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« Lavanche ! »
 
« Lavanche ! »
  
Bélénor fût tiré de ses pensées par le cris lointain de Brandille.
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Bélénor fût tiré de ses pensées par le cri lointain de Brandille.
  
 
« On grimpe ! » exhorta Melkiar.
 
« On grimpe ! » exhorta Melkiar.
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« Bélénor, accélère ! » hurla Xynala.
 
« Bélénor, accélère ! » hurla Xynala.
  
Le Fyros fût pris d’une peur panique lorsqu’il vit que la dune située en amont avait gonflé de plusieurs mètres cubes et était désormais en train de fondre dans leur direction. Si ses camarades étaient placés assez haut pour esquiver la vague de sciure brulante, lui devrait sans nul doute l’encaisser. Alors, Bélénor s’agrippa fermement à la racine, espérant n'en pas être arraché par à l’impact. C’était compter sans la force et la portée des bras de Garius, qui, suspendu par la cheville au bras de Xynala, réussit à saisir son camarade par les épaules, à l’écarter de la paroi d’écorce, et à le propulser au-dessus de lui. Varran et Melkiar attrapèrent Bélénor au moment où Garius se redressait, esquivant de peu le torrent de feu. Plaquant le Fyros contre la racine, le colosse appuya violemment sur ses mains et pieds, de telle sorte qu’il adhère à l’écorce.
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Le Fyros fût pris d’une peur panique lorsqu’il vit que la dune située en amont avait gonflé de plusieurs mètres cubes et était désormais en train de fondre dans leur direction. Si ses camarades étaient placés assez haut pour esquiver la vague de sciure brûlante, lui devrait sans nul doute l’encaisser. Alors, Bélénor s’agrippa fermement à la racine, espérant n'en pas être arraché par l’impact. C’était compter sans la force et la portée des bras de Garius, qui, suspendu par la cheville au bras de Xynala, réussit à saisir son camarade par les épaules, à l’écarter de la paroi d’écorce, et à le propulser au-dessus de lui. Varran et Melkiar attrapèrent Bélénor au moment où Garius se redressait, esquivant de peu le torrent de feu. Plaquant le Fyros contre la racine, le colosse appuya violemment sur ses mains et pieds, de telle sorte qu’il adhère à l’écorce.
  
 
« Bélénor, on t’aime bien, mais on ne va pas se tuer pour toi, d’accord ? Alors arrête de rêvasser, c’est vraiment pas le moment !
 
« Bélénor, on t’aime bien, mais on ne va pas se tuer pour toi, d’accord ? Alors arrête de rêvasser, c’est vraiment pas le moment !
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« Accalmie ! »
 
« Accalmie ! »
 
[[file:Botoga.jpg|right|400px|alt=Botoga|Botoga]]
 
