Внутреннее тестирование Вики/XIV — различия между версиями
Материал из ЭнциклопАтис
Lanstiril (обсуждение | вклад) м |
Lanstiril (обсуждение | вклад) м |
||
Строка 14: | Строка 14: | ||
<center><span style="color:purple;font-weight:bold"><big><big>'''An 2475 de Jena'''</big></big></span></center> | <center><span style="color:purple;font-weight:bold"><big><big>'''An 2475 de Jena'''</big></big></span></center> | ||
{{Quotation|''Bélénor Nébius, narrateur''| | {{Quotation|''Bélénor Nébius, narrateur''| | ||
− | {{Paragraphes FR|Lorsque Bélénor ouvrit les paupières, il ne vit que les ténèbres. Où était-il ? Quel jour étions-nous ? Et pourquoi avait-il si mal au crâne ? Si son nez pris le privait d'odorat, le goût du sang tapissant son palais faisait grimacer le Fyros. Que lui était-il arrivé ? Crachant pour soulager ses voies respiratoires, il constata avec quelques secondes de latence que la glaire ensanglantée qu’il venait de rejeter s’était envolée droit vers le ciel obscur, salissant au passage les manches de sa combinaison. Car ses bras ballottaient étrangement au-dessus de sa tête. Reprenant peu à peu ses esprits, Bélénor regarda ses pieds. Ils étaient emmêlés dans un filet racinaire, par delà lequel une lumière brasillante semblait filtrer. Le Fyros se pencha plusieurs fois en avant pour le saisir, en vain. Le sol se refusait à lui. Il soupira et cracha une seconde fois. À nouveau, le glaire fila au-dessus de sa tête. Au-dessus, ou en dessous ? Alors, des souvenirs lui revinrent. Le regard terrifié de Melkiar, l’explosion, le choc contre la paroi de la crevasse, la chute. Transi d’horreur, le Fyros regarda derechef ses pieds emmêlés. Cette lumière brasillante, c’était celle de l’explosion. De la surface. À cette révélation, il fut pris d’un terrible vertige. Car il était effectivement suspendu par les pieds dans le vide. Si son premier réflexe fût de hurler longuement, Bélénor comprit aussitôt que cela ne lui serait d’aucune aide. Alors, il essaya d’attraper le filet racinaire, encore et encore, sans succès. S’il voulait remonter, il fallait qu’il se débarrasse de son barda. De toutes les précieuses provisions et fournitures qu’il contenait. Il n’avait pas le choix… Contraint, le Fyros saisit les sangles de son sac et les détacha précautionneusement. Et au moment où son lest tomba, l’une de ses jambes se décrocha. Hurlant une nouvelle fois, Bélénor réussit dans la panique à se redresser suffisamment pour attraper le filet des deux mains. Il n’eut alors qu'à canaliser la Sève qui l’irriguait pour forcer les minces racines à s’écarter légèrement, assez pour que sa petite carcasse puisse se frayer un passage jusqu’à la surface du maillage. | + | {{Paragraphes FR|Lorsque Bélénor ouvrit les paupières, il ne vit que les ténèbres. Où était-il ? Quel jour étions-nous ? Et pourquoi avait-il si mal au crâne ? Si son nez pris le privait d'odorat, le goût du sang tapissant son palais faisait grimacer le Fyros. Que lui était-il arrivé ? Crachant pour soulager ses voies respiratoires, il constata avec quelques secondes de latence que la glaire ensanglantée qu’il venait de rejeter s’était envolée droit vers le ciel obscur, salissant au passage les manches de sa combinaison. Car ses bras ballottaient étrangement au-dessus de sa tête. Reprenant peu à peu ses esprits, Bélénor regarda ses pieds. Ils étaient emmêlés dans un filet racinaire, par-delà lequel une lumière brasillante semblait filtrer. Le Fyros se pencha plusieurs fois en avant pour le saisir, en vain. Le sol se refusait à lui. Il soupira et cracha une seconde fois. À nouveau, le glaire fila au-dessus de sa tête. Au-dessus, ou en dessous ? Alors, des souvenirs lui revinrent. Le regard terrifié de Melkiar, l’explosion, le choc contre la paroi de la crevasse, la chute. Transi d’horreur, le Fyros regarda derechef ses pieds emmêlés. Cette lumière brasillante, c’était celle de l’explosion. De la surface. À cette révélation, il fut pris d’un terrible vertige. Car il était effectivement suspendu par les pieds dans le vide. Si son premier réflexe fût de hurler longuement, Bélénor comprit aussitôt que cela