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À un millier de kilomètres de là, les membres de sa tribu étaient probablement en train de terminer eux aussi leur prière. Malgré l’éloignement et la solitude, Pü avait essayé de garder un rythme identique à la vie qu’il menait avant son départ. Aux premières lueurs de l’aube, le village s’éveillait et se préparait aux travaux routiniers nécessaires au bon fonctionnement de la communauté : entretien, artisanat, chasse, cuisine, réunions diverses, accueil des rares émissaires et commerçants, etc. L’objectif était d’effectuer un maximum de tâches avant le début de la longue litanie matinale. Celle-ci était conduite par Looï, la mère de Pü, et se soldait par un repas collectif au cœur du réfectoire, repas auquel toute la tribu participait. Après le déjeuner, les Zoraïs s’entraînaient à l’art du combat, et cela durant plusieurs heures. Les enseignements, destinés à tous, sans distinction d'âge ou de genre, étaient très variés : corps-à-corps, armes blanches, armes de tir, magie. En effet, la tribu était avant tout un clan de combattants, qui tôt ou tard, participerait à l’avènement de la Guerre Sacrée. Une fois l’entraînement terminé, les familles se retrouvaient dans l’intimité d’un repas, et s’adonnaient à diverses activités personnelles avant le coucher. Depuis toujours, Pü suivait des cours du soir avec sa mère, qui lui apprenait l’histoire homine, la géopolitique, la maîtrise des autres langues et les sciences. De temps à autre, il était accompagné de son grand frère Niï. Mais dans la grande majorité des cas, celui-ci suivait d’autres cours particuliers, avec leur père, le Masque Noir.
 
À un millier de kilomètres de là, les membres de sa tribu étaient probablement en train de terminer eux aussi leur prière. Malgré l’éloignement et la solitude, Pü avait essayé de garder un rythme identique à la vie qu’il menait avant son départ. Aux premières lueurs de l’aube, le village s’éveillait et se préparait aux travaux routiniers nécessaires au bon fonctionnement de la communauté : entretien, artisanat, chasse, cuisine, réunions diverses, accueil des rares émissaires et commerçants, etc. L’objectif était d’effectuer un maximum de tâches avant le début de la longue litanie matinale. Celle-ci était conduite par Looï, la mère de Pü, et se soldait par un repas collectif au cœur du réfectoire, repas auquel toute la tribu participait. Après le déjeuner, les Zoraïs s’entraînaient à l’art du combat, et cela durant plusieurs heures. Les enseignements, destinés à tous, sans distinction d'âge ou de genre, étaient très variés : corps-à-corps, armes blanches, armes de tir, magie. En effet, la tribu était avant tout un clan de combattants, qui tôt ou tard, participerait à l’avènement de la Guerre Sacrée. Une fois l’entraînement terminé, les familles se retrouvaient dans l’intimité d’un repas, et s’adonnaient à diverses activités personnelles avant le coucher. Depuis toujours, Pü suivait des cours du soir avec sa mère, qui lui apprenait l’histoire homine, la géopolitique, la maîtrise des autres langues et les sciences. De temps à autre, il était accompagné de son grand frère Niï. Mais dans la grande majorité des cas, celui-ci suivait d’autres cours particuliers, avec leur père, le Masque Noir.
  