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À nouveau, la voix de Brandille résonna. Et à nouveau, son présage était juste : le courant ascendant était en train de ralentir, et par conséquent, le rideau de sciure s’ouvrait vers l’horizon. Cherchant son amie du regard, Bélénor n’aperçut qu’un immense botoga, éclairé par la lueur nocturne de l’astre ambré. Situé à l’écart de toutes failles, l’arbre au tronc ventru et à la canopée en forme d’ombrelle feuillue, ne semblait pas être inquiété par les tempêtes de feu. Et si la couleur charbon de son écorce témoignait bien de luttes récurrentes et intenses, elle illustrait avant tout sa forte adaptation aux conditions extrêmes du milieu. S’attardant quelques secondes sur ses hautes branches au feuillage épais, qui ballottaient au gré du vent, Bélénor aperçut une irrégularité au centre de l’ombrelle végétale, sous les étoiles. Une petite forme gesticulante, dont les deux bras s’agitaient en cadence. Brandille. Le Fyros sourit derrière son masque, heureux de voir que son amie avait trouvé un perchoir frais et confortable, même si l’imaginer redescendre sans aide le tracassait. Car si lui était désormais suspendu à une dizaine de mètres du sol, l’arbre que Brandille avait escaladé devait mesurer dans les cinquante mètres. Ah, Brandille… Sans sa présence, le groupe aurait sans nul doute été amputé de la moitié de ses soldats. En effet, depuis leur départ de la plaine de Coriolis, la dernière région occidentale sous juridiction impériale, les événements étaient allés de mal en pis. Si le voyage avait été marqué par de nombreuses attaques des Sauvages, c’était avant tout les violents torrents d’air venu des Primes Racines, à l’origine de terribles tempêtes de feu, qui avaient mis le groupe en péril. Certes, le désert extrême-occidental était connu pour abriter des vents extrêmes et afficher des températures infernales. Mais Melkiar lui-même, qui était pourtant né dans une région voisine située plus au sud, avait été surpris par la violence des perturbations. Bélénor reliait ces phénomènes anormaux à la soudaine montée de température observée sous l’écorce, accentuant ainsi le différentiel de pression avec la surface. Brandille, qui entretenait une relation très particulière avec le vent, avait permis de trouver les meilleurs passages à travers les dunes et les crevasses, et avait réussi à prédire précisément chaque levée de tempêtes. À ce jour, tous les décès étaient liés à des fautes d’inattention ou à un manque de réactivité. C’est ainsi que le lieutenant Diocaneon Xydos, chargé de diriger l’escouade militaire jusqu’à Fort Kronk, avait disparu en chutant dans une faille alors que le groupe fuyait un troupeau de shalahs, ces pachydermes au lourd pelage jaune et hirsute, à la face recouvert de plaques de cuir boudinées, et aux deux longues et solides défenses. Si pris individuellement, ces animaux étaient relativement facile à abattre, un troupeau entier représentait un danger mortel. Bien que simple réserviste âgé de seulement vingt-cinq ans, Melkiar avait naturellement pris le commandement de la troupe. Aucun des militaires de l’escouade, même parmi les plus expérimentés, ne s'y était opposé : le jeune académicien s'était montré, depuis leur départ de Coriolis, comme le plus à même de l'exercer.
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À nouveau, la voix de Brandille résonna. Et à nouveau, son présage était juste : le courant ascendant était en train de ralentir, et par conséquent, le rideau de sciure s’ouvrait vers l’horizon. Cherchant son amie du regard, Bélénor n’aperçut qu’un immense botoga, éclairé par la lueur nocturne de l’astre ambré. Situé à l’écart de toutes failles, l’arbre au tronc ventru et à la canopée en forme d’ombrelle feuillue, ne semblait pas être inquiété par les tempêtes de feu. Et si la couleur charbon de son écorce témoignait bien de luttes récurrentes et intenses, elle illustrait avant tout sa forte adaptation aux conditions extrêmes du milieu. S’attardant quelques secondes sur ses hautes branches au feuillage épais, qui ballottaient au gré du vent, Bélénor aperçut une irrégularité au centre de l’ombrelle végétale, sous les étoiles. Une petite forme gesticulante, dont les deux bras s’agitaient en cadence. Brandille. Le Fyros sourit derrière son masque, heureux de voir que son amie avait trouvé un perchoir frais et confortable, même si l’imaginer redescendre sans aide le tracassait. Car si lui était désormais suspendu à une dizaine de mètres du sol, l’arbre que Brandille avait escaladé devait mesurer dans les cinquante mètres. Ah, Brandille… Sans sa présence, le groupe aurait sans nul doute été amputé de la moitié de ses soldats. En effet, depuis leur départ de la plaine de Coriolis, la dernière région occidentale sous juridiction impériale, les événements étaient allés de mal en pis. Si le voyage avait été marqué par de nombreuses attaques des Sauvages, c’était avant tout les violents torrents d’air venu des Primes Racines, à l’origine de terribles tempêtes de feu, qui avaient mis le groupe en péril. Certes, le désert extrême-occidental était connu pour abriter des vents extrêmes et afficher des températures infernales. Mais Melkiar lui-même, qui était pourtant né dans une région voisine située plus au sud, avait été surpris par la violence des perturbations. Bélénor reliait ces phénomènes anormaux à la soudaine montée de température observée sous l’écorce, accentuant ainsi le différentiel de pression avec la surface. Brandille, qui entretenait une relation très particulière avec le vent, avait permis de trouver les meilleurs passages à travers les dunes et les crevasses, et avait réussi à prédire précisément chaque levée de tempêtes. À ce jour, tous les décès étaient liés à des fautes d’inattention ou à un manque de réactivité. C’est ainsi que le lieutenant Diocaneon Xydos, chargé de diriger l’escouade militaire jusqu’à Fort Kronk, avait disparu en chutant dans une faille alors que le groupe fuyait un troupeau de shalahs, ces pachydermes au lourd pelage jaune et hirsute, à la face recouverte de plaques de cuir boudinées, et aux deux longues et solides défenses. Si pris individuellement, ces animaux étaient relativement faciles à abattre, un troupeau entier représentait un danger mortel. Bien que simple réserviste âgé de seulement vingt-cinq ans, Melkiar avait naturellement pris le commandement de la troupe. Aucun des militaires de l’escouade, même parmi les plus expérimentés, ne s'y était opposé : le jeune académicien s'était montré, depuis leur départ de Coriolis, comme le plus à même de l'exercer.
  