ne lui serait d’aucune aide. Alors, il essaya d’attraper le filet racinaire, encore et encore, sans succès. S’il voulait remonter, il fallait qu’il se débarrasse de son barda. De toutes les précieuses provisions et fournitures qu’il contenait. Il n’avait pas le choix… Contraint, le Fyros saisit les sangles de son sac et les détacha précautionneusement. Et au moment où son lest tomba, l’une de ses jambes se décrocha. Hurlant une nouvelle fois, Bélénor réussit dans la panique à se redresser suffisamment pour attraper le filet des deux mains. Il n’eut alors qu'à canaliser la Sève qui l’irriguait pour forcer les minces racines à s’écarter légèrement, assez pour que sa petite carcasse puisse se frayer un passage jusqu’à la surface du maillage. |
Le premier réflexe de Bélénor fut de vérifier si l’un de ses camarades avait été aussi chanceux que lui. Son cœur se glaça d’effroi lorsqu’il aperçut les quelques morceaux d’armure encore fumants qui l’entouraient. Alors qu’il vérifiait leur provenance, la terreur laissa aussitôt place au soulagement : toutes appartenaient aux Sauvages qui s’étaient fait sauter… Encore tremblant, le rescapé passa sa main droite sur la plaie qui balafrait son front, la referma d’un coup de doigt et leva la tête. À première vue, il devait se trouver à deux cent mètres sous la surface. Par chance, il avait été projeté par l’onde de choc, et avait chuté à flanc de paroi jusqu’aux terminaisons racinaires d’un arbre des profondeurs. En avait-il été de même pour ses camarades ? Bélénor déglutit et s’avança prudemment jusqu’à la limite du filet, à l’endroit où il pliait sous son poids. Désormais habitué à l’obscurité, il devinait la présence de lueurs au fond de la crevasse. La profondeur lui paraissait tout à fait démesurée. Il espérait donc, tout aussi profondément, que ses camarades étaient parvenus, eux, à s’agripper au bord de la crevasse… Puis, s’imaginant être l’unique survivant, le Fyros sentit le rythme de son cœur s’accélérer et ses larmes monter. Et alors que, désorienté, il reculait vers la paroi d'écorce, il trébucha à mi-distance : il s’était pris les pieds dans une étrange racine, qui lui enserrait dorénavant la cheville gauche. Cette même cheville tranchée par un Sauvage embusqué sur le pont racinaire, plus tôt dans la nuit. Cette même racine… constituée de cinq doigts. Alors Bélénor hurla et se débattit comme un fou. Et s’il crut entendre une voix, l’écho de ses cris la masqua totalement. La scène dura de longues secondes, durant lesquelles la main ne lâcha pas prise. | Le premier réflexe de Bélénor fut de vérifier si l’un de ses camarades avait été aussi chanceux que lui. Son cœur se glaça d’effroi lorsqu’il aperçut les quelques morceaux d’armure encore fumants qui l’entouraient. Alors qu’il vérifiait leur provenance, la terreur laissa aussitôt place au soulagement : toutes appartenaient aux Sauvages qui s’étaient fait sauter… Encore tremblant, le rescapé passa sa main droite sur la plaie qui balafrait son front, la referma d’un coup de doigt et leva la tête. À première vue, il devait se trouver à deux cent mètres sous la surface. Par chance, il avait été projeté par l’onde de choc, et avait chuté à flanc de paroi jusqu’aux terminaisons racinaires d’un arbre des profondeurs. En avait-il été de même pour ses camarades ? Bélénor déglutit et s’avança prudemment jusqu’à la limite du filet, à l’endroit où il pliait sous son poids. Désormais habitué à l’obscurité, il devinait la présence de lueurs au fond de la crevasse. La profondeur lui paraissait tout à fait démesurée. Il espérait donc, tout aussi profondément, que ses camarades étaient parvenus, eux, à s’agripper au bord de la crevasse… Puis, s’imaginant être l’unique survivant, le Fyros sentit le rythme de son cœur s’accélérer et ses larmes monter. Et alors que, désorienté, il reculait vers la paroi d'écorce, il trébucha à mi-distance : il s’était pris les pieds dans une étrange racine, qui lui enserrait dorénavant la cheville gauche. Cette même cheville tranchée par un Sauvage embusqué sur le pont racinaire, plus tôt dans la nuit. Cette même racine… constituée de cinq doigts. Alors Bélénor hurla et se débattit comme un fou. Et s’il crut entendre une voix, l’écho de ses cris la masqua totalement. La scène dura de longues secondes, durant lesquelles la main ne lâcha pas prise. | ||
Строка 70: | Строка 70: | ||
Pour toute réponse, le musculeux Fyros montra sa hache à Bélénor. Il ne résista cependant pas à l’ajout d’un commentaire. | Pour toute réponse, le musculeux Fyros montra sa hache à Bélénor. Il ne résista cependant pas à l’ajout d’un commentaire. | ||
− | « Pioche ou hache, même combat, Bélénor ! Je suis fils de mineur, aucun obstacle ne me fait peur. Et surtout pas quand il s’agit d’explorer les profondeurs de l'Écorce. On est pas Fyros pour rien, hein ?! » | + | « Pioche ou hache, même combat, Bélénor ! Je suis fils de mineur, aucun obstacle ne me fait peur. Et surtout pas quand il s’agit d’explorer les profondeurs de l'Écorce. On n'est pas Fyros pour rien, hein ?! » |
Et sans plus de formalité, le colosse assena un violent coup de hache au niveau de la craquelure. Un bloc d’écorce et un morceau de racine se séparèrent aussitôt de la paroi, élargissant un peu la faille. Tout sourire, Bélénor s’assit. Garius n’imaginait pas à quel point sa présence était réconfortante. | Et sans plus de formalité, le colosse assena un violent coup de hache au niveau de la craquelure. Un bloc d’écorce et un morceau de racine se séparèrent aussitôt de la paroi, élargissant un peu la faille. Tout sourire, Bélénor s’assit. Garius n’imaginait pas à quel point sa présence était réconfortante. | ||
Строка 80: | Строка 80: | ||
— Je ne vois que toi, Garius ! répondit sèchement Bélénor, excédé. Alors avance ! | — Je ne vois que toi, Garius ! répondit sèchement Bélénor, excédé. Alors avance ! | ||
− | — | + | — Waouh, c’est trop beau Bélénor ! Rrrah, je suis coincé… » |
[[file:Rotoa-L.jpg|right|400px|alt=Rotoai dans les Primes Racines|Rotoai dans les Primes Racines]] | [[file:Rotoa-L.jpg|right|400px|alt=Rotoai dans les Primes Racines|Rotoai dans les Primes Racines]] | ||
− | Garius se débattit, donna involontairement un coup de pied dans le nez de son ami, hurla un bon coup, et finit par s’extirper de la faille, moyennant l’arrachage de quelques fines racines. Trop vite, sûrement, puisque Bélénor le vit perdre l’équilibre et dévaler une courte pente. Si le Fyros accueillit sans surprise le juron que poussa alors son ami, son cœur s’emballa lorsque le bruit sourd d’un grand remous lui parvint aux oreilles. De l’eau ? Hâtivement, et avec bien plus d’aisance que Garius, Bélénor s’échappa de la faille. La beauté du panorama qui s’offrait à son regard le pétrifia de stupeur. Il venait de pénétrer dans une immense caverne dont les parois d’écorce et le plafond, situé à une cinquantaine de mètres du sol, étaient constellées de blocs d’ambre. Tantôt diaphanes, tantôt réfléchissant la lumière produite par les nombreuses lucioles et plantes bioluminescentes qui peuplaient les profondeurs, les cloisons iridescentes de ce décor merveilleux rappela à Bélénor certains sites de fouilles qu’il avait pu visiter lors de son passage à Coriolis. En revanche, jamais il n’avait vu de végétaux aussi beaux que la gigantesque rotoa qui trônait au centre du lac dans lequel Garius était tombé. Cette plante endémique des Primes Racines, tant célébrée pour sa beauté, devait mesurer dans les quinze mètres. Un spécimen impressionnant, qui aurait ravi les botanistes matis, dont chacun connaissait l’attrait pour les rotoai. En effet, la rotoa était une plante née de la fusion de racines de différents végétaux, dont l’un d’entre eux s’était spécialisé dans la reproduction de l’espèce chimérique, via la conception de fleurs aux teintes roses, mauves et blanches. Des fleurs qui, vu d’ici, devaient mesurer dans les six mètres de circonférence. | + | Garius se débattit, donna involontairement un coup de pied dans le nez de son ami, hurla un bon coup, et finit par s’extirper de la faille, moyennant l’arrachage de quelques fines racines. Trop vite, sûrement, puisque Bélénor le vit perdre l’équilibre et dévaler une courte pente. Si le Fyros accueillit sans surprise