L’enfant fut brusquement arraché à ses souvenirs lorsqu’un triste son vint briser l’harmonie du chant des arbres. Au-dessus des cimes, le vrombissement sourd d’un engin volant de la Karavan venait de faire trembler l’air et de faire fuir les [[javing]]s, ces étranges volatiles aux ailes dentelées, à la couleur verdâtre, et dont la longue langue noire, luisante et barbelée, servait à transpercer les proies. Se relevant à toute vitesse, Pü vérifia la solidité de sa ligne de vie et entreprit de gravir les derniers mètres du gros tronc qui le séparait du ciel. Alors que son corps frêle s’extrayait de l’océan de feuilles, il fut contraint de plisser les yeux derrière son masque, tant la lumière du jour était aveuglante. Non loin de lui, la machine infernale était en train de perdre de l’altitude. L'étrange matière noire qui composait sa coque reflétait la vive lueur astrale de Jena, comme pour le narguer. Malgré tout, Pü réussit à identifier l’engin. C’était l’un de ces petits transporteurs que la Karavan utilisait généralement pour récolter les ressources rassemblées par ses esclaves homins. Étrangement, il semblait tout droit venir d’une des immenses racines célestes qui composaient la [[Canopée]], cette mystérieuse partie de l'Écorce encore inexplorée. Atys était une planète entièrement végétale et vivante. Ses vallées opulentes et collines luxuriantes étaient formées de colossales racines, sur lesquelles les homins avaient établi leurs civilisations. L’eau qui remplissait les profondes fissures racinaires donnait vie à ses lacs, ses lagunes et ses océans. Les racines les plus inclinées formaient ses montagnes et s'étendaient vers le ciel dans une montée lente et inexorable. Certaines anomalies thermiques entraînaient même la lente consumation du tapis de racines, donnant ainsi naissance aux déserts. Et plus profond sous l'Écorce se trouvaient les racines primaires, dites aussi Primes Racines, l'écosystème le plus mystérieux d'Atys après celui qu’on supposait exister dans la Canopée. Il formait un immense labyrinthe fait de cavernes verdoyantes et humides, plongeant dans les entrailles du monde végétal jusqu’en son Cœur.
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L’enfant fut brusquement arraché à ses souvenirs lorsqu’un triste son vint briser l’harmonie du chant des arbres. Au-dessus des cimes, le vrombissement sourd d’un engin volant de la Karavan venait de faire trembler l’air et de faire fuir les [[javing]]s, ces étranges volatiles aux ailes dentelées, à la couleur verdâtre, et dont la longue langue noire, luisante et barbelée, servait à transpercer les proies. Se relevant à toute vitesse, Pü vérifia la solidité de sa ligne de vie et entreprit de gravir les derniers mètres du gros tronc qui le séparait du ciel. Alors que son corps frêle s’extrayait de l’océan de feuilles, il fut contraint de plisser les yeux derrière son masque, tant la lumière du jour était aveuglante. Non loin de lui, la machine infernale était en train de perdre de l’altitude. L'étrange matière noire qui composait sa coque reflétait la vive lueur astrale de Jena, comme pour le narguer. Malgré tout, Pü réussit à identifier l’engin. C’était l’un de ces petits transporteurs que la Karavan utilisait généralement pour récolter les ressources rassemblées par ses esclaves homins. Étrangement, il semblait tout droit venir d’une des immenses racines célestes qui composaient la [[Canopée]], cette partie encore inexplorée de l'Écorce, mot par lequel ses habitants désignaient couramment Atys, leur monde de bois vivant, uniquement composé de matières végétales en croissance permanente. Ses vallées opulentes et collines luxuriantes étaient formées de colossales racines, sur lesquelles les homins avaient établi leurs civilisations. L’eau qui remplissait les profondes fissures racinaires donnait vie à ses lacs, ses lagunes et ses océans. Les racines les plus inclinées formaient ses montagnes et s'étendaient vers le ciel dans une montée lente et inexorable. Certaines anomalies thermiques entraînaient même la lente consumation du tapis de racines, donnant ainsi naissance aux déserts. Et plus profond sous l'Écorce se trouvaient les racines primaires, dites aussi Primes Racines, l'écosystème le plus mystérieux d'Atys après celui qu’on supposait exister dans la Canopée. Il formait un immense labyrinthe fait de cavernes verdoyantes et humides, plongeant dans les entrailles du monde végétal jusqu’en son Cœur.
  
 
Pü regarda l’engin karavanier plonger à toute vitesse. Il y avait fort à parier que, comme à l’accoutumée, un point de rendez-vous avait été convenu entre la Karavan et ses suppôts, et qu’un convoi était en route pour livrer tribut. Le jeune Zoraï sentit son cœur s’emballer. Quatre. Il ne lui en manquait plus que quatre. Quatre, et il pourrait enfin rentrer chez lui et retrouver ses proches. C’était l’occasion parfaite. Il devait intercepter le convoi avant que celui-ci ne rejoigne les agents de la Karavan. Pü s’échappa du jour nu en se laissant chuter de quelques mètres, et atterrit sur la branche sur laquelle il avait laissé ses affaires. Il les rassembla et les empaqueta hâtivement, hormis un panier d’osier de forme cubique, qu’il manipula avec soin. Ce panier contenait le fruit de plusieurs mois d’efforts. Jamais il ne se pardonnerait de le perdre ou de menacer son intégrité. Sûr de n’avoir rien oublié, il vérifia une dernière fois son baudrier et plongea. Pü s’enfonçait à vive allure dans l’abysse verdoyante, se mouvant habilement entre les branchages, et décrochant d’un coup de main expert sa ligne de vie des broches qu’il avait plantées durant son ascension. Il traversa durant de longues secondes les strates multicolores de cette forêt continentale aux mille saisons, et finit par se poser gracieusement sur son sol feuillu. Au vu de la direction prise par l’engin volant, celui-ci se poserait probablement dans la clairière située plus au nord.
 
Pü regarda l’engin karavanier plonger à toute vitesse. Il y avait fort à parier que, comme à l’accoutumée, un point de rendez-vous avait été convenu entre la Karavan et ses suppôts, et qu’un convoi était en route pour livrer tribut. Le jeune Zoraï sentit son cœur s’emballer. Quatre. Il ne lui en manquait plus que quatre. Quatre, et il pourrait enfin rentrer chez lui et retrouver ses proches. C’était l’occasion parfaite. Il devait intercepter le convoi avant que celui-ci ne rejoigne les agents de la Karavan. Pü s’échappa du jour nu en se laissant chuter de quelques mètres, et atterrit sur la branche sur laquelle il avait laissé ses affaires. Il les rassembla et les empaqueta hâtivement, hormis un panier d’osier de forme cubique, qu’il manipula avec soin. Ce panier contenait le fruit de plusieurs mois d’efforts. Jamais il ne se pardonnerait de le perdre ou de menacer son intégrité. Sûr de n’avoir rien oublié, il vérifia une dernière fois son baudrier et plongea. Pü s’enfonçait à vive allure dans l’abysse verdoyante, se mouvant habilement entre les branchages, et décrochant d’un coup de main expert sa ligne de vie des broches qu’il avait plantées durant son ascension. Il traversa durant de longues secondes les strates multicolores de cette forêt continentale aux mille saisons, et finit par se poser gracieusement sur son sol feuillu. Au vu de la direction prise par l’engin volant, celui-ci se poserait probablement dans la clairière située plus au nord.
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Au cours de ses longs mois d’exil dans le Royaume de Matia, Pü avait compris en quoi les mœurs païennes des peuples endoctrinés par la Karavan pouvaient être attrayantes. À ces pensées, il avait eu honte. Mais cela lui avait aussi permis de mieux comprendre toute la dangerosité de ces démons venus des cieux. Le jeune Zoraï ne perdit pas de temps. Glissant et sautant par-dessus les racines et les ramifications de la sylve, il avala les derniers kilomètres qui le séparaient du sentier en un rien de temps. Les quelques gingos qui tentèrent de le poursuivre durant sa traversée n’eurent d’autre choix que d’abandonner, tant il manœuvrait adroitement dans l’enchevêtrement dense de cette nature libre de toute oppression matisse. Arrivé en bordure du chemin, il se dissimula derrière un large arbuste, guettant l’arrivée du convoi. Alors qu’il s’apprêtait à abandonner et à chercher ailleurs la trace des Matis, il entendit au loin des bruits ordonnés de sabots.
 
Au cours de ses longs mois d’exil dans le Royaume de Matia, Pü avait compris en quoi les mœurs païennes des peuples endoctrinés par la Karavan pouvaient être attrayantes. À ces pensées, il avait eu honte. Mais cela lui avait aussi permis de mieux comprendre toute la dangerosité de ces démons venus des cieux. Le jeune Zoraï ne perdit pas de temps. Glissant et sautant par-dessus les racines et les ramifications de la sylve, il avala les derniers kilomètres qui le séparaient du sentier en un rien de temps. Les quelques gingos qui tentèrent de le poursuivre durant sa traversée n’eurent d’autre choix que d’abandonner, tant il manœuvrait adroitement dans l’enchevêtrement dense de cette nature libre de toute oppression matisse. Arrivé en bordure du chemin, il se dissimula derrière un large arbuste, guettant l’arrivée du convoi. Alors qu’il s’apprêtait à abandonner et à chercher ailleurs la trace des Matis, il entendit au loin des bruits ordonnés de sabots.
  
Pü déglutit. Son rythme cardiaque commençait doucement à s’accélérer. Jamais. Jamais il ne s’habituerait à cette impression. Son frère lui avait pourtant assuré que sa première fois serait jouissive, et que les sensations ressenties le marqueraient à vie. D’un côté, il n’avait pas eu tout à fait tort. Les mains menues couvertes de sang d'un Zoraï exilé dès ses onze ans, agenouillé seul devant le cadavre encore chaud de sa première victime : ces images le hantaient depuis de longues semaines, jour et nuit, à en perdre la raison. Mais cette dernière épreuve annonçait aussi la fin de son pénible exil. Bientôt, il serait de retour dans son pays, dans sa souche, et pourrait à nouveau serrer sa mère dans ses bras. Cette pensée joyeuse le réconforta et lui permit de retrouver ses moyens. Le convoi se dessinait maintenant à l’horizon. Il fut rapidement à portée d’observation. En son centre, une solide charrette lourdement chargée était tirée par deux [[mektoub]]s, des pachydermes placides aux pieds agiles et dépassant les deux mètres de hauteur, au pelage brun rayé de gris, mais surtout reconnaissables à leur longue trompe puissante et à leur tête sans oreilles. Elle était conduite par un Tryker, comme nombre de celles que Pü avait croisées jusqu'alors. En effet, il n’était pas rare de rencontrer des trykers loin à l’est de leurs cités flottantes, s’affairant à des travaux ingrats et mal rémunérés en pays matis. Car, si leur curiosité et leur goût de la liberté faisait d'eux d'excellents explorateurs et inventeurs, la petite taille, l'apparence enfantine et, surtout, le caractère pacifique et bon vivant des Trykers, leur avaient hélas valu d'être mis en esclavage par les Matis à plusieurs reprises au cours des siècles passés. Et, comme les cours donnés par sa mère en avait instruit Pü, c'est durant l'épilogue de la « Guerre de l'Aqueduc », quarante ans auparavant seulement, que les Trykers avaient pour la dernière fois subi un tel esclavage.
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Pü déglutit. Son rythme cardiaque commençait doucement à s’accélérer. Jamais. Jamais il ne s’habituerait à cette impression. Son frère lui avait pourtant assuré que sa première fois serait jouissive, et que les sensations ressenties le marqueraient à vie. D’un côté, il n’avait pas eu tout à fait tort. Les mains menues couvertes de sang d'un Zoraï exilé dès ses onze ans, agenouillé seul devant le cadavre encore chaud de sa première victime : ces images le hantaient depuis de longues semaines, jour et nuit, à en perdre la raison. Mais cette dernière épreuve annonçait aussi la fin de son pénible exil. Bientôt, il serait de retour dans son pays, dans sa souche, et pourrait à nouveau serrer sa mère dans ses bras. Cette pensée joyeuse le réconforta et lui permit de retrouver ses moyens. Le convoi se dessinait maintenant à l’horizon. Il fut rapidement à portée d’observation. En son centre, une solide charrette lourdement chargée était tirée par deux [[mektoub]]s, des pachydermes placides aux pieds agiles et dépassant les deux mètres de hauteur, au pelage brun rayé de gris, mais surtout reconnaissables à leur longue trompe puissante et à leur tête sans oreilles. Elle était conduite par un Tryker, comme nombre de celles que Pü avait croisées jusqu'alors. En effet, il n’était pas rare de rencontrer des trykers loin à l’est de leurs cités flottantes, s’affairant à des travaux ingrats et mal rémunérés en pays matis. Car, si leur curiosité et leur goût de la liberté faisait d'eux d'excellents explorateurs et inventeurs, la petite taille, l'apparence enfantine et, surtout, le caractère pacifique et bon vivant des Trykers, leur avaient hélas valu d'être mis en esclavage par les Matis à plusieurs reprises au cours des siècles passés. Et, comme les cours donnés par sa mère en avaient instruit Pü, c'est durant l'épilogue de la « Guerre de l'Aqueduc », quarante ans auparavant seulement, que les Trykers avaient pour la dernière fois subi un tel esclavage.
  
En 2435, intrigués par la découverte de ruines au sein de leurs terres désertiques, des mineurs fyros percèrent une veine d’acide qui embrasa toute la région autour de la cité impériale de Coriolis. L’incendie, qui dura plusieurs semaines, se propagea jusqu’à la frontière du Royaume et coupa le gigantesque aqueduc honni des Matis. Celui-là même qui reliait le Désert à la région des Lacs administrée par la Fédération de Trykoth, l’alliée de l’Empire Fyros. Alors, la guerre dans laquelle l’alliance et le Royaume étaient enlisés depuis bientôt un siècle et demi, prit une nouvelle tournure. Car l’Empereur fut contraint de retirer ses troupes des Lacs, pour les envoyer combattre l’incendie qui menaçait son peuple et le privait d’eau. Sur quoi, profitant de l’occasion, l’armée matisse envahit la région des Lacs, asservit le peuple Tryker et reprit la cité de Karavia que l’Empire lui avait dérobée près d’un siècle auparavant. Karavia ; la « Cité Sainte », réputée bâtie là même où Zachini, sur la côte du Royaume qu'il fonda ensuite, avait rencontré pour la première fois la Karavan et la déesse Jena. Karavia ; la « Cité Profane », pour Pü et sa tribu, le lieu le plus maléfique qui soit sur Atys… C'est dans son enceinte, pourtant, que fut signé l'année suivante le traité qui mit fin à la Guerre de l'Aqueduc et libéra les Trykers du joug Matis. Mais ce dernier épisode avait laissé des traces certaines dans l’inconscient du peuple des Lacs, et beaucoup de Trykers étaient demeurés en Forêt comme domestiques… à l'image du conducteur de la charrette, manifestement voué au service du Matis assoupi à son côté sur la banquette.
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En 2435, intrigués par la découverte, à l'occident de leur désert, de ruines enfouies sous l'écorce, des mineurs fyros percèrent une veine d’acide qui embrasa toute la région autour de la cité impériale de Coriolis. L’incendie, qui dura plusieurs semaines, se propagea jusqu’à la frontière du Royaume et coupa le gigantesque aqueduc honni des Matis. Celui-là même qui reliait le Désert à la région des Lacs administrée par la Fédération de Trykoth, l’alliée de l’Empire Fyros. Alors, la guerre dans laquelle l’alliance et le Royaume étaient enlisés depuis bientôt un siècle et demi, prit une nouvelle tournure. Car l’Empereur fut contraint de retirer ses troupes des Lacs, pour les envoyer combattre l’incendie qui menaçait son peuple et le privait d’eau. Sur quoi, profitant de l’occasion, l’armée matisse envahit la région des Lacs, asservit le peuple Tryker et reprit la cité de Karavia que l’Empire lui avait dérobée près d’un siècle auparavant. Karavia ; la « Cité Sainte », réputée bâtie là même où Zachini, sur la côte du Royaume qu'il fonda ensuite, avait rencontré pour la première fois la Karavan et la déesse Jena. Karavia ; la « Cité Profane », pour Pü et sa tribu, le lieu le plus maléfique qui soit sur Atys… C'est dans son enceinte, pourtant, que fut signé l'année suivante le traité qui mit fin à la Guerre de l'Aqueduc et libéra les Trykers du joug Matis. Mais ce dernier épisode avait laissé des traces certaines dans l’inconscient du peuple des Lacs, et beaucoup de Trykers étaient demeurés en Forêt comme domestiques… à l'image du conducteur de la charrette, manifestement voué au service du Matis assoupi à son côté sur la banquette.
  
 
Pü, à la vue de ce dernier, l'identifia aussitôt comme un clerc de l’Église de la Lumière, que l'on nommait Herena. Le Matis était en effet vêtu de son costume ecclésiastique : une couronne d'ambre blanche et une longue toge constituée de plusieurs grandes capes faites de plumes colorées et décorées de tresses de bijoux ambrés. L’Église de la Lumière, fondée autour du culte de Jena et placée sous l'égide de la Karavan, était aujourd'hui toute-puissante dans le Royaume de Matia, et singulièrement dans l'enceinte de Karavia, rétrocédée au Royaume par le traité portant son nom. C'est sous son influence que tant d'homins avaient été convaincus de la nature démoniaque des Kamis…
 
Pü, à la vue de ce dernier, l'identifia aussitôt comme un clerc de l’Église de la Lumière, que l'on nommait Herena. Le Matis était en effet vêtu de son costume ecclésiastique : une couronne d'ambre blanche et une longue toge constituée de plusieurs grandes capes faites de plumes colorées et décorées de tresses de bijoux ambrés. L’Église de la Lumière, fondée autour du culte de Jena et placée sous l'égide de la Karavan, était aujourd'hui toute-puissante dans le Royaume de Matia, et singulièrement dans l'enceinte de Karavia, rétrocédée au Royaume par le traité portant son nom. C'est sous son influence que tant d'homins avaient été convaincus de la nature démoniaque des Kamis…
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« Giero, file aussi vite que ton capryni le peut en direction de l’avant-poste le plus proche ! Mets au courant l’intendant de la situation et envoie-nous des renforts. Ne sous-estime pas la menace. Be’maty, rends-toi aussi à l’avant-poste ! Tu n’arriveras pas à suivre Giero à cause du chargement, mais tes mektoubs sont forts, ne les ménage pas. Dès qu’il aura transmis son message, Giero te rejoindra sur la route. Vicho, reste dans la charrette ! Tu protégeras le chargement et le Herena au prix de ta vie en attendant le retour de Giero. Zani, Lichnini, Sivaldo, avec moi ! N’intervenez pas tant que je ne vous en donne pas l’ordre. »
 
« Giero, file aussi vite que ton capryni le peut en direction de l’avant-poste le plus proche ! Mets au courant l’intendant de la situation et envoie-nous des renforts. Ne sous-estime pas la menace. Be’maty, rends-toi aussi à l’avant-poste ! Tu n’arriveras pas à suivre Giero à cause du chargement, mais tes mektoubs sont forts, ne les ménage pas. Dès qu’il aura transmis son message, Giero te rejoindra sur la route. Vicho, reste dans la charrette ! Tu protégeras le chargement et le Herena au prix de ta vie en attendant le retour de Giero. Zani, Lichnini, Sivaldo, avec moi ! N’intervenez pas tant que je ne vous en donne pas l’ordre. »
  
Le ton assuré du général aida les soldats à sortir de leur léthargie. Tous s’exécutèrent sans dire mot. La sentinelle sauta de la charrette et arma son fusil-mitrailleur, le Matis assis à l’arrière du véhicule le remplaça au faîte de la charrette, qui commença à manœuvrer pour faire demi-tour. Seul le clerc, qui reprenait à peine ses esprits, manifesta l’intention de protester. Mais le regard inquisiteur que lui jeta alors le général le dissuada, et sa pâleur de craie s’accentua. D’ordinaire, Pü ne laissait pas de survivants, car seule l'absence de témoin l’assurait de pouvoir continuer d’opérer sans encombre sur ces terres étrangères. D’ailleurs, il évitait généralement de s’en prendre à l’armée régulière, dont chaque soldat disparu donnait lieu à enquête, et préférait s’attaquer aux tribus de fanatiques ou aux groupes de bandits qui parsemaient le royaume. Mais cette fois-ci, tout était différent. Quand les premiers parleraient, lui serait déjà sur la route du retour. Il observa scrupuleusement ses quatre futurs adversaires, tandis que l’un des capryniers s’élançait à toute vitesse en direction du sud-ouest, suivi par la charrette. Il devait éviter de les affronter tous ensemble. Il patienta quelques secondes, assez de temps pour que le messager disparaisse à l’horizon, et se mit à avancer doucement. Au premier pas, le général cria.
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Le ton assuré du général aida les soldats à sortir de leur léthargie. Tous s’exécutèrent sans dire mot. La sentinelle sauta de la charrette et arma son fusil-mitrailleur, le Matis assis à l’arrière du véhicule le remplaça au faîte de la charrette, qui commença à manœuvrer pour faire demi-tour. Seul le clerc, qui reprenait à peine ses esprits, manifesta l’intention de protester. Mais le regard inquisiteur que lui jeta alors le général le dissuada, et sa pâleur de craie s’accentua. D’ordinaire, Pü ne laissait pas de survivants, car seule l'absence de témoins l’assurait de pouvoir continuer d’opérer sans encombre sur ces terres étrangères. D’ailleurs, il évitait généralement de s’en prendre à l’armée régulière, dont chaque soldat disparu donnait lieu à enquête, et préférait s’attaquer aux tribus de fanatiques ou aux groupes de bandits qui parsemaient le royaume. Mais cette fois-ci, tout était différent. Quand les premiers parleraient, lui serait déjà sur la route du retour. Il observa scrupuleusement ses quatre futurs adversaires, tandis que l’un des capryniers s’élançait à toute vitesse en direction du sud-ouest, suivi par la charrette. Il devait éviter de les affronter tous ensemble. Il patienta quelques secondes, assez de temps pour que le messager disparaisse à l’horizon, et se mit à avancer doucement. Au premier pas, le général cria.
  
 
« N’avancez plus ! Pour vous être rendu coupable du crime d’homicide volontaire sur un soldat de l’armée royale, vous devez comparaître devant la justice royale. Comme le veut notre loi, vous aurez le droit de vous défendre durant votre jugement. Maintenant, coopérez, ou nous serons dans l’obligation de vous appréhender par la force. »
 
« N’avancez plus ! Pour vous être rendu coupable du crime d’homicide volontaire sur un soldat de l’armée royale, vous devez comparaître devant la justice royale. Comme le veut notre loi, vous aurez le droit de vous défendre durant votre jugement. Maintenant, coopérez, ou nous serons dans l’obligation de vous appréhender par la force. »
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« Pitié, ne me tue pas ! »
 
« Pitié, ne me tue pas ! »
  
Pü avait sincèrement pitié. Il détestait tuer. Et particulièrement quand ses adversaires n’y étaient pas préparés. Mais il n’avait plus le choix. Il y était presque, il ne pouvait pas tout abandonner maintenant. Le jeune Zoraï fit à nouveau le vide dans sa tête et ignora la plainte du Matis. Il se rapprocha de lui, posa délicatement son pied gauche sur son cou, et lui broya d’un coup de talon. Ramassant l’épée du malheureux désormais paralysé, il lui planta dans la gorge, empêchant ainsi toute régénération. Un. Il ne lui manquait plus qu’un. Si le mitrailleur évanoui suffisait, l’homin qui lui faisait face dorénavant ne le laisserait sûrement pas approcher le blessé sans combattre. Le général avait en effet sauté de sa monture et se dirigeait désormais vers le guerrier d’un pas décidé. Arrivé à quelques mètres de lui, il ôta son casque. Pour la première fois depuis longtemps, Pü eut un mouvement de recul. Durant un instant, l’enfant crut voir le masque de son père. Le Matis était dans la force de l’âge, comme l’indiquaient les quelques rides qui venaient troubler l’harmonie des traits de son visage et le faible éclat de sa longue chevelure d’ébène. Mais par-dessus tout, c’est l’assurance et l’intensité de son regard qui lui rappelèrent son père. Ces yeux bleus perçants étaient ceux d’un homin déterminé, prêt à tout donner pour accomplir sa volonté. Pü recula d’un pas.
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Pü avait sincèrement pitié. Il détestait tuer. Et particulièrement quand ses adversaires n’y étaient pas préparés. Mais il n’avait plus le choix. Il y était presque, il ne pouvait pas tout abandonner maintenant. Le jeune Zoraï fit à nouveau le vide dans sa tête et ignora la plainte du Matis. Il se rapprocha de lui, posa délicatement son pied gauche sur son cou, et lui broya d’un coup de talon. Ramassant l’épée du malheureux désormais paralysé, il lui planta dans la gorge, empêchant ainsi toute régénération. Un. Il ne lui manquait plus qu’un. Si le mitrailleur évanoui suffisait, l’homin qui lui faisait face dorénavant ne le laisserait sûrement pas approcher le blessé sans combattre. Le général, qui avait en effet enfourché sa monture pour combler la distance qui se séparait du Zoraï, avant de la quitter une seconde fois, se dirigeait désormais vers le guerrier d’un pas décidé. Arrivé à quelques mètres de lui, il ôta son casque. Pour la première fois depuis longtemps, Pü eut un mouvement de recul. Durant un instant, l’enfant crut voir le masque de son père. Le Matis était dans la force de l’âge, comme l’indiquaient les quelques rides qui venaient troubler l’harmonie des traits de son visage et le faible éclat de sa longue chevelure d’ébène. Mais par-dessus tout, c’est l’assurance et l’intensité de son regard qui lui rappelèrent son père. Ces yeux bleus perçants étaient ceux d’un homin déterminé, prêt à tout donner pour accomplir sa volonté. Pü recula d’un pas.
  
 
« Il n’est pas nécessaire que nous combattions, dit-il d’une voix troublée. J’ai accompli ma mission. Laissez-moi le mitrailleur et rentrez chez vous. S’il vous plaît, suivez mon conseil, et rejoignez votre famille. »
 
« Il n’est pas nécessaire que nous combattions, dit-il d’une voix troublée. J’ai accompli ma mission. Laissez-moi le mitrailleur et rentrez chez vous. S’il vous plaît, suivez mon conseil, et rejoignez votre famille. »

Версия 17:25, 16 марта 2022

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