 
Suspendu à la racine, le groupe patienta une dizaine de minutes le temps que les dernières bourrasques cessent, puis se dirigea finalement vers le botoga de Brandille. L’acrobate, qui avait rejoint le pied de l’arbre immense sans difficulté, était en train de sucer un morceau d’écorce gorgée d’eau lorsque Bélénor l'aperçut à flanc de dune. Le Fyros dévala la pente poudreuse à toute vitesse, se précipita vers Brandille et l’attrapa par les aisselles. Son contact lui avait manqué. Quelques secondes plus tard, Melkiar arriva en bas de la dune, son masque respiratoire à la main. Bélénor retira le sien et sourit à son ami. Il n’était pas habitué à le voir aussi barbu. Lui-même ne s’était pas rasé depuis plusieurs jours, et portait désormais une épaisse toison acajou rappelant vaguement celle de son père. Croisant le regard de Bélénor, Brandille lui fit un clin d'œil puis caressa son fin duvet. Parfois, le Fyros avait l’impression que son amie était capable de lire dans ses pensées. Et puis, soudainement, Melkiar s’inclina bien bas devant ses deux camarades.
 
Suspendu à la racine, le groupe patienta une dizaine de minutes le temps que les dernières bourrasques cessent, puis se dirigea finalement vers le botoga de Brandille. L’acrobate, qui avait rejoint le pied de l’arbre immense sans difficulté, était en train de sucer un morceau d’écorce gorgée d’eau lorsque Bélénor l'aperçut à flanc de dune. Le Fyros dévala la pente poudreuse à toute vitesse, se précipita vers Brandille et l’attrapa par les aisselles. Son contact lui avait manqué. Quelques secondes plus tard, Melkiar arriva en bas de la dune, son masque respiratoire à la main. Bélénor retira le sien et sourit à son ami. Il n’était pas habitué à le voir aussi barbu. Lui-même ne s’était pas rasé depuis plusieurs jours, et portait désormais une épaisse toison acajou rappelant vaguement celle de son père. Croisant le regard de Bélénor, Brandille lui fit un clin d'œil puis caressa son fin duvet. Parfois, le Fyros avait l’impression que son amie était capable de lire dans ses pensées. Et puis, soudainement, Melkiar s’inclina bien bas devant ses deux camarades.
Строка 68: Строка 68:
 
— Je sais Melkiar, coupa Brandille, dont le regard s’était perdu à l’horizon. J'ai vu son corps s’enflammer, virer écarlate, puis s’envoler au loin… C’était d’ailleurs très beau, vu d’en haut, sous la lueur de l’astre ambré. Vous ressembliez à une branche d’arbre brandillant au vent. Une branche dont la racine qui vous servait d’ancre aurait été le tronc. Une branche dont Eurixus aurait été la feuille rougie par l'automne tombant de son arbre… »
 
— Je sais Melkiar, coupa Brandille, dont le regard s’était perdu à l’horizon. J'ai vu son corps s’enflammer, virer écarlate, puis s’envoler au loin… C’était d’ailleurs très beau, vu d’en haut, sous la lueur de l’astre ambré. Vous ressembliez à une branche d’arbre brandillant au vent. Une branche dont la racine qui vous servait d’ancre aurait été le tronc. Une branche dont Eurixus aurait été la feuille rougie par l'automne tombant de son arbre… »
  
À ces mots, les homins et les homines baissèrent la tête, se remémorant en souvenirs leur camarade disparu.
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À ces mots, les homins et les homines baissèrent la tête, se remémorant en souvenirs leur camarade disparu.
  