le juron que poussa alors son ami, son cœur s’emballa lorsque le bruit sourd d’un grand remous lui parvint aux oreilles. De l’eau ? Hâtivement, et avec bien plus d’aisance que Garius, Bélénor s’échappa de la faille. La beauté du panorama qui s’offrait à son regard le pétrifia de stupeur. Il venait de pénétrer dans une immense caverne dont les parois d’écorce et le plafond, situé à une cinquantaine de mètres du sol, étaient constellées de blocs d’ambre. Tantôt diaphanes, tantôt réfléchissant la lumière produite par les nombreuses lucioles et plantes bioluminescentes qui peuplaient les profondeurs, les cloisons iridescentes de ce décor merveilleux rappela à Bélénor certains sites de fouilles qu’il avait pu visiter lors de son passage à Coriolis. En revanche, jamais il n’avait vu de végétaux aussi beaux que la gigantesque rotoa qui trônait au centre du lac dans lequel Garius était tombé. Cette plante endémique des Primes Racines, tant célébrée pour sa beauté, devait mesurer dans les quinze mètres. Un spécimen impressionnant, qui aurait ravi les botanistes matis, dont chacun connaissait l’attrait pour les rotoai. En effet, la rotoa était une plante née de la fusion de racines de différents végétaux, dont l’un d’entre eux s’était spécialisé dans la reproduction de l’espèce chimérique, via la conception de fleurs aux teintes roses, mauves et blanches. Des fleurs qui, vu d’ici, devaient mesurer dans les six mètres de circonférence. Une plante magnifique donc, mais aussi un objet d’étude précieux pour les scientifiques d’Atys, pour qui la rotoa représentait l’incarnation de l’être symbiotique. |
« Bélénor, l’eau est si fraîche ! C’est fou de se dire qu’il fait si bon, alors qu'à seulement quelques kilomètres à l’est, les cavernes sont de véritables fournaises ! Allez, viens te baigner ! » | « Bélénor, l’eau est si fraîche ! C’est fou de se dire qu’il fait si bon, alors qu'à seulement quelques kilomètres à l’est, les cavernes sont de véritables fournaises ! Allez, viens te baigner ! » | ||
Строка 98: | Строка 98: | ||
Durant les heures qui suivirent, les deux Fyros explorèrent la succession de cavernes qui s’ouvraient à eux. Dès qu’ils le pouvaient, ils se dirigeaient vers l’ouest, et donc en direction de Fort Kronk. S’ils croisèrent quelques groupes de varinx embusqués, ils réussirent à se tenir éloignés des vorax. Le seul qu’ils virent – un énorme spécimen – piquait un somme sur l’îlot central d’un grand lac. Arrivant à l’extrémité d’une caverne qui ne semblait s’ouvrir sur aucune autre, tous deux se mirent à chercher un passage masqué par la végétation. Après quelques minutes d’investigation, Garius poussa un juron différent de ceux qu’on lui connaissait. À son intonation, Bélénor sut qu’il avait découvert quelque chose de notable. | Durant les heures qui suivirent, les deux Fyros explorèrent la succession de cavernes qui s’ouvraient à eux. Dès qu’ils le pouvaient, ils se dirigeaient vers l’ouest, et donc en direction de Fort Kronk. S’ils croisèrent quelques groupes de varinx embusqués, ils réussirent à se tenir éloignés des vorax. Le seul qu’ils virent – un énorme spécimen – piquait un somme sur l’îlot central d’un grand lac. Arrivant à l’extrémité d’une caverne qui ne semblait s’ouvrir sur aucune autre, tous deux se mirent à chercher un passage masqué par la végétation. Après quelques minutes d’investigation, Garius poussa un juron différent de ceux qu’on lui connaissait. À son intonation, Bélénor sut qu’il avait découvert quelque chose de notable. | ||
− | « Qu’est ce que tu as trouvé Garius ? » | + | « Qu’est-ce que tu as trouvé Garius ? » |
Debout face à la paroi qu’il venait de débroussailler, le colosse avait enfoncé sa tête dans une faille latérale. | Debout face à la paroi qu’il venait de débroussailler, le colosse avait enfoncé sa tête dans une faille latérale. | ||
Строка 128: | Строка 128: | ||
Malheureusement, la massue qui vint lui percuter le crâne ne lui laissa pas l’occasion de se présenter plus longuement. D’autant qu’elle frappa à l’endroit exact où sa tête avait heurté la paroi d’écorce, quelques heures plus tôt. Et avant même qu’il ne réussisse à infuser de la Sève au niveau de sa lésion, il s’effondra sur le corps de son ami. | Malheureusement, la massue qui vint lui percuter le crâne ne lui laissa pas l’occasion de se présenter plus longuement. D’autant qu’elle frappa à l’endroit exact où sa tête avait heurté la paroi d’écorce, quelques heures plus tôt. Et avant même qu’il ne réussisse à infuser de la Sève au niveau de sa lésion, il s’effondra sur le corps de son ami. | ||
{{Couillard}} | {{Couillard}} | ||
− | C’est entravé et bâillonné que Bélénor reprit connaissance. Face à lui, yeux grands ouverts et bouche muselée, Garius grogna. Il tentait probablement de lui dire quelque chose. Balayant rapidement l’espace du regard, le Fyros analysa la situation : tous deux étaient ligotés à une chaise de fortune et attablés devant une grosse souche d’arbre qui semblait avoir été placée là pour l’occasion. Car l’endroit dans lequel ils se trouvaient était étrangement vide. Il s’agissait d'une espèce de conduit circulaire d’une vingtaine de mètres de diamètre, dont les extrémités se perdaient dans l’obscurité. Rien à voir, donc, avec les cavernes regorgeant de vie qu’ils avaient | + | C’est entravé et bâillonné que Bélénor reprit connaissance. Face à lui, yeux grands ouverts et bouche muselée, Garius grogna. Il tentait probablement de lui dire quelque chose. Balayant rapidement l’espace du regard, le Fyros analysa la situation : tous deux étaient ligotés à une chaise de fortune et attablés devant une grosse souche d’arbre qui semblait avoir été placée là pour l’occasion. Car l’endroit dans lequel ils se trouvaient était étrangement vide. Il s’agissait d'une espèce de conduit circulaire d’une vingtaine de mètres de diamètre, dont les extrémités se perdaient dans l’obscurité. Rien à voir, donc, avec les cavernes regorgeant de vie qu’ils avaient parcourues plus tôt dans la nuit. Inspectant plus attentivement les parois, Bélénor eut un déclic : cet étrange conduit était une veine de sève asséchée. Une veine de sève qu’on avait vidée, nettoyée et transformée en un couloir de déplacement. Un couloir qui appartenait sans nul doute au réseau de galeries artificielles dont Melkiar leur avait parlé. Cela signifiait-il que les Sauvages hantaient toujours les sous-sols de la vallée de Fort Kronk, et ce malgré la victoire des Larmes du Dragon ? Probablement. Mais cela indiquait aussi qu’ils étaient proches de la surface, et donc de leurs alliés. Durant quelques minutes, Bélénor tenta de desserrer ses liens, en vain. Et puis, des bruits de bottes résonnèrent dans le conduit impénétrable. Des homins approchaient. Inquiet, le Fyros chercha du réconfort dans les yeux de Garius, qui lui fit clin d'œil. Au même moment, une grosse hache émergea de l’obscurité et se ficha dans la souche d’arbre. La hache de Garius. |
« Jolie hache. T’as tué combien des nôtres avec cette arme ? » | « Jolie hache. T’as tué combien des nôtres avec cette arme ? » | ||
Строка 156: | Строка 156: | ||
Décontenancé, Bélénor jeta un coup d'œil rapide à Garius. Donc, les Sauvages cherchaient Melkiar ? Il aurait dû s'en douter. Idéalement, il devait s’assurer qu’il soit sain et sauf sans révéler leur appartenance à l’escouade. Un mensonge impossible à défendre. Surtout maintenant qu’il s’était fait passer pour un ambassadeur chargé de mener des négociations entre les Sauvages et la tribu dirigée par le père de Melkiar… Alors que, toutefois, il ne désespérait pas de trouver rapidement une solution, Garius ne lui laissa pas l’opportunité de se creuser les méninges assez longtemps. | Décontenancé, Bélénor jeta un coup d'œil rapide à Garius. Donc, les Sauvages cherchaient Melkiar ? Il aurait dû s'en douter. Idéalement, il devait s’assurer qu’il soit sain et sauf sans révéler leur appartenance à l’escouade. Un mensonge impossible à défendre. Surtout maintenant qu’il s’était fait passer pour un ambassadeur chargé de mener des négociations entre les Sauvages et la tribu dirigée par le père de Melkiar… Alors que, toutefois, il ne désespérait pas de trouver rapidement une solution, Garius ne lui laissa pas l’opportunité de se creuser les méninges assez longtemps. | ||
− | « Si jamais t’as touché un seul | + | « Si jamais t’as touché un seul cheveu de Melkiar, je te… » |
Les coups de pied reprirent aussitôt. Bélénor, qui commençait à paniquer, ne réussit pas à contenir son émotion. | Les coups de pied reprirent aussitôt. Bélénor, qui commençait à paniquer, ne réussit pas à contenir son émotion. | ||
Строка 162: | Строка 162: | ||
« Arrêtez ! Et, Garius, laisse-moi parler ! Oui, nous faisons partie de l’escouade du fils de Tigriron. Notre mission était d’atteindre Fort Kronk afin de lancer les négociations avec votre tribu. Mais nous nous sommes fait attaquer par vos soldats sur un pont racinaire et… | « Arrêtez ! Et, Garius, laisse-moi parler ! Oui, nous faisons partie de l’escouade du fils de Tigriron. Notre mission était d’atteindre Fort Kronk afin de lancer les négociations avec votre tribu. Mais nous nous sommes fait attaquer par vos soldats sur un pont racinaire et… | ||
− | — Je sais ce qu'il s'est passé. Vous avez été chanceux que seule une partie du pont s’effondre. Moi, ce que je veux savoir, c’est où se trouve le fils de | + | — Je sais ce qu'il s'est passé. Vous avez été chanceux que seule une partie du pont s’effondre. Moi, ce que je veux savoir, c’est où se trouve le fils de Tigriron. On vous a vu descendre dans nos galeries. » |
À ces mots, le cœur de Bélénor se souleva. Une seule partie du pont s’était effondrée ? Donc, Melkiar et les autres avaient survécu ! Mieux encore : ils étaient partis à leur recherche en empruntant le réseau de veines asséchées. Ils pouvaient débarquer d’une minute à l’autre pour les libérer. En attendant, il devait gagner du temps. | À ces mots, le cœur de Bélénor se souleva. Une seule partie du pont s’était effondrée ? Donc, Melkiar et les autres avaient survécu ! Mieux encore : ils étaient partis à leur recherche en empruntant le réseau de veines asséchées. Ils pouvaient débarquer d’une minute à l’autre pour les libérer. En attendant, il devait gagner du temps. | ||
Строка 199: | Строка 199: | ||
— Vous ? Je croyais que c’était toi, l’otage précieux… Des mensonges. Encore des mensonges. Vous ne me prenez définitivement pas au sérieux. Maintenez-le bien ! lança-t-il d’un ton ferme à ses sbires en giflant le crâne de Garius. | — Vous ? Je croyais que c’était toi, l’otage précieux… Des mensonges. Encore des mensonges. Vous ne me prenez définitivement pas au sérieux. Maintenez-le bien ! lança-t-il d’un ton ferme à ses sbires en giflant le crâne de Garius. | ||
− | — Je vous en prie, qu’est ce que vous comptez faire ?! » | + | — Je vous en prie, qu’est-ce que vous comptez faire ?! » |
Pour toute réponse, le Sauvage arracha la hache de son socle et se mit à faire les cent pas, manifestement plongé dans ses réflexions. Plusieurs dizaines de secondes passèrent ainsi. Et puis, dans un murmure, Garius tenta de rassurer Bélénor. | Pour toute réponse, le Sauvage arracha la hache de son socle et se mit à faire les cent pas, manifestement plongé dans ses réflexions. Plusieurs dizaines de secondes passèrent ainsi. Et puis, dans un murmure, Garius tenta de rassurer Bélénor. | ||
Строка 250: | Строка 250: | ||
Deux des sbires s’avancèrent vers le Fyros, qui ne cherchait même plus à se débattre. Et tandis que celui de gauche s’apprêtait à bâillonner le prisonnier, il s’arrêta net. Quelque chose semblait avoir attiré son attention, derrière Bélénor, dans l’ombre. Ne comprenant pas ce qu’il voyait, le sbire jeta un coup d'œil à son camarade. Celui-ci venait d’entamer un lent mouvement de recul, paumes tournées vers le sol. | Deux des sbires s’avancèrent vers le Fyros, qui ne cherchait même plus à se débattre. Et tandis que celui de gauche s’apprêtait à bâillonner le prisonnier, il s’arrêta net. Quelque chose semblait avoir attiré son attention, derrière Bélénor, dans l’ombre. Ne comprenant pas ce qu’il voyait, le sbire jeta un coup d'œil à son camarade. Celui-ci venait d’entamer un lent mouvement de recul, paumes tournées vers le sol. | ||
− | « Qu’est ce que vous attendez ? Bâillonnez-le. | + | « Qu’est-ce que vous attendez ? Bâillonnez-le. |
— Chef… Il y a quelque chose, là. Vous ne les voyez pas ? Deux sphères… » | — Chef… Il y a quelque chose, là. Vous ne les voyez pas ? Deux sphères… » | ||
Строка 304: | Строка 304: | ||
Alors, toujours assis, le Fyros se retourna. À quelques mètres de lui, un Kami noir le fixait de ses grands yeux blancs et vides. D’une démarche pataude, la créature divine s’avança jusqu’à Bélénor, qui, se rappelant de la bouche monstrueuse qui avait dévoré le chef des Sauvages, entama un mouvement de recul. Pour autant, l’homin ne se découragea pas. | Alors, toujours assis, le Fyros se retourna. À quelques mètres de lui, un Kami noir le fixait de ses grands yeux blancs et vides. D’une démarche pataude, la créature divine s’avança jusqu’à Bélénor, qui, se rappelant de la bouche monstrueuse qui avait dévoré le chef des Sauvages, entama un mouvement de recul. Pour autant, l’homin ne se découragea pas. | ||
− | « Je… Je vous remercie d’être venu me sauver, ô puissant Kami. Mais je… Je ne peux pas m’empêcher de penser à mon ami… Pourquoi ? Pourquoi n’êtes vous pas intervenu | + | « Je… Je vous remercie d’être venu me sauver, ô puissant Kami. Mais je… Je ne peux pas m’empêcher de penser à mon ami… Pourquoi ? Pourquoi n’êtes-vous pas intervenu quelques minutes plus tôt ? » |
Le Kami, qui s’était arrêté au niveau du corps de Garius, porta à nouveau son regard sur Bélénor. Le rescapé écarquilla les yeux et déglutit. Car désormais, les yeux de la créature spirituelle étaient chargés de tristesse. Sans savoir pourquoi, Bélénor tendit un bras. Et alors, le Kami réagit d’une manière totalement inattendue : il appuya sa tête contre la main de l’homin et se frotta à elle, comme un animal l’aurait fait. Bélénor n’eut pas le temps d’apprécier la douceur fabuleuse de son pelage qu’une vision le traversa. Une vision à l’allure de souvenir. Lui, en train de caresser le masque d’un Zoraï. Un masque ferme, chaud et noir. Comme s’il venait de se brûler, le Fyros retira brusquement sa main, qu’il observa ensuite longuement. Et puis, Xynala tapota sur son épaule, le libérant des méandres de son esprit. | Le Kami, qui s’était arrêté au niveau du corps de Garius, porta à nouveau son regard sur Bélénor. Le rescapé écarquilla les yeux et déglutit. Car désormais, les yeux de la créature spirituelle étaient chargés de tristesse. Sans savoir pourquoi, Bélénor tendit un bras. Et alors, le Kami réagit d’une manière totalement inattendue : il appuya sa tête contre la main de l’homin et se frotta à elle, comme un animal l’aurait fait. Bélénor n’eut pas le temps d’apprécier la douceur fabuleuse de son pelage qu’une vision le traversa. Une vision à l’allure de souvenir. Lui, en train de caresser le masque d’un Zoraï. Un masque ferme, chaud et noir. Comme s’il venait de se brûler, le Fyros retira brusquement sa main, qu’il observa ensuite longuement. Et puis, Xynala tapota sur son épaule, le libérant des méandres de son esprit. | ||
Строка 314: | Строка 314: | ||
« Vous… Vous pouvez le ramener à la vie ? Vous êtes un Kami, vous disposez de pouvoirs incroyables ! Vous… Vous le pouvez, j’en suis certain ! » | « Vous… Vous pouvez le ramener à la vie ? Vous êtes un Kami, vous disposez de pouvoirs incroyables ! Vous… Vous le pouvez, j’en suis certain ! » | ||
− | Sans réagir aux paroles de l’homin, le Kami posa ses trois grandes griffes sur la lèvre supérieure du cadavre, dont deux au niveau des narines. Ce n’est que lorsqu’ils virent la tête de Garius bouger et le sang couler que les deux Fyros comprirent que les griffes du Kami était en train de s’allonger à l’intérieur du crâne de leur ami. Si Xynala fît un pas en avant, Bélénor lui attrapa le bras. Il devait savoir. Était-il capable de le ramener à la vie ? De longues et silencieuses secondes passèrent. Et puis, finalement, le Kami retira sa patte du visage de Garius. Ses longues griffes étaient couvertes de sang. Se tournant vers Bélénor, il tendit sa paume, dans laquelle gisait une petite boule de chair. Doucement, l’homin passa sa main au-dessus de l’étrange amas sanglant. Quelle était cette chose ? Et d’où venait cet imperceptible écho, qu’il arrivait