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Malgré toute sa bonne volonté, le jeune homin ne parvint à insuffler nulle passion dans son homélie. Après tant de mois de prêches morbides, ce rituel était devenu aussi lassant que douloureux. Pü le savait, la folie le guettait. Les voix dans sa tête se faisaient de plus en plus présentes, et il développait semaine après semaine de nouveaux troubles comportementaux. Combien de ses frères et sœurs avaient perdu pied durant leur exil ? Nombreux étaient ceux à n’être jamais rentrés. Avant son départ, il les avait longtemps jugés sévèrement, mais maintenant, il comprenait. Sa vision se troubla alors qu’une puissante céphalée se manifestait. Il dut se concentrer longuement pour éteindre les premiers murmures mentaux. Durant ces longues secondes d’absence, le Herena avait rejoint la vigie sur le sommet de la charrette. Se tenant à elle sans ménagement pour ne pas tomber, il hurlait à la cantonade.
 
Malgré toute sa bonne volonté, le jeune homin ne parvint à insuffler nulle passion dans son homélie. Après tant de mois de prêches morbides, ce rituel était devenu aussi lassant que douloureux. Pü le savait, la folie le guettait. Les voix dans sa tête se faisaient de plus en plus présentes, et il développait semaine après semaine de nouveaux troubles comportementaux. Combien de ses frères et sœurs avaient perdu pied durant leur exil ? Nombreux étaient ceux à n’être jamais rentrés. Avant son départ, il les avait longtemps jugés sévèrement, mais maintenant, il comprenait. Sa vision se troubla alors qu’une puissante céphalée se manifestait. Il dut se concentrer longuement pour éteindre les premiers murmures mentaux. Durant ces longues secondes d’absence, le Herena avait rejoint la vigie sur le sommet de la charrette. Se tenant à elle sans ménagement pour ne pas tomber, il hurlait à la cantonade.
  
« Ma-Duk ? Le Grand Géniteur ? Mais de quoi parles-tu ! Si nous savions que les sauvages de ton espèce vénéraient les démons Kamis, nous pensions que vous aviez la présence d’esprit de ne pas remettre en cause l’existence de notre Mère à tous, Jena ! Votre infamie n’a donc aucune limite ? Général, saisissez-vous de cet hérétique sur-le-champ ! »
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« Ma-Duk ? Le Grand Géniteur ? Mais de quoi parlez-vous ! Si nous savions que les sauvages de votre espèce vénéraient les démons Kamis, nous pensions que vous aviez la présence d’esprit de ne pas remettre en cause l’existence de notre Mère à tous, Jena ! Votre infamie n’a donc aucune limite ? Général, saisissez-vous de cet hérétique sur-le-champ ! »
  
 
Pü avança à nouveau de quelques pas en se massant le masque.
 
Pü avança à nouveau de quelques pas en se massant le masque.
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Le visage du clerc se teinta de rouge alors qu’il manquait de tomber par l’effet de ses gesticulations, qui emmêlaient les multiples capes de sa tenue. Heureusement pour lui, la vigie faisait tout son possible pour éviter que l’Herena ne s’humilie en chutant.
 
Le visage du clerc se teinta de rouge alors qu’il manquait de tomber par l’effet de ses gesticulations, qui emmêlaient les multiples capes de sa tenue. Heureusement pour lui, la vigie faisait tout son possible pour éviter que l’Herena ne s’humilie en chutant.
  
« Cesse tes infamies, sauvage ! Aucun pardon pour ta race de dégénérés adorateurs des Démons ! Vos visages squelettiques sont des abominations, une offense à la Karavan ! Vous méritez d’être exterminés comme tous les primitifs qui souillent Atys de leur présence ! Qu’on m’attrape ce sauvage sans attendre, c’est un ordre ! »
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« Cessez vos infamies, sauvage ! Aucun pardon pour votre race de dégénérés adorateurs des Démons ! Vos visages squelettiques sont des abominations, une offense à la Karavan ! Vous méritez d’être exterminés comme tous les primitifs qui souillent Atys de leur présence ! Qu’on m’attrape ce sauvage sans attendre, c’est un ordre ! »
  
 
Juché haut sur son capryni, le général matis tenta d’intervenir pour apaiser la tension grandissante. C’était compter sans la fougue de l’un des capryniers, qui obéit à l’exhortation du religieux en s’élançant à toute vitesse. Pü secoua son masque pour balayer ses derniers maux de tête et se concentra pleinement sur la situation. À partir de maintenant, tout allait s’enchaîner très vite. Il devait faire taire ses questionnements intérieurs. Déjà, le Matis avait franchi la moitié de la distance qui le séparait du Zoraï. Il tenait dans sa main droite une longue lance creuse qui s’achevait par un collet d’ambre tressé. Près de la barre horizontale, une manette permettait rapidement de desserrer ou de comprimer l’anneau qui la terminait. Cette arme ingénieuse était généralement destinée à attraper à la gorge les futures montures des Matis, lorsqu’elles étaient encore à l’état sauvage, mais était aussi déclinée pour immobiliser et soumettre les homins sans les blesser.
 
Juché haut sur son capryni, le général matis tenta d’intervenir pour apaiser la tension grandissante. C’était compter sans la fougue de l’un des capryniers, qui obéit à l’exhortation du religieux en s’élançant à toute vitesse. Pü secoua son masque pour balayer ses derniers maux de tête et se concentra pleinement sur la situation. À partir de maintenant, tout allait s’enchaîner très vite. Il devait faire taire ses questionnements intérieurs. Déjà, le Matis avait franchi la moitié de la distance qui le séparait du Zoraï. Il tenait dans sa main droite une longue lance creuse qui s’achevait par un collet d’ambre tressé. Près de la barre horizontale, une manette permettait rapidement de desserrer ou de comprimer l’anneau qui la terminait. Cette arme ingénieuse était généralement destinée à attraper à la gorge les futures montures des Matis, lorsqu’elles étaient encore à l’état sauvage, mais était aussi déclinée pour immobiliser et soumettre les homins sans les blesser.
  
Le corps de Pü oscillait légèrement. Il lui fallut quelques secondes supplémentaires pour synchroniser le battement de ses membres avec le galop de la monture. Arrivé à une dizaine de mètres de lui, l'assaillant activa le mécanisme de son arme et la brandit, sans ralentir l’allure. Le collier s’ouvrit assez largement pour réussir à enserrer la tête masquée du Zoraï. À n’en pas douter, il savait parfaitement se servir de son instrument. C’était compter sans l’agilité du jeune homin. Alors que le soldat fendait l’air sur sa droite pour saisir sa proie à la gorge, Pü plongea volontairement en direction de l’attaque tout en l’esquivant. Passant entre l’arme et le capryni, il réussit à attraper la sangle située au flanc de l’animal avant même de toucher le sol. Fermement agrippé, il tira autant qu’il put, non pas pour déstabiliser la bête lancée à toute vitesse, mais pour projeter son corps léger d’enfant par-dessus l’animal. Il voltigea et atterrit de justesse sur l’arrière-train du capryni, au moment où le Matis jetait un coup d’œil dans son dos pour chercher ce qu’il était advenu du Zoraï. Alors que le caprynier croisait le regard de Pü, qui se maintenait en équilibre sur l’animal uniquement par force de ses cuisses, sa proie, devenue bourreau, passa rapidement ses mains autour de sa nuque, et la rompit d’un coup sec. L’arme du Matis glissa de sa main droite et se brisa au sol. Si Pü ne pouvait s’assurer de son décès, sa paralysie était garantie. Il laissa le corps en armure s’affaisser sur lui pour ne pas qu’il chute, récupéra les rênes tenues par sa main gauche, ralentit la cadence et fit demi-tour. Revenu à son point de départ, il interrompit sa course et sauta au sol, à gauche de l’animal. Le corps du soldat s’écroula lourdement sur la droite. Le casque se décrocha sous le choc, ce qui permit au Zoraï d’observer son visage inerte. '''Le soldat était une femme, et de ce fait, peut-être une mère'''. Durant une fraction de seconde, Pü vit le masque de la sienne se superposer au visage du cadavre. Il ferma les yeux. Trois. Il ne lui en manquait plus que trois.
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Le corps de Pü oscillait légèrement. Il lui fallut quelques secondes supplémentaires pour synchroniser le battement de ses membres avec le galop de la monture. Arrivé à une dizaine de mètres de lui, l'assaillant activa le mécanisme de son arme et la brandit, sans ralentir l’allure. Le collier s’ouvrit assez largement pour réussir à enserrer la tête masquée du Zoraï. À n’en pas douter, il savait parfaitement se servir de son instrument. C’était compter sans l’agilité du jeune homin. Alors que le soldat fendait l’air sur sa droite pour saisir sa proie à la gorge, Pü plongea volontairement en direction de l’attaque tout en l’esquivant. Passant entre l’arme et le capryni, il réussit à attraper la sangle située au flanc de l’animal avant même de toucher le sol. Fermement agrippé, il tira autant qu’il put, non pas pour déstabiliser la bête lancée à toute vitesse, mais pour projeter son corps léger d’enfant par-dessus l’animal. Il voltigea et atterrit de justesse sur l’arrière-train du capryni, au moment où le Matis jetait un coup d’œil dans son dos pour chercher ce qu’il était advenu du Zoraï. Alors que le caprynier croisait le regard de Pü, qui se maintenait en équilibre sur l’animal uniquement par force de ses cuisses, sa proie, devenue bourreau, passa rapidement ses mains autour de sa nuque, et la rompit d’un coup sec. L’arme du Matis glissa de sa main droite et se brisa au sol. Si Pü ne pouvait s’assurer de son décès, sa paralysie était garantie. Il laissa le corps en armure s’affaisser sur lui pour ne pas qu’il chute, récupéra les rênes tenues par sa main gauche, ralentit la cadence et fit demi-tour. Revenu à son point de départ, il interrompit sa course et sauta au sol, à gauche de l’animal. Le corps du soldat s’écroula lourdement sur la droite. Le casque se décrocha sous le choc, ce qui permit au Zoraï d’observer son visage inerte. '''Le soldat était une homine, et de ce fait, peut-être une mère'''. Durant une fraction de seconde, Pü vit le masque de la sienne se superposer au visage du cadavre. Il ferma les yeux. Trois. Il ne lui en manquait plus que trois.
[[file:Le soldat.png|right|400px|alt=… Le soldat était une femme…|Le soldat était une femme]]
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[[file:Le soldat.png|right|400px|alt=… Le soldat était une homine…|Le soldat était une homine]]
 
Au sommet de la charrette, le visage du clerc était passé d’un teint rougeâtre à un blanc bien plus livide qu’à l’accoutumée. Quant aux soldats, aucun ne réagit, choqués qu’ils étaient par la violence de la scène à laquelle ils venaient d’assister. Seul le général avait su garder son sang-froid. Il fit avancer sa monture de quelques pas et se retourna vers le convoi.
 
Au sommet de la charrette, le visage du clerc était passé d’un teint rougeâtre à un blanc bien plus livide qu’à l’accoutumée. Quant aux soldats, aucun ne réagit, choqués qu’ils étaient par la violence de la scène à laquelle ils venaient d’assister. Seul le général avait su garder son sang-froid. Il fit avancer sa monture de quelques pas et se retourna vers le convoi.
  
« Giero, file aussi vite que ton capryni le peut en direction de l’avant-poste le plus proche ! Mets au courant l’intendant de la situation et envoie-nous des renforts. Ne sous-estime pas la menace. Be’maty, rends-toi aussi à l’avant-poste ! Tu n’arriveras pas à suivre Giero à cause du chargement, mais tes mektoubs sont forts, ne les ménage pas. Dès qu’il aura transmis son message, Giero te rejoindra sur la route. Vicho, reste dans la charrette ! Tu protégeras le chargement et le Herena au prix de ta vie en attendant le retour de Giero. Zani, Lichnini, Sivaldo, avec moi ! N’intervenez pas tant que je ne vous en donne pas l’ordre. »
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« Giero, filez aussi vite que votre capryni le peut en direction de l’avant-poste le plus proche ! Mettez au courant l’intendant de la situation et envoyez-nous des renforts. Ne sous-estimez pas la menace. Be’maty, rendez-vous aussi à l’avant-poste ! Vous n’arriverez pas à suivre Giero à cause du chargement, mais vos mektoubs sont forts, ne les ménagez pas. Dès qu’il aura transmis son message, Giero vous rejoindra sur la route. Vicho, restez dans la charrette ! Vous protégerez le chargement et le Herena au prix de votre vie en attendant le retour de Giero. Zani, Lichnini, Sivaldo, avec moi ! N’intervenez pas tant que je ne vous en donne pas l’ordre. »
  
 
Le ton assuré du général aida les soldats à sortir de leur léthargie. Tous s’exécutèrent sans dire mot. La sentinelle sauta de la charrette et arma son fusil-mitrailleur, le Matis assis à l’arrière du véhicule le remplaça au faîte de la charrette, qui commença à manœuvrer pour faire demi-tour. Seul le clerc, qui reprenait à peine ses esprits, manifesta l’intention de protester. Mais le regard inquisiteur que lui jeta alors le général le dissuada, et sa pâleur de craie s’accentua. D’ordinaire, Pü ne laissait pas de survivants, car seule l'absence de témoins l’assurait de pouvoir continuer d’opérer sans encombre dans ces régions. D’ailleurs, il évitait généralement de s’en prendre à l’armée régulière, dont chaque soldat disparu donnait lieu à enquête, et préférait s’attaquer aux tribus de fanatiques ou aux groupes de bandits qui parsemaient le royaume. Mais cette fois-ci, tout était différent. Quand les premiers parleraient, lui serait déjà sur la route du retour. Il observa scrupuleusement ses quatre futurs adversaires, tandis que l’un des capryniers s’élançait à toute vitesse en direction du sud-ouest, suivi par la charrette. Il devait éviter de les affronter tous ensemble. Il patienta quelques secondes, assez de temps pour que le messager disparaisse à l’horizon, et se mit à avancer doucement. Au premier pas, le général cria.
 
Le ton assuré du général aida les soldats à sortir de leur léthargie. Tous s’exécutèrent sans dire mot. La sentinelle sauta de la charrette et arma son fusil-mitrailleur, le Matis assis à l’arrière du véhicule le remplaça au faîte de la charrette, qui commença à manœuvrer pour faire demi-tour. Seul le clerc, qui reprenait à peine ses esprits, manifesta l’intention de protester. Mais le regard inquisiteur que lui jeta alors le général le dissuada, et sa pâleur de craie s’accentua. D’ordinaire, Pü ne laissait pas de survivants, car seule l'absence de témoins l’assurait de pouvoir continuer d’opérer sans encombre dans ces régions. D’ailleurs, il évitait généralement de s’en prendre à l’armée régulière, dont chaque soldat disparu donnait lieu à enquête, et préférait s’attaquer aux tribus de fanatiques ou aux groupes de bandits qui parsemaient le royaume. Mais cette fois-ci, tout était différent. Quand les premiers parleraient, lui serait déjà sur la route du retour. Il observa scrupuleusement ses quatre futurs adversaires, tandis que l’un des capryniers s’élançait à toute vitesse en direction du sud-ouest, suivi par la charrette. Il devait éviter de les affronter tous ensemble. Il patienta quelques secondes, assez de temps pour que le messager disparaisse à l’horizon, et se mit à avancer doucement. Au premier pas, le général cria.
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Le général eut beau protester, les deux soldats s’élancèrent à pleine vitesse en direction du Zoraï, qui ne semblait pas s’en inquiéter. Les dernières dizaines de mètres qui les séparaient furent englouties en quelques secondes. Mais se souvenant de la mort de leur première camarade, les Matis ne firent pas l’erreur de charger le jeune guerrier. Ils s’arrêtèrent avant d’arriver à son niveau, sautèrent de leur monture et s’avancèrent pour le prendre en tenaille. Au vu de leur comportement respectif, les deux Matis devaient être des soldats inexpérimentés. Aveuglés par la haine et le désir de vengeance, ils ne savaient pas encore qu’ils venaient de se jeter dans la gueule du gingo. Au loin, le général venait à peine d’atteindre son capryni pour rejoindre en urgence les deux imprudents. Seul contre deux, le jeune guerrier avait toutes ses chances. Il fallait donc qu’il en termine au plus vite avant que le seul militaire réellement expérimenté de l’escouade ne les rejoigne. Le Matis qui s’était positionné dans son dos tenait à deux mains une lourde épée d’ambre joliment ornementée, alors que celui qui lui faisait face était armé d’une longue pique couronnée d’ambre tressé. Pü aurait aimé lire sur son visage, mais l’imposant casque cornu qu’il portait l’en empêchait. Rapidement, les Matis se rapprochèrent. En toute logique, le soldat situé face à lui lancerait le premier assaut, laissant ainsi l’opportunité à celui positionné dans son dos d’utiliser un angle mort pour attaquer. C’est exactement ce qui se passa. Le piquier cria et perfora l’air d’un geste précis, espérant empaler le Zoraï d’un seul coup. Sans même bouger ses pieds, Pü envoya sa main droite au contact de la pique tout en pivotant et décalant son bassin du côté opposé. La protection de son avant-bras érafla bruyamment les multiples pointes aiguisées. Retournant brusquement son poignet, il attrapa le long manche de l’arme. Au lieu de repousser l’offensive, il encouragea le mouvement, et se servit de l’élan du Matis pour le déstabiliser tout en préservant l’impulsion de son assaut. Déviant légèrement la direction de l’attaque, et toujours sans décoller les pieds du sol, il courba son dos en arrière, et esquiva le coup horizontal que l’épéiste tenta de lui asséner. Il n’eut alors qu’à faire en sorte que la pique conserve sa vélocité pour que ses pointes mortelles transpercent la cuisse gauche du malheureux à l’épée, qui s’écroula sous le choc en hurlant. Emporté par le mouvement non contrôlé de son arme, l’assaillant manqua de tomber sur le blessé. Pü saisit l’opportunité et l’y aida. Dégainant sa dague de sa main libre alors que l’autre lâchait la pique fermement enfoncée dans la chair de son camarade, il fit un pas en arrière pour reprendre son équilibre et enfonça d’un coup précis sa lame dans la jointure cervicale du casque du piquier. Une longue gerbe de sang gicla lorsqu’il retira sa dague de la carotide de son adversaire. Comme il s’y attendait, le soldat paniqua et retira son casque en vitesse pour comprimer et soigner sa gorge à l’aide des pouvoirs de la Sève, et avant que son cerveau ne cesse d’être irrigué en sang. Ne lui laissant pas le temps d’agir, Pü attrapa la chevelure brune du Matis et lui asséna plusieurs violents coups de dague dans la gorge. Lorsque la tête du soldat se sépara finalement du reste de son corps, le décapité s’effondra sur la pique qui s’enfonça encore plus profondément dans la plaie sanguinolente de l’homin cloué au sol. Pü jeta un coup d’œil en arrière : le général serait bientôt là. Il rangea la dague maculée de sang, laissa tomber la tête de sa victime, et s’approcha du soldat gravement blessé qui, désormais coincé sous la lourde armure encore palpitante de son camarade, n’était plus capable d’extraire la pique pour soigner magiquement sa jambe. L’homin ôta son casque et se mit à gémir. Il devait avoir l’âge de Niï, soit environ dix ans de plus que Pü.
 
Le général eut beau protester, les deux soldats s’élancèrent à pleine vitesse en direction du Zoraï, qui ne semblait pas s’en inquiéter. Les dernières dizaines de mètres qui les séparaient furent englouties en quelques secondes. Mais se souvenant de la mort de leur première camarade, les Matis ne firent pas l’erreur de charger le jeune guerrier. Ils s’arrêtèrent avant d’arriver à son niveau, sautèrent de leur monture et s’avancèrent pour le prendre en tenaille. Au vu de leur comportement respectif, les deux Matis devaient être des soldats inexpérimentés. Aveuglés par la haine et le désir de vengeance, ils ne savaient pas encore qu’ils venaient de se jeter dans la gueule du gingo. Au loin, le général venait à peine d’atteindre son capryni pour rejoindre en urgence les deux imprudents. Seul contre deux, le jeune guerrier avait toutes ses chances. Il fallait donc qu’il en termine au plus vite avant que le seul militaire réellement expérimenté de l’escouade ne les rejoigne. Le Matis qui s’était positionné dans son dos tenait à deux mains une lourde épée d’ambre joliment ornementée, alors que celui qui lui faisait face était armé d’une longue pique couronnée d’ambre tressé. Pü aurait aimé lire sur son visage, mais l’imposant casque cornu qu’il portait l’en empêchait. Rapidement, les Matis se rapprochèrent. En toute logique, le soldat situé face à lui lancerait le premier assaut, laissant ainsi l’opportunité à celui positionné dans son dos d’utiliser un angle mort pour attaquer. C’est exactement ce qui se passa. Le piquier cria et perfora l’air d’un geste précis, espérant empaler le Zoraï d’un seul coup. Sans même bouger ses pieds, Pü envoya sa main droite au contact de la pique tout en pivotant et décalant son bassin du côté opposé. La protection de son avant-bras érafla bruyamment les multiples pointes aiguisées. Retournant brusquement son poignet, il attrapa le long manche de l’arme. Au lieu de repousser l’offensive, il encouragea le mouvement, et se servit de l’élan du Matis pour le déstabiliser tout en préservant l’impulsion de son assaut. Déviant légèrement la direction de l’attaque, et toujours sans décoller les pieds du sol, il courba son dos en arrière, et esquiva le coup horizontal que l’épéiste tenta de lui asséner. Il n’eut alors qu’à faire en sorte que la pique conserve sa vélocité pour que ses pointes mortelles transpercent la cuisse gauche du malheureux à l’épée, qui s’écroula sous le choc en hurlant. Emporté par le mouvement non contrôlé de son arme, l’assaillant manqua de tomber sur le blessé. Pü saisit l’opportunité et l’y aida. Dégainant sa dague de sa main libre alors que l’autre lâchait la pique fermement enfoncée dans la chair de son camarade, il fit un pas en arrière pour reprendre son équilibre et enfonça d’un coup précis sa lame dans la jointure cervicale du casque du piquier. Une longue gerbe de sang gicla lorsqu’il retira sa dague de la carotide de son adversaire. Comme il s’y attendait, le soldat paniqua et retira son casque en vitesse pour comprimer et soigner sa gorge à l’aide des pouvoirs de la Sève, et avant que son cerveau ne cesse d’être irrigué en sang. Ne lui laissant pas le temps d’agir, Pü attrapa la chevelure brune du Matis et lui asséna plusieurs violents coups de dague dans la gorge. Lorsque la tête du soldat se sépara finalement du reste de son corps, le décapité s’effondra sur la pique qui s’enfonça encore plus profondément dans la plaie sanguinolente de l’homin cloué au sol. Pü jeta un coup d’œil en arrière : le général serait bientôt là. Il rangea la dague maculée de sang, laissa tomber la tête de sa victime, et s’approcha du soldat gravement blessé qui, désormais coincé sous la lourde armure encore palpitante de son camarade, n’était plus capable d’extraire la pique pour soigner magiquement sa jambe. L’homin ôta son casque et se mit à gémir. Il devait avoir l’âge de Niï, soit environ dix ans de plus que Pü.
  
« Pitié, ne me tue pas ! »
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« Pitié, ne me tuez pas ! »
  
 
Pü avait sincèrement pitié. Il détestait tuer. Et particulièrement quand ses adversaires n’y étaient pas préparés. Mais il n’avait plus le choix. Il y était presque, il ne pouvait pas tout abandonner maintenant. Le jeune Zoraï fit à nouveau le vide dans sa tête et ignora la plainte du Matis. Il se rapprocha de lui, posa délicatement son pied gauche sur son cou, et lui broya d’un coup de talon. Ramassant l’épée du malheureux désormais paralysé, il lui planta dans la gorge, empêchant ainsi toute régénération. Un. Il ne lui manquait plus qu’un. Si le mitrailleur évanoui suffisait, l’homin qui lui faisait face dorénavant ne le laisserait sûrement pas approcher le blessé sans combattre. Le général, qui avait en effet enfourché sa monture pour combler la distance qui se séparait du Zoraï, avant de la quitter une seconde fois, se dirigeait désormais vers le guerrier d’un pas décidé. Arrivé à quelques mètres de lui, il ôta son casque. Pour la première fois depuis longtemps, Pü eut un mouvement de recul. Durant un instant, l’enfant crut voir le masque de son père. Le Matis était dans la force de l’âge, comme l’indiquaient les quelques rides qui venaient troubler l’harmonie des traits de son visage et le faible éclat de sa longue chevelure d’ébène. Mais par-dessus tout, c’est l’assurance et l’intensité de son regard qui lui rappelèrent son père. Ces yeux bleus perçants étaient ceux d’un homin déterminé, prêt à tout donner pour accomplir sa volonté. Pü recula d’un pas.
 
Pü avait sincèrement pitié. Il détestait tuer. Et particulièrement quand ses adversaires n’y étaient pas préparés. Mais il n’avait plus le choix. Il y était presque, il ne pouvait pas tout abandonner maintenant. Le jeune Zoraï fit à nouveau le vide dans sa tête et ignora la plainte du Matis. Il se rapprocha de lui, posa délicatement son pied gauche sur son cou, et lui broya d’un coup de talon. Ramassant l’épée du malheureux désormais paralysé, il lui planta dans la gorge, empêchant ainsi toute régénération. Un. Il ne lui manquait plus qu’un. Si le mitrailleur évanoui suffisait, l’homin qui lui faisait face dorénavant ne le laisserait sûrement pas approcher le blessé sans combattre. Le général, qui avait en effet enfourché sa monture pour combler la distance qui se séparait du Zoraï, avant de la quitter une seconde fois, se dirigeait désormais vers le guerrier d’un pas décidé. Arrivé à quelques mètres de lui, il ôta son casque. Pour la première fois depuis longtemps, Pü eut un mouvement de recul. Durant un instant, l’enfant crut voir le masque de son père. Le Matis était dans la force de l’âge, comme l’indiquaient les quelques rides qui venaient troubler l’harmonie des traits de son visage et le faible éclat de sa longue chevelure d’ébène. Mais par-dessus tout, c’est l’assurance et l’intensité de son regard qui lui rappelèrent son père. Ces yeux bleus perçants étaient ceux d’un homin déterminé, prêt à tout donner pour accomplir sa volonté. Pü recula d’un pas.
Строка 91: Строка 91:
 
Le général posa son casque à ses pieds et dégaina une longue et large épée finement décorée. Il lui jeta un regard glacial.
 
Le général posa son casque à ses pieds et dégaina une longue et large épée finement décorée. Il lui jeta un regard glacial.
  
« Je ne vais pas pouvoir accéder à ta requête, mon garçon. Tu viens à toi seul de tuer trois de mes soldats. Le Karan Domini, Roi et Grand Prêtre du Royaume de Matia, doit savoir pourquoi la Théocratie Zoraï forme des enfants-soldats à des missions d’assassinat.
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« Je ne vais pas pouvoir accéder à votre requête, mon garçon. Vous venez à vous seul de tuer trois de mes soldats. Le Karan Domini, Roi et Grand Prêtre du Royaume de Matia, doit savoir pourquoi la Théocratie Zoraï forme des enfants-soldats à des missions d’assassinat.
  
 
— Je vous le redis : ma tribu et moi ne dépendons pas de la Théocratie Zoraï. Je vous en prie, éloignez-vous ! » répliqua Pü en reculant une seconde fois.
 
— Je vous le redis : ma tribu et moi ne dépendons pas de la Théocratie Zoraï. Je vous en prie, éloignez-vous ! » répliqua Pü en reculant une seconde fois.
Строка 97: Строка 97:
 
Le Matis s’avança d’un pas déterminé.
 
Le Matis s’avança d’un pas déterminé.
  
« T’a-t-on forcé à tuer ? S’il est normal qu’un garçon de ton âge apprenne à combattre, il ne devrait pas avoir à faire couler le sang si jeune. Et sûrement pas dans ces conditions. Un garçon de ton âge passe du temps avec ses amis, ses frères, ses sœurs, son père et sa mère. »
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« Vous a-t-on forcé à tuer ? S’il est normal qu’un garçon de votre âge apprenne à combattre, il ne devrait pas avoir à faire couler le sang si jeune. Et sûrement pas dans ces conditions. Un garçon de votre âge passe du temps avec ses amis, ses frères, ses sœurs, son père et sa mère. »
  
 
À l’écoute des paroles du militaire, et à l’évocation de ses proches, le jeune Zoraï fut pris d’un coup de sang.
 
À l’écoute des paroles du militaire, et à l’évocation de ses proches, le jeune Zoraï fut pris d’un coup de sang.
Строка 105: Строка 105:
 
Un sourire froid s’afficha alors sur le visage du général.
 
Un sourire froid s’afficha alors sur le visage du général.
  
« Il semble que j’aie touché la corde sensible. Seraient-ce tes parents qui t’ont envoyé si loin de la Jungle pour commettre ces meurtres ? Une mère est censée enseigner l’amour à ses enfants, non la mort ! »
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« Il semble que j’aie touché la corde sensible. Seraient-ce vos parents qui vous ont envoyé si loin de la Jungle pour commettre ces meurtres ? Une mère est censée enseigner l’amour à ses enfants, non la mort ! »
  
 
Une violente céphalée transperça le crâne de l’enfant.
 
Une violente céphalée transperça le crâne de l’enfant.
Строка 113: Строка 113:
 
À son départ, elle avait pleuré. Et si elle l’avait exhorté de ne pas tuer pour assouvir son propre plaisir, elle lui avait malgré tout demandé de le faire pour Ma-Duk. Pü aimait sincèrement Ma-Duk, autant qu’il détestait Jena. Les Kamis protégeaient Atys, quand la Karavan la détruisait en pillant ses ressources. Mais ne pouvait-on prouver son amour à Ma-Duk autrement qu’en répandant le sang ? Par ses propos, et son statut de Grande Prêtresse, sa mère approuvait les coutumes barbares de leurs ancêtres. Pire, elle les transmettait avec ferveur. Mais lui, qui buvait il y a encore quelques mois chacune des paroles de sa mère, les vomissait désormais. Combien de temps encore réussirait-il à feindre son attachement aux valeurs de sa tribu ? Et si, averti de cette dernière pensée, Ma-Duk considérait déjà qu’il ne lui était plus fidèle, pourrait-il jamais devenir l’Ombre du Masque Noir ? Son père l’exécuterait-il lorsque Grand-Mère Bä-Bä lui apprendrait la nouvelle ? Son frère et sa mère le laisseraient-il faire ? Pü atteignait ses limites, son cerveau était en ébullition. Sentant le Zoraï flancher, le Matis le poussa à bout.
 
À son départ, elle avait pleuré. Et si elle l’avait exhorté de ne pas tuer pour assouvir son propre plaisir, elle lui avait malgré tout demandé de le faire pour Ma-Duk. Pü aimait sincèrement Ma-Duk, autant qu’il détestait Jena. Les Kamis protégeaient Atys, quand la Karavan la détruisait en pillant ses ressources. Mais ne pouvait-on prouver son amour à Ma-Duk autrement qu’en répandant le sang ? Par ses propos, et son statut de Grande Prêtresse, sa mère approuvait les coutumes barbares de leurs ancêtres. Pire, elle les transmettait avec ferveur. Mais lui, qui buvait il y a encore quelques mois chacune des paroles de sa mère, les vomissait désormais. Combien de temps encore réussirait-il à feindre son attachement aux valeurs de sa tribu ? Et si, averti de cette dernière pensée, Ma-Duk considérait déjà qu’il ne lui était plus fidèle, pourrait-il jamais devenir l’Ombre du Masque Noir ? Son père l’exécuterait-il lorsque Grand-Mère Bä-Bä lui apprendrait la nouvelle ? Son frère et sa mère le laisseraient-il faire ? Pü atteignait ses limites, son cerveau était en ébullition. Sentant le Zoraï flancher, le Matis le poussa à bout.
  
« Ainsi l’Herena avait donc raison : vous n’êtes que des animaux ! Les hommes de votre peuple engrossent vos femmes et les transforment en mères pondeuses, juste bonnes à produire des enfants-soldats qui seront sacrifiés sur l’autel de vos croyances haineuses ! »
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« Ainsi l’Herena avait donc raison : vous n’êtes que des animaux ! Les homins de votre peuple engrossent leurs homines et les transforment en mères pondeuses, juste bonnes à produire des enfants-soldats qui seront sacrifiés sur l’autel de vos croyances haineuses ! »
  
 
Sur ces mots, Pü dégaina sa dague et son épée courte et s’élança vers le Matis en hurlant. Il lui avait laissé l’opportunité de fuir, et celui-ci ne l’avait pas saisie. S’il désirait mourir, alors Pü l’y aiderait, aussi simplement qu’il l’avait fait pour ses soldats. Cela ne prendrait que quelques secondes. Tout serait terminé, bientôt. Il n’aurait plus à supporter cette douleur. C’est en tout cas ce qu’il imagina sous le coup de la fureur. L’épée du général s’illumina et le jeune guerrier fut saisi aux chevilles avant même de comprendre la manœuvre du militaire. L’expérience du Matis avait parlé, et l’orgueil du Zoraï allait lui coûter cher. Il avait sous-estimé son adversaire et s’était précipité aveuglément, sans anticiper l’utilisation d’un enchantement magique d’entrave. Des racines avaient jailli de l’écorce et l’empêchaient totalement de bouger. Étant donné l’élan de sa course, Pü avait manqué trébucher en avant, et ce n’était que de justesse qu’il avait réussi à se maintenir debout. Pris de panique, il tenta de s’extraire du piège magique en tailladant à l’aide de ses armes les ramifications qui montaient maintenant le long de ses mollets, oubliant par là même le lanceur du sortilège. Soudainement, alors que toute son attention était portée sur ses jambes, le ciel s’assombrit. Son sang se glaça lorsqu’il leva la tête par réflexe. Au-dessus de lui, l’imposante armure du Matis masquait la lumière de l’astre du jour : il avait profité de l’affolement du Zoraï pour arriver au corps à corps. Le contre-jour accentuait son regard féroce, qui pétrifia Pü de toute part. Le général leva sa grande épée en position plongeante. Son armure blanche s’illumina lorsque la lumière filtra suite au changement de posture, et Pü dut détourner les yeux pour ne pas être aveuglé.
 
Sur ces mots, Pü dégaina sa dague et son épée courte et s’élança vers le Matis en hurlant. Il lui avait laissé l’opportunité de fuir, et celui-ci ne l’avait pas saisie. S’il désirait mourir, alors Pü l’y aiderait, aussi simplement qu’il l’avait fait pour ses soldats. Cela ne prendrait que quelques secondes. Tout serait terminé, bientôt. Il n’aurait plus à supporter cette douleur. C’est en tout cas ce qu’il imagina sous le coup de la fureur. L’épée du général s’illumina et le jeune guerrier fut saisi aux chevilles avant même de comprendre la manœuvre du militaire. L’expérience du Matis avait parlé, et l’orgueil du Zoraï allait lui coûter cher. Il avait sous-estimé son adversaire et s’était précipité aveuglément, sans anticiper l’utilisation d’un enchantement magique d’entrave. Des racines avaient jailli de l’écorce et l’empêchaient totalement de bouger. Étant donné l’élan de sa course, Pü avait manqué trébucher en avant, et ce n’était que de justesse qu’il avait réussi à se maintenir debout. Pris de panique, il tenta de s’extraire du piège magique en tailladant à l’aide de ses armes les ramifications qui montaient maintenant le long de ses mollets, oubliant par là même le lanceur du sortilège. Soudainement, alors que toute son attention était portée sur ses jambes, le ciel s’assombrit. Son sang se glaça lorsqu’il leva la tête par réflexe. Au-dessus de lui, l’imposante armure du Matis masquait la lumière de l’astre du jour : il avait profité de l’affolement du Zoraï pour arriver au corps à corps. Le contre-jour accentuait son regard féroce, qui pétrifia Pü de toute part. Le général leva sa grande épée en position plongeante. Son armure blanche s’illumina lorsque la lumière filtra suite au changement de posture, et Pü dut détourner les yeux pour ne pas être aveuglé.
  
« Laisse-toi faire ! dit le Matis d’un air grave. Le coup que je vais te porter va t’infliger une blessure critique. Si tu bouges, il risque de t’être fatal. Je te maintiendrai en vie jusqu’à ce que les renforts arrivent. Nous te conduirons ensuite à Matia ! »
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« Laissez-vous faire ! dit le Matis d’un air grave. Le coup que je vais vous porter va vous infliger une blessure critique. Si vous bougez, il risque de vous être fatal. Je vous maintiendrai en vie jusqu’à ce que les renforts arrivent. Nous vous conduirons ensuite à Matia ! »
  
 
Si le général semblait confiant en sa capacité de l’amener vivant auprès du roi des Matis, Pü préférait mourir mille fois plutôt que de devenir captif des suppôts de la Karavan. Il essaya à nouveau de se débattre, mais les racines enserraient maintenant sa taille et commençaient à remonter sur son ventre. Voilà, c’était ainsi que s’achevait sa courte vie. Finalement, Grand-Mère Bä-Bä avait eu tort. Lui qui avait grandi avec l’idée de devenir l’Ombre du Masque Noir et de périr parmi les siens en protégeant son frère, allait mourir seul et loin de chez lui, avec pour dernière vision l’éblouissante empreinte astrale de Jena. Quelle ironie. Alors que le Zoraï avait tourné son masque sur la gauche pour ne pas avoir à supporter plus longtemps le reflet moqueur de la cuirasse, il aperçut une étrange source lumineuse au-delà de la lisière de la route, sous l’ombre des grands arbres sylvestres. En se concentrant, il put discerner nettement deux sphères de taille identique. Elles étaient d’une blancheur éclatante et luisaient d’autant plus vivement qu’elles étaient environnées d’obscurité. Non, ce n’était pas seulement l’obscurité… Pü distingua une petite silhouette noire parmi les ombres. Son sang se glaça de nouveau. Ce n’étaient pas des sphères, c’étaient des yeux. Ceux du Kami Noir qui lui était apparu deux fois jusqu’alors. Il était là. Ma-Duk le regardait.
 
Si le général semblait confiant en sa capacité de l’amener vivant auprès du roi des Matis, Pü préférait mourir mille fois plutôt que de devenir captif des suppôts de la Karavan. Il essaya à nouveau de se débattre, mais les racines enserraient maintenant sa taille et commençaient à remonter sur son ventre. Voilà, c’était ainsi que s’achevait sa courte vie. Finalement, Grand-Mère Bä-Bä avait eu tort. Lui qui avait grandi avec l’idée de devenir l’Ombre du Masque Noir et de périr parmi les siens en protégeant son frère, allait mourir seul et loin de chez lui, avec pour dernière vision l’éblouissante empreinte astrale de Jena. Quelle ironie. Alors que le Zoraï avait tourné son masque sur la gauche pour ne pas avoir à supporter plus longtemps le reflet moqueur de la cuirasse, il aperçut une étrange source lumineuse au-delà de la lisière de la route, sous l’ombre des grands arbres sylvestres. En se concentrant, il put discerner nettement deux sphères de taille identique. Elles étaient d’une blancheur éclatante et luisaient d’autant plus vivement qu’elles étaient environnées d’obscurité. Non, ce n’était pas seulement l’obscurité… Pü distingua une petite silhouette noire parmi les ombres. Son sang se glaça de nouveau. Ce n’étaient pas des sphères, c’étaient des yeux. Ceux du Kami Noir qui lui était apparu deux fois jusqu’alors. Il était là. Ma-Duk le regardait.
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Les secondes défilaient et Pü s’essoufflait à vue d’œil. À plusieurs reprises, le soldat réussit à le frôler, entaillant son corps d’enfant de la pointe de son épée. Pü faisait régulièrement appel aux pouvoirs de la Sève pour panser ses blessures et régénérer partiellement son endurance, mais, à ce rythme, il atteindrait bientôt ses limites. S’il aurait aimé pouvoir passer dans le dos du Matis pour tenter de lui briser la nuque, comme il savait si bien le faire, celui-ci ne lui laissait aucun répit. Sans arme, il n’avait aucun moyen de s’extraire de cette situation perdue d’avance. Alors qu’il cherchait une échappatoire, il aperçut une dague pendant à la taille du soldat, cachée derrière le drap d’apparat ornant sa ceinture. Comment avait-il pu ne pas la voir avant ? Pü se maudit et imagina un plan d’action, entre deux roulades et trois contorsions. Il allait jouer le tout pour le tout. À bout de souffle, le Zoraï attendait le moment idéal pour agir. Soudainement, lui qui ne faisait jusqu’alors que reculer face aux assauts du Matis, profita d’une large frappe de taille pour effectuer une roulade avant et passer sous la lame tranchante. Son mouvement tout juste terminé, il poussa aussi fort qu’il put sur ses jambes, et bondit sur le flanc gauche du soldat. Si le Matis fut décontenancé par la direction de l’esquive, il réagit très vite et rendit un violent coup de pied latéral au jeune guerrier. Le corps de l’enfant craqua sous la lourde botte du soldat et alla s’écraser plus loin sur le sol. Pü se releva péniblement sur un genou et cracha le sang. Son adversaire venait de lui briser plusieurs côtes. Mais derrière son masque, le jeune guerrier souriait : sa main valide était désormais armée. Bien que différente des dagues qu’il avait coutume de manier, celle du Matis ferait parfaitement l’affaire. Le jeune homin inspira un grand coup et leva son masque vers le général. Celui-ci s’était retourné et s’apprêtait à réaliser une percée avec son épée pour retourner au corps-à-corps.
 
Les secondes défilaient et Pü s’essoufflait à vue d’œil. À plusieurs reprises, le soldat réussit à le frôler, entaillant son corps d’enfant de la pointe de son épée. Pü faisait régulièrement appel aux pouvoirs de la Sève pour panser ses blessures et régénérer partiellement son endurance, mais, à ce rythme, il atteindrait bientôt ses limites. S’il aurait aimé pouvoir passer dans le dos du Matis pour tenter de lui briser la nuque, comme il savait si bien le faire, celui-ci ne lui laissait aucun répit. Sans arme, il n’avait aucun moyen de s’extraire de cette situation perdue d’avance. Alors qu’il cherchait une échappatoire, il aperçut une dague pendant à la taille du soldat, cachée derrière le drap d’apparat ornant sa ceinture. Comment avait-il pu ne pas la voir avant ? Pü se maudit et imagina un plan d’action, entre deux roulades et trois contorsions. Il allait jouer le tout pour le tout. À bout de souffle, le Zoraï attendait le moment idéal pour agir. Soudainement, lui qui ne faisait jusqu’alors que reculer face aux assauts du Matis, profita d’une large frappe de taille pour effectuer une roulade avant et passer sous la lame tranchante. Son mouvement tout juste terminé, il poussa aussi fort qu’il put sur ses jambes, et bondit sur le flanc gauche du soldat. Si le Matis fut décontenancé par la direction de l’esquive, il réagit très vite et rendit un violent coup de pied latéral au jeune guerrier. Le corps de l’enfant craqua sous la lourde botte du soldat et alla s’écraser plus loin sur le sol. Pü se releva péniblement sur un genou et cracha le sang. Son adversaire venait de lui briser plusieurs côtes. Mais derrière son masque, le jeune guerrier souriait : sa main valide était désormais armée. Bien que différente des dagues qu’il avait coutume de manier, celle du Matis ferait parfaitement l’affaire. Le jeune homin inspira un grand coup et leva son masque vers le général. Celui-ci s’était retourné et s’apprêtait à réaliser une percée avec son épée pour retourner au corps-à-corps.
  
« Abandonne mon garçon ! » dit-il en chargeant.
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« Abandonnez mon garçon ! » dit-il en chargeant.
  
 
À nouveau, Pü n’aurait qu’une seule chance. Et jusqu’alors, la chance lui avait souvent souri. Finalement, peut-être que le Kami Noir veillait réellement sur lui.  Alors que le soldat se précipitait dans sa direction, l’épée dirigée vers l’avant, Pü attendit le bon moment et jeta sa dague en l’air, loin au-dessus de lui. Aussitôt fait, il infusa tout ce qu’il put de Sève dans ses jambes et fit gonfler ses cuisses comme jamais. Puisant à la limite de ce qu’il pouvait endurer, il souleva un nuage de sciure et bondit dans les airs d’un saut surhomin.
 
À nouveau, Pü n’aurait qu’une seule chance. Et jusqu’alors, la chance lui avait souvent souri. Finalement, peut-être que le Kami Noir veillait réellement sur lui.  Alors que le soldat se précipitait dans sa direction, l’épée dirigée vers l’avant, Pü attendit le bon moment et jeta sa dague en l’air, loin au-dessus de lui. Aussitôt fait, il infusa tout ce qu’il put de Sève dans ses jambes et fit gonfler ses cuisses comme jamais. Puisant à la limite de ce qu’il pouvait endurer, il souleva un nuage de sciure et bondit dans les airs d’un saut surhomin.

Версия 16:31, 20 апреля 2022

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