 
« Mais ne laissez pas la tristesse vous traverser, amis et ami-euh ! Et pleurez uniquement si vous souhaitez arroser ce merveilleux botoga, à qui nous devons aussi beaucoup. Car comme vous le savez, les feuilles ne tombent pas de leur arbre sans raison : elles deviennent les nutriments qui nourrissent les jeunes pousses que nous croiserons sur notre chemin, un jour prochain. Oui, aujourd’hui, Eurixus est devenu l’humus de demain. Alors souriez, et écoutez ce refrain ! »
 
« Mais ne laissez pas la tristesse vous traverser, amis et ami-euh ! Et pleurez uniquement si vous souhaitez arroser ce merveilleux botoga, à qui nous devons aussi beaucoup. Car comme vous le savez, les feuilles ne tombent pas de leur arbre sans raison : elles deviennent les nutriments qui nourrissent les jeunes pousses que nous croiserons sur notre chemin, un jour prochain. Oui, aujourd’hui, Eurixus est devenu l’humus de demain. Alors souriez, et écoutez ce refrain ! »
Строка 82: Строка 82:
 
— Tu as raison, pardon, répondit son ami en baissant la tête. Je crois vraiment que je suis à bout, je suis incapable de rester concentré plus de trente secondes.
 
— Tu as raison, pardon, répondit son ami en baissant la tête. Je crois vraiment que je suis à bout, je suis incapable de rester concentré plus de trente secondes.
  
— Ouais, je comprends. Moi aussi j’en peux plus. En fait, dans le Désert de Feu, on avait pas le choix. Le moindre écart pouvait nous tuer. Mais là, il fait beaucoup moins chaud. Alors on se dit que le pire est passé… Mais en vrai, tout ce putain de désert veut notre peau, feu ou pas. Alors faisons gaffe, ça peut aller très vite tu sais.
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— Ouais, je comprends. Moi aussi j’en peux plus. En fait, dans le Désert de Feu, on n'avait pas le choix. Le moindre écart pouvait nous tuer. Mais là, il fait beaucoup moins chaud. Alors on se dit que le pire est passé… Mais en vrai, tout ce putain de désert veut notre peau, feu ou pas. Alors faisons gaffe, ça peut aller très vite tu sais.
  
 
— Oui, je sais. Merci Garius. D’après toi, combien d’heures de marche nous reste-t-il ?
 
— Oui, je sais. Merci Garius. D’après toi, combien d’heures de marche nous reste-t-il ?
Строка 88: Строка 88:
 
— Deux. Trois peut-être ?
 
— Deux. Trois peut-être ?
  
— Encore trois heures donc… Dis moi, Garius, puis-je te demander un service ? »
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— Encore trois heures donc… Dis-moi, Garius, puis-je te demander un service ? »
 
L’imposant Fyros fronça les sourcils et Bélénor se retourna, le visage arborant d’un sourire espiègle.
 
L’imposant Fyros fronça les sourcils et Bélénor se retourna, le visage arborant d’un sourire espiègle.
  
Строка 105: Строка 105:
 
« Homins ! À l’ouest ! » hurla Tisse, qui surveillait les alentours depuis la zone sécurisée par Xynala.
 
« Homins ! À l’ouest ! » hurla Tisse, qui surveillait les alentours depuis la zone sécurisée par Xynala.
  
Et en effet, à quelques dizaines de mètres de la mêlée, à l’endroit où le pont racinaire permettait de rejoindre la plaine désertique menant à Fort Kronk, un peloton d’homins était en train de se former. Si Bélénor espéra qu’ils soient des renforts venus de Fort Kronk, il déchanta instantanément en reconnaissant le drapeau de la tribu ennemie. Désormais, les Sauvages survivants n’étaient plus les seuls à être encerclés. Malgré cet état de fait, Melkiar garda son sang froid et encouragea ses camarades.
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Et en effet, à quelques dizaines de mètres de la mêlée, à l’endroit où le pont racinaire permettait de rejoindre la plaine désertique menant à Fort Kronk, un peloton d’homins était en train de se former. Si Bélénor espéra qu’ils soient des renforts venus de Fort Kronk, il déchanta instantanément en reconnaissant le drapeau de la tribu ennemie. Désormais, les Sauvages survivants n’étaient plus les seuls à être encerclés. Malgré cet état de fait, Melkiar garda son sang-froid et encouragea ses camarades.
  
 
« Soldats, ne faiblissez pas ! Nous sommes mieux équipés et entraînés qu’eux. Aussi nombreux soient-ils, tant que vous suivrez ce que nous avons appris, rien ne nous arrivera ! »
 
« Soldats, ne faiblissez pas ! Nous sommes mieux équipés et entraînés qu’eux. Aussi nombreux soient-ils, tant que vous suivrez ce que nous avons appris, rien ne nous arrivera ! »

Версