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À un millier de kilomètres de là, les membres de sa tribu étaient probablement en train de terminer eux aussi leur prière. Malgré l’éloignement et la solitude, Pü avait essayé de garder un rythme identique à la vie qu’il menait avant son départ. Aux premières lueurs de l’aube, le village s’éveillait et se préparait aux travaux routiniers nécessaires au bon fonctionnement de la communauté : entretien, artisanat, chasse, cuisine, réunions diverses, accueil des rares émissaires et commerçants, etc. L’objectif était d’effectuer un maximum de tâches avant le début de la longue litanie matinale. Celle-ci était conduite par Looï, la mère de Pü, et se soldait par un repas collectif au cœur du réfectoire, repas auquel toute la tribu participait. Après le déjeuner, les Zoraïs s’entraînaient à l’art du combat, et cela durant plusieurs heures. Les enseignements, destinés à tous, sans distinction d'âge ou de genre, étaient très variés : corps-à-corps, armes blanches, armes de tir, magie. En effet, la tribu était avant tout un clan de combattants, qui tôt ou tard, participerait à l’avènement de la Guerre Sacrée. Une fois l’entraînement terminé, les familles se retrouvaient dans l’intimité d’un repas, et s’adonnaient à diverses activités personnelles avant le coucher. Depuis toujours, Pü suivait des cours du soir avec sa mère, qui lui apprenait l’histoire homine, la géopolitique, la maîtrise des autres langues et les sciences. De temps à autre, il était accompagné de son grand frère Niï. Mais dans la grande majorité des cas, celui-ci suivait d’autres cours particuliers, avec leur père, le Masque Noir.
 
À un millier de kilomètres de là, les membres de sa tribu étaient probablement en train de terminer eux aussi leur prière. Malgré l’éloignement et la solitude, Pü avait essayé de garder un rythme identique à la vie qu’il menait avant son départ. Aux premières lueurs de l’aube, le village s’éveillait et se préparait aux travaux routiniers nécessaires au bon fonctionnement de la communauté : entretien, artisanat, chasse, cuisine, réunions diverses, accueil des rares émissaires et commerçants, etc. L’objectif était d’effectuer un maximum de tâches avant le début de la longue litanie matinale. Celle-ci était conduite par Looï, la mère de Pü, et se soldait par un repas collectif au cœur du réfectoire, repas auquel toute la tribu participait. Après le déjeuner, les Zoraïs s’entraînaient à l’art du combat, et cela durant plusieurs heures. Les enseignements, destinés à tous, sans distinction d'âge ou de genre, étaient très variés : corps-à-corps, armes blanches, armes de tir, magie. En effet, la tribu était avant tout un clan de combattants, qui tôt ou tard, participerait à l’avènement de la Guerre Sacrée. Une fois l’entraînement terminé, les familles se retrouvaient dans l’intimité d’un repas, et s’adonnaient à diverses activités personnelles avant le coucher. Depuis toujours, Pü suivait des cours du soir avec sa mère, qui lui apprenait l’histoire homine, la géopolitique, la maîtrise des autres langues et les sciences. De temps à autre, il était accompagné de son grand frère Niï. Mais dans la grande majorité des cas, celui-ci suivait d’autres cours particuliers, avec leur père, le Masque Noir.
  
L’enfant fut brusquement arraché à ses souvenirs lorsqu’un triste son vint briser l’harmonie du chant des arbres. Au-dessus des cimes, le vrombissement sourd d’un engin volant de la Karavan venait de faire trembler l’air et de faire fuir les [[javing]]s, ces étranges volatiles aux ailes dentelées, à la couleur verdâtre, et dont la longue langue noire, luisante et barbelée, servait à transpercer les proies. Se relevant à toute vitesse, Pü vérifia la solidité de sa ligne de vie et entreprit de gravir les derniers mètres du gros tronc qui le séparait du ciel. Alors que son corps frêle s’extrayait de l’océan de feuilles, il fut contraint de plisser les yeux derrière son masque, tant la lumière du jour était aveuglante. Non loin de lui, la machine infernale était en train de perdre de l’altitude. L'étrange matière noire qui composait sa coque reflétait la vive lueur astrale de Jena, comme pour le narguer. Malgré tout, Pü réussit à identifier l’engin. C’était l’un de ces petits transporteurs que la Karavan utilisait généralement pour récolter les ressources rassemblées par ses esclaves homins. Étrangement, il semblait tout droit venir d’une des immenses racines célestes qui composaient la [[Canopée]], cette mystérieuse partie de l'Écorce encore inexplorée. Atys était une planète entièrement végétale et vivante. Ses vallées opulentes et collines luxuriantes étaient formées de colossales racines, sur lesquelles les homins avaient établi leurs civilisations. L’eau qui remplissait les profondes fissures racinaires donnait vie à ses lacs, ses lagunes et ses océans. Les racines les plus inclinées formaient ses montagnes et s'étendaient vers le ciel dans une montée lente et inexorable. Certaines anomalies thermiques entraînaient même la lente consumation du tapis de racines, donnant ainsi naissance aux déserts. Et plus profond sous l'Écorce se trouvaient les racines primaires, dites aussi Primes Racines, l'écosystème le plus mystérieux d'Atys après celui qu’on supposait exister dans la Canopée. Il formait un immense labyrinthe fait de cavernes verdoyantes et humides, plongeant dans les entrailles de la planète végétale jusqu’en son Cœur.
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L’enfant fut brusquement arraché à ses souvenirs lorsqu’un triste son vint briser l’harmonie du chant des arbres. Au-dessus des cimes, le vrombissement sourd d’un engin volant de la Karavan venait de faire trembler l’air et de faire fuir les [[javing]]s, ces étranges volatiles aux ailes dentelées, à la couleur verdâtre, et dont la longue langue noire, luisante et barbelée, servait à transpercer les proies. Se relevant à toute vitesse, Pü vérifia la solidité de sa ligne de vie et entreprit de gravir les derniers mètres du gros tronc qui le séparait du ciel. Alors que son corps frêle s’extrayait de l’océan de feuilles, il fut contraint de plisser les yeux derrière son masque, tant la lumière du jour était aveuglante. Non loin de lui, la machine infernale était en train de perdre de l’altitude. L'étrange matière noire qui composait sa coque reflétait la vive lueur astrale de Jena, comme pour le narguer. Malgré tout, Pü réussit à identifier l’engin. C’était l’un de ces petits transporteurs que la Karavan utilisait généralement pour récolter les ressources rassemblées par ses esclaves homins. Étrangement, il semblait tout droit venir d’une des immenses racines célestes qui composaient la [[Canopée]], cette mystérieuse partie de l'Écorce encore inexplorée. Atys était une planète entièrement végétale et vivante. Ses vallées opulentes et collines luxuriantes étaient formées de colossales racines, sur lesquelles les homins avaient établi leurs civilisations. L’eau qui remplissait les profondes fissures racinaires donnait vie à ses lacs, ses lagunes et ses océans. Les racines les plus inclinées formaient ses montagnes et s'étendaient vers le ciel dans une montée lente et inexorable. Certaines anomalies thermiques entraînaient même la lente consumation du tapis de racines, donnant ainsi naissance aux déserts. Et plus profond sous l'Écorce se trouvaient les racines primaires, dites aussi Primes Racines, l'écosystème le plus mystérieux d'Atys après celui qu’on supposait exister dans la Canopée. Il formait un immense labyrinthe fait de cavernes verdoyantes et humides, plongeant dans les entrailles du monde végétal jusqu’en son Cœur.
  
 
Pü regarda l’engin karavanier plonger à toute vitesse. Il y avait fort à parier que, comme à l’accoutumée, un point de rendez-vous avait été convenu entre la Karavan et ses suppôts, et qu’un convoi était en route pour livrer tribut. Le jeune Zoraï sentit son cœur s’emballer. Quatre. Il ne lui en manquait plus que quatre. Quatre, et il pourrait enfin rentrer chez lui et retrouver ses proches. C’était l’occasion parfaite. Il devait intercepter le convoi avant que celui-ci ne rejoigne les agents de la Karavan. Pü s’échappa du jour nu en se laissant chuter de quelques mètres, et atterrit sur la branche sur laquelle il avait laissé ses affaires. Il les rassembla et les empaqueta hâtivement, hormis un panier d’osier de forme cubique, qu’il manipula avec soin. Ce panier contenait le fruit de plusieurs mois d’efforts. Jamais il ne se pardonnerait de le perdre ou de menacer son intégrité. Sûr de n’avoir rien oublié, il vérifia une dernière fois son baudrier et plongea. Pü s’enfonçait à vive allure dans l’abysse verdoyante, se mouvant habilement entre les branchages, et décrochant d’un coup de main expert sa ligne de vie des broches qu’il avait plantées durant son ascension. Il traversa durant de longues secondes les strates multicolores de cette forêt continentale aux mille saisons, et finit par se poser gracieusement sur son sol feuillu. Au vu de la direction prise par l’engin volant, celui-ci se poserait probablement dans la clairière située plus au nord.
 
Pü regarda l’engin karavanier plonger à toute vitesse. Il y avait fort à parier que, comme à l’accoutumée, un point de rendez-vous avait été convenu entre la Karavan et ses suppôts, et qu’un convoi était en route pour livrer tribut. Le jeune Zoraï sentit son cœur s’emballer. Quatre. Il ne lui en manquait plus que quatre. Quatre, et il pourrait enfin rentrer chez lui et retrouver ses proches. C’était l’occasion parfaite. Il devait intercepter le convoi avant que celui-ci ne rejoigne les agents de la Karavan. Pü s’échappa du jour nu en se laissant chuter de quelques mètres, et atterrit sur la branche sur laquelle il avait laissé ses affaires. Il les rassembla et les empaqueta hâtivement, hormis un panier d’osier de forme cubique, qu’il manipula avec soin. Ce panier contenait le fruit de plusieurs mois d’efforts. Jamais il ne se pardonnerait de le perdre ou de menacer son intégrité. Sûr de n’avoir rien oublié, il vérifia une dernière fois son baudrier et plongea. Pü s’enfonçait à vive allure dans l’abysse verdoyante, se mouvant habilement entre les branchages, et décrochant d’un coup de main expert sa ligne de vie des broches qu’il avait plantées durant son ascension. Il traversa durant de longues secondes les strates multicolores de cette forêt continentale aux mille saisons, et finit par se poser gracieusement sur son sol feuillu. Au vu de la direction prise par l’engin volant, celui-ci se poserait probablement dans la clairière située plus au nord.
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L'enfant disposa soigneusement son panier au centre de l’arbuste et attendit quelques secondes supplémentaires que le convoi progresse. Lorsqu’il fut environ à une cinquantaine de mètres de sa position, il sortit calmement de sa cachette et se planta au centre de la route. Le repérant sans tarder, la vigie située sur le sommet du chargement sonna l’arrêt et le convoi stoppa net. La halte inattendue eut pour effet d’interrompre brusquement le sommeil du Herena, qui manqua tomber de la charrette.
 
L'enfant disposa soigneusement son panier au centre de l’arbuste et attendit quelques secondes supplémentaires que le convoi progresse. Lorsqu’il fut environ à une cinquantaine de mètres de sa position, il sortit calmement de sa cachette et se planta au centre de la route. Le repérant sans tarder, la vigie située sur le sommet du chargement sonna l’arrêt et le convoi stoppa net. La halte inattendue eut pour effet d’interrompre brusquement le sommeil du Herena, qui manqua tomber de la charrette.
  
« Qui êtes-vous ? Déclinez votre identité ! s’exclama la vigie d’un ton puissant mais néanmoins mélodieux.
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« Qui êtes-vous ? Déclinez votre identité ! » s’exclama la vigie d’un ton puissant mais néanmoins mélodieux.
  
En réponse, Pü s’avança de quelques mètres, alors que les capryniers alignaient leurs montures et se plaçaient devant la charrette. Le Zoraï se racla la gorge et prit son plus beau matéis. Sa mère lui avait enseigné les langues utilisées par les autres peuples, en mettant l’accent sur le matéis, la plus utilisée à l’international.
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En réponse, Pü s’avança de quelques mètres, alors que les capryniers alignaient leurs montures et se plaçaient devant la charrette. Le Zoraï se racla la gorge et prit son plus beau matéis. Sa mère lui avait enseigné les langues utilisées par les autres peuples, en mettant l’accent sur le matéis, la plus parlée à l’international.
  