à peine à discerner ? Malheureusement, une voix familière l’interpella et l'empêcha de se concentrer plus longuement sur l’étrange | + | Sans réagir aux paroles de l’homin, le Kami posa ses trois grandes griffes sur la lèvre supérieure du cadavre, dont deux au niveau des narines. Ce n’est que lorsqu’ils virent la tête de Garius bouger et le sang couler que les deux Fyros comprirent que les griffes du Kami était en train de s’allonger à l’intérieur du crâne de leur ami. Si Xynala fît un pas en avant, Bélénor lui attrapa le bras. Il devait savoir. Était-il capable de le ramener à la vie ? De longues et silencieuses secondes passèrent. Et puis, finalement, le Kami retira sa patte du visage de Garius. Ses longues griffes étaient couvertes de sang. Se tournant vers Bélénor, il tendit sa paume, dans laquelle gisait une petite boule de chair. Doucement, l’homin passa sa main au-dessus de l’étrange amas sanglant. Quelle était cette chose ? Et d’où venait cet imperceptible écho, qu’il arrivait à peine à discerner ? Malheureusement, une voix familière l’interpella et l'empêcha de se concentrer plus longuement sur l’étrange battement… |
« Bélénor, tu dois m’expliquer ce qui s’est passé. » | « Bélénor, tu dois m’expliquer ce qui s’est passé. » | ||
Строка 324: | Строка 324: | ||
Alors, instantanément, la griffe du Kami reprit sa couleur noire et l’air se déchargea de l’énergie qu’elle venait d’accumuler. La créature spirituelle, qui avait reporté son regard sur Bélénor, flotta jusqu’au sol. Elle flotta jusqu’au sol, puis s’y enfonça, lentement, comme si celui-ci n’avait aucune consistance. L’homin fixa longuement ses deux grands yeux blancs. Que venait-il de se passer ? Il ne comprenait pas. Et si réponse il y avait, elle ne viendrait pas du Kami. Car inexorablement, la créature se fondait dans l’écorce… Lorsque son petit poing disparut, vraisemblablement toujours serré autour de l'étrange globe de chair, Bélénor se questionna à nouveau sur la nature de son contenu. Il se demanda aussi ce que l’absence du Kami allait laisser au moment où ses deux grands yeux blancs s'évanouirent à leur tour. Reverrait-il un jour son sauveur ? Il ne pouvait pas en être certain. Pourtant, il ne ressentit nulle peine. Car la première émotion qui le submergea fût le soulagement. Oui : ils l’avaient échappé belle. | Alors, instantanément, la griffe du Kami reprit sa couleur noire et l’air se déchargea de l’énergie qu’elle venait d’accumuler. La créature spirituelle, qui avait reporté son regard sur Bélénor, flotta jusqu’au sol. Elle flotta jusqu’au sol, puis s’y enfonça, lentement, comme si celui-ci n’avait aucune consistance. L’homin fixa longuement ses deux grands yeux blancs. Que venait-il de se passer ? Il ne comprenait pas. Et si réponse il y avait, elle ne viendrait pas du Kami. Car inexorablement, la créature se fondait dans l’écorce… Lorsque son petit poing disparut, vraisemblablement toujours serré autour de l'étrange globe de chair, Bélénor se questionna à nouveau sur la nature de son contenu. Il se demanda aussi ce que l’absence du Kami allait laisser au moment où ses deux grands yeux blancs s'évanouirent à leur tour. Reverrait-il un jour son sauveur ? Il ne pouvait pas en être certain. Pourtant, il ne ressentit nulle peine. Car la première émotion qui le submergea fût le soulagement. Oui : ils l’avaient échappé belle. | ||
− | « Bé… Bélénor. Qu’est ce que ce Kami faisait là ? Il faut vraiment que tu m’expliques tout, s’il te plait. » | + | « Bé… Bélénor. Qu’est-ce que ce Kami faisait là ? Il faut vraiment que tu m’expliques tout, s’il te plait. » |
Lorsque le Fyros se retourna, comme hébété, Melkiar le regardait d’un air interdit. Il avait tant à lui raconter… Mais à nouveau, il n’eut pas le temps de lui répondre. Car derrière son ami, l’être qui comptait le plus pour lui venait de faire son apparition. | Lorsque le Fyros se retourna, comme hébété, Melkiar le regardait d’un air interdit. Il avait tant à lui raconter… Mais à nouveau, il n’eut pas le temps de lui répondre. Car derrière son ami, l’être qui comptait le plus pour lui venait de faire son apparition. |