 
« Je suis un apôtre des Kamis, envoyé sur les terres païennes pour révéler aux égarés l’existence du Grand Géniteur, et pour offrir à certains élus le Pardon Éternel. Enfants de l’Écorce, soyez heureux d’apprendre que par mon fait, vos péchés ont d'ores et déjà été lavés. D’ici peu, vos âmes seront purifiées puis offertes aux Guerriers Noirs de Ma-Duk. À travers eux, vous contribuerez à leur combat pour la préservation d’Atys. Et si Ma-Duk le veut, vous assisterez à la Guerre Sacrée et à l’avènement des Jours Heureux. »
 
« Je suis un apôtre des Kamis, envoyé sur les terres païennes pour révéler aux égarés l’existence du Grand Géniteur, et pour offrir à certains élus le Pardon Éternel. Enfants de l’Écorce, soyez heureux d’apprendre que par mon fait, vos péchés ont d'ores et déjà été lavés. D’ici peu, vos âmes seront purifiées puis offertes aux Guerriers Noirs de Ma-Duk. À travers eux, vous contribuerez à leur combat pour la préservation d’Atys. Et si Ma-Duk le veut, vous assisterez à la Guerre Sacrée et à l’avènement des Jours Heureux. »
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Le ton assuré du général aida les soldats à sortir de leur léthargie. Tous s’exécutèrent sans dire mot. La sentinelle sauta de la charrette et arma son fusil-mitrailleur, le Matis assis à l’arrière du véhicule le remplaça au faîte de la charrette, qui commença à manœuvrer pour faire demi-tour. Seul le clerc, qui reprenait à peine ses esprits, manifesta l’intention de protester. Mais le regard inquisiteur que lui jeta alors le général le dissuada, et sa pâleur de craie s’accentua. D’ordinaire, Pü ne laissait pas de survivants, car seule l'absence de témoin l’assurait de pouvoir continuer d’opérer sans encombre sur ces terres étrangères. D’ailleurs, il évitait généralement de s’en prendre à l’armée régulière, dont chaque soldat disparu donnait lieu à enquête, et préférait s’attaquer aux tribus de fanatiques ou aux groupes de bandits qui parsemaient le royaume. Mais cette fois-ci, tout était différent. Quand les premiers parleraient, lui serait déjà sur la route du retour. Il observa scrupuleusement ses quatre futurs adversaires, tandis que l’un des capryniers s’élançait à toute vitesse en direction du sud-ouest, suivi par la charrette. Il devait éviter de les affronter tous ensemble. Il patienta quelques secondes, assez de temps pour que le messager disparaisse à l’horizon, et se mit à avancer doucement. Au premier pas, le général cria.
 
Le ton assuré du général aida les soldats à sortir de leur léthargie. Tous s’exécutèrent sans dire mot. La sentinelle sauta de la charrette et arma son fusil-mitrailleur, le Matis assis à l’arrière du véhicule le remplaça au faîte de la charrette, qui commença à manœuvrer pour faire demi-tour. Seul le clerc, qui reprenait à peine ses esprits, manifesta l’intention de protester. Mais le regard inquisiteur que lui jeta alors le général le dissuada, et sa pâleur de craie s’accentua. D’ordinaire, Pü ne laissait pas de survivants, car seule l'absence de témoin l’assurait de pouvoir continuer d’opérer sans encombre sur ces terres étrangères. D’ailleurs, il évitait généralement de s’en prendre à l’armée régulière, dont chaque soldat disparu donnait lieu à enquête, et préférait s’attaquer aux tribus de fanatiques ou aux groupes de bandits qui parsemaient le royaume. Mais cette fois-ci, tout était différent. Quand les premiers parleraient, lui serait déjà sur la route du retour. Il observa scrupuleusement ses quatre futurs adversaires, tandis que l’un des capryniers s’élançait à toute vitesse en direction du sud-ouest, suivi par la charrette. Il devait éviter de les affronter tous ensemble. Il patienta quelques secondes, assez de temps pour que le messager disparaisse à l’horizon, et se mit à avancer doucement. Au premier pas, le général cria.
  
« N’avancez plus ! Pour vous être rendu coupable du crime d’homicide volontaire sur un soldat de l’armée royale, vous devez comparaître devant la justice royale. Comme le veut notre loi, vous aurez le droit de vous défendre durant votre jugement. Maintenant, coopérez, nous serons dans l’obligation de vous appréhender par la force. »
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« N’avancez plus ! Pour vous être rendu coupable du crime d’homicide volontaire sur un soldat de l’armée royale, vous devez comparaître devant la justice royale. Comme le veut notre loi, vous aurez le droit de vous défendre durant votre jugement. Maintenant, coopérez, ou nous serons dans l’obligation de vous appréhender par la force. »
  
 
Pü leva les mains pour feindre la soumission et continua d’avancer. Il savait que les Matis ne seraient pas dupes, mais il devait gagner quelques mètres. Actuellement, la plus grande menace était le mitrailleur. Il devait l’éliminer en premier. Pour autant, il ne devait pas sous-estimer le haut gradé. En temps normal, il aurait eu à faire à un simple chef d’escouade, et non pas à un militaire expérimenté.
 
Pü leva les mains pour feindre la soumission et continua d’avancer. Il savait que les Matis ne seraient pas dupes, mais il devait gagner quelques mètres. Actuellement, la plus grande menace était le mitrailleur. Il devait l’éliminer en premier. Pour autant, il ne devait pas sous-estimer le haut gradé. En temps normal, il aurait eu à faire à un simple chef d’escouade, et non pas à un militaire expérimenté.
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Le Zoraï ne réussirait probablement pas à faire un pas de plus avant que le général ne sonne l’assaut. Il passa sa main droite dans son dos et la posa sur le petit bouclier rond qui y était accroché. Il n’avait pas droit à l’erreur. S’il se manquait maintenant, la suite serait beaucoup plus incertaine. Il ferma à nouveau les yeux et laissa pleinement ses sens s’ouvrir au monde. La direction et la force du vent, l’humidité de l’air : importants paramètres à prendre en compte pour réaliser le lancer parfait. Rouvrant les paupières, il posa son regard sur le tireur. S’il était trop loin pour en être certain, la position de ses bras indiquait qu’il était prêt à faire feu. Pü inspira un grand coup et se mit en action. Plus rapide que jamais, il décrocha son bouclier et banda ses bras en arrière comme une corde. Il lui fallut moins d’une seconde pour valider sa trajectoire et propulser sa rondache. Le projectile vola vers la gauche du sentier, donnant l’illusion d’un lancer manqué. Pü profita de l’incompréhension générale pour foncer dans l’autre direction. Comme prévu, le mitrailleur reçut l’ordre d’intervenir et enclencha son arme. '''Les deux pieds fermement plantés dans l’écorce, il se mit à tirer à feu nourri en direction du Zoraï'''. Mais, vu son recul, l’arme était malaisée à diriger, ce qui laissait à Pü quelques secondes avant que les impacts ne fassent mouche. L’enfant se déhanchait et sautillait habilement, s'efforçant de compliquer la tâche du mitrailleur, dont les tirs se faisaient de plus en plus précis. À ce moment-là, les Matis crurent probablement qu’ils allaient l’emporter. C’était compter sans la courbure impromptue que prit la trajectoire du bouclier. Frôlant les arbres qui marquaient le bord de la route, la rondache dévia en direction du tireur qui était maintenant positionné dos à elle. Personne ne remarqua la manigance, hormis le général qui, plus avisé que le reste de son escouade, aperçut le projectile mortel alors qu’il s’apprêtait à percuter l’arrière du crâne du mitrailleur. Il hurla quelque chose et sauta de son capryni. Se relevant en vitesse, il fonça vers le soldat. En réponse au cri de son supérieur, celui-ci venait de se retourner vers la menace volante. Ne le voyant pas réagir, le général tenta de le plaquer, mais ne réussit qu'à le bousculer. Le bouclier fendit profondément le visage du Matis hébété qui virevolta et s’écroula lourdement sur le sol.
 
Le Zoraï ne réussirait probablement pas à faire un pas de plus avant que le général ne sonne l’assaut. Il passa sa main droite dans son dos et la posa sur le petit bouclier rond qui y était accroché. Il n’avait pas droit à l’erreur. S’il se manquait maintenant, la suite serait beaucoup plus incertaine. Il ferma à nouveau les yeux et laissa pleinement ses sens s’ouvrir au monde. La direction et la force du vent, l’humidité de l’air : importants paramètres à prendre en compte pour réaliser le lancer parfait. Rouvrant les paupières, il posa son regard sur le tireur. S’il était trop loin pour en être certain, la position de ses bras indiquait qu’il était prêt à faire feu. Pü inspira un grand coup et se mit en action. Plus rapide que jamais, il décrocha son bouclier et banda ses bras en arrière comme une corde. Il lui fallut moins d’une seconde pour valider sa trajectoire et propulser sa rondache. Le projectile vola vers la gauche du sentier, donnant l’illusion d’un lancer manqué. Pü profita de l’incompréhension générale pour foncer dans l’autre direction. Comme prévu, le mitrailleur reçut l’ordre d’intervenir et enclencha son arme. '''Les deux pieds fermement plantés dans l’écorce, il se mit à tirer à feu nourri en direction du Zoraï'''. Mais, vu son recul, l’arme était malaisée à diriger, ce qui laissait à Pü quelques secondes avant que les impacts ne fassent mouche. L’enfant se déhanchait et sautillait habilement, s'efforçant de compliquer la tâche du mitrailleur, dont les tirs se faisaient de plus en plus précis. À ce moment-là, les Matis crurent probablement qu’ils allaient l’emporter. C’était compter sans la courbure impromptue que prit la trajectoire du bouclier. Frôlant les arbres qui marquaient le bord de la route, la rondache dévia en direction du tireur qui était maintenant positionné dos à elle. Personne ne remarqua la manigance, hormis le général qui, plus avisé que le reste de son escouade, aperçut le projectile mortel alors qu’il s’apprêtait à percuter l’arrière du crâne du mitrailleur. Il hurla quelque chose et sauta de son capryni. Se relevant en vitesse, il fonça vers le soldat. En réponse au cri de son supérieur, celui-ci venait de se retourner vers la menace volante. Ne le voyant pas réagir, le général tenta de le plaquer, mais ne réussit qu'à le bousculer. Le bouclier fendit profondément le visage du Matis hébété qui virevolta et s’écroula lourdement sur le sol.
 
[[file:Les deux pieds.png|right|400px|alt=… Les deux pieds fermement plantés…|Les deux pieds fermement plantés]]
 
[[file:Les deux pieds.png|right|400px|alt=… Les deux pieds fermement plantés…|Les deux pieds fermement plantés]]
Pü cessa ses gesticulations et reprit son souffle. Si le mitrailleur n’était certainement pas mort, il semblait être évanoui, et ne représentait donc plus une menace pour le moment. Alors que le général commençait à lui prodiguer des soins, le jeune Zoraï crut à tort qu’il aurait le temps de réfléchir à son prochain mouvement. Mais les deux capryniers ne l’entendaient pas de cette oreille, et s’incitèrent mutuellement à passer à l’attaque.
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Pü cessa ses gesticulations et reprit son souffle. Si le mitrailleur n’était certainement pas mort, il semblait être évanoui, et ne représentait donc plus une menace pour le moment. Alors que le général s'attardait au chevet du malheureux, le jeune Zoraï crut à tort qu’il aurait le temps de réfléchir à son prochain mouvement. Mais les deux capryniers ne l’entendaient pas de cette oreille, et s’incitèrent mutuellement à passer à l’attaque.
  
 
« Général, restez avec Sivaldo, nous nous occupons du primitif masqué ! cria le premier.
 
« Général, restez avec Sivaldo, nous nous occupons du primitif masqué ! cria le premier.
Строка 81: Строка 81:
 
— Oui général ! Jusqu’alors, ses techniques de lâche ont fonctionné uniquement parce que nous n’y étions pas préparés, renchérit le second. Laissez-nous venger la mort de Tinailli ! Nous vous promettons de lui faire honneur ! »
 
— Oui général ! Jusqu’alors, ses techniques de lâche ont fonctionné uniquement parce que nous n’y étions pas préparés, renchérit le second. Laissez-nous venger la mort de Tinailli ! Nous vous promettons de lui faire honneur ! »
  
Le général eut beau protester, les deux soldats s’élancèrent à pleine vitesse en direction du Zoraï, qui ne semblait pas s’en inquiéter. Les dernières dizaines de mètres qui les séparaient furent englouties en quelques secondes. Mais se souvenant de la mort de leur première camarade, les Matis ne firent pas l’erreur de charger le jeune guerrier. Ils s’arrêtèrent avant d’arriver à son niveau, sautèrent de leur monture et s’avancèrent pour le prendre en tenaille. Au vu de leur comportement respectif, les deux Matis devaient être des soldats inexpérimentés. Aveuglés par la haine et le désir de vengeance, ils ne savaient pas encore qu’ils venaient de se jeter dans la gueule du gingo. Au loin, le général venait à peine d’atteindre son capryni pour rejoindre en urgence les deux imprudents. Seul contre deux, le jeune guerrier avait toutes ses chances. Il fallait donc qu’il en termine au plus vite avant que le seul militaire réellement expérimenté de l’escouade ne les rejoigne. Le Matis qui s’était positionné dans son dos tenait à deux mains une lourde épée d’ambre joliment ornementée, alors que celui qui lui faisait face était armé d’une longue pique couronnée d’ambre tressé. Pü aurait aimé lire sur son visage, mais l’imposant casque cornu qu’il portait l’en empêchait. Rapidement, les Matis se rapprochèrent. En toute logique, le soldat situé face à lui lancerait le premier assaut, laissant ainsi l’opportunité à celui positionné dans son dos d’utiliser un angle mort pour attaquer. C’est exactement ce qui se passa. Le piquier cria et perfora l’air d’un geste précis, espérant empaler le Zoraï d’un seul coup. Sans même bouger ses pieds, Pü envoya sa main droite au contact de la pique tout en pivotant et décalant son bassin du côté opposé. La protection de son avant-bras érafla bruyamment les multiples pointes aiguisées. Retournant brusquement son poignet, il attrapa le long manche de l’arme. Au lieu de repousser l’offensive, il encouragea le mouvement, et se servit de l’élan du Matis pour le déstabiliser tout en préservant l’impulsion de son assaut. Déviant légèrement la direction de l’attaque, et toujours sans décoller les pieds du sol, il courba son dos en arrière, et esquiva le coup horizontal que l’épéiste tenta de lui asséner. Il n’eut alors qu’à faire en sorte que la pique conserve sa vélocité pour que ses pointes mortelles transpercent la cuisse gauche du malheureux à l’épée, qui s’écroula sous le choc en hurlant. Emporté par le mouvement non contrôlé de son arme, l’assaillant manqua de tomber sur le blessé. Pü saisit l’opportunité et l’y aida. Dégainant sa dague de sa main libre alors que l’autre lâchait la pique fermement enfoncée dans la chair de son camarade, il fit un pas en arrière pour reprendre son équilibre et enfonça d’un coup précis sa lame dans la jointure cervicale du casque du piquier. Une longue gerbe de sang gicla lorsqu’il retira sa dague de la carotide de son adversaire. Comme il s’y attendait, le soldat paniqua et retira son casque en vitesse pour comprimer et soigner sa gorge avant que son cerveau ne cesse d’être irrigué en sang. Ne lui laissant pas le temps d’agir, Pü attrapa la chevelure brune du Matis et lui asséna plusieurs violents coups de dague dans la gorge. Lorsque la tête du soldat se sépara finalement du reste de son corps, le décapité s’effondra sur la pique qui s’enfonça encore plus profondément dans la plaie sanguinolente de l’homin cloué au sol. Pü jeta un coup d’œil en arrière : le général serait bientôt là. Il rangea la dague maculée de sang, laissa tomber la tête de sa victime, et s’approcha du soldat gravement blessé qui, désormais coincé sous la lourde armure encore palpitante de son camarade, n’était plus capable d’extraire la pique pour soigner sa jambe. L’homin ôta son casque et se mit à gémir. Il devait avoir l’âge de Niï, soit environ dix ans de plus que lui.
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Le général eut beau protester, les deux soldats s’élancèrent à pleine vitesse en direction du Zoraï, qui ne semblait pas s’en inquiéter. Les dernières dizaines de mètres qui les séparaient furent englouties en quelques secondes. Mais se souvenant de la mort de leur première camarade, les Matis ne firent pas l’erreur de charger le jeune guerrier. Ils s’arrêtèrent avant d’arriver à son niveau, sautèrent de leur monture et s’avancèrent pour le prendre en tenaille. Au vu de leur comportement respectif, les deux Matis devaient être des soldats inexpérimentés. Aveuglés par la haine et le désir de vengeance, ils ne savaient pas encore qu’ils venaient de se jeter dans la gueule du gingo. Au loin, le général venait à peine d’atteindre son capryni pour rejoindre en urgence les deux imprudents. Seul contre deux, le jeune guerrier avait toutes ses chances. Il fallait donc qu’il en termine au plus vite avant que le seul militaire réellement expérimenté de l’escouade ne les rejoigne. Le Matis qui s’était positionné dans son dos tenait à deux mains une lourde épée d’ambre joliment ornementée, alors que celui qui lui faisait face était armé d’une longue pique couronnée d’ambre tressé. Pü aurait aimé lire sur son visage, mais l’imposant casque cornu qu’il portait l’en empêchait. Rapidement, les Matis se rapprochèrent. En toute logique, le soldat situé face à lui lancerait le premier assaut, laissant ainsi l’opportunité à celui positionné dans son dos d’utiliser un angle mort pour attaquer. C’est exactement ce qui se passa. Le piquier cria et perfora l’air d’un geste précis, espérant empaler le Zoraï d’un seul coup. Sans même bouger ses pieds, Pü envoya sa main droite au contact de la pique tout en pivotant et décalant son bassin du côté opposé. La protection de son avant-bras érafla bruyamment les multiples pointes aiguisées. Retournant brusquement son poignet, il attrapa le long manche de l’arme. Au lieu de repousser l’offensive, il encouragea le mouvement, et se servit de l’élan du Matis pour le déstabiliser tout en préservant l’impulsion de son assaut. Déviant légèrement la direction de l’attaque, et toujours sans décoller les pieds du sol, il courba son dos en arrière, et esquiva le coup horizontal que l’épéiste tenta de lui asséner. Il n’eut alors qu’à faire en sorte que la pique conserve sa vélocité pour que ses pointes mortelles transpercent la cuisse gauche du malheureux à l’épée, qui s’écroula sous le choc en hurlant. Emporté par le mouvement non contrôlé de son arme, l’assaillant manqua de tomber sur le blessé. Pü saisit l’opportunité et l’y aida. Dégainant sa dague de sa main libre alors que l’autre lâchait la pique fermement enfoncée dans la chair de son camarade, il fit un pas en arrière pour reprendre son équilibre et enfonça d’un coup précis sa lame dans la jointure cervicale du casque du piquier. Une longue gerbe de sang gicla lorsqu’il retira sa dague de la carotide de son adversaire. Comme il s’y attendait, le soldat paniqua et retira son casque en vitesse pour comprimer et soigner sa gorge à l’aide des pouvoirs de la Sève, et avant que son cerveau ne cesse d’être irrigué en sang. Ne lui laissant pas le temps d’agir, Pü attrapa la chevelure brune du Matis et lui asséna plusieurs violents coups de dague dans la gorge. Lorsque la tête du soldat se sépara finalement du reste de son corps, le décapité s’effondra sur la pique qui s’enfonça encore plus profondément dans la plaie sanguinolente de l’homin cloué au sol. Pü jeta un coup d’œil en arrière : le général serait bientôt là. Il rangea la dague maculée de sang, laissa tomber la tête de sa victime, et s’approcha du soldat gravement blessé qui, désormais coincé sous la lourde armure encore palpitante de son camarade, n’était plus capable d’extraire la pique pour soigner magiquement sa jambe. L’homin ôta son casque et se mit à gémir. Il devait avoir l’âge de Niï, soit environ dix ans de plus que .
  
 
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Версия 20:05, 15 марта 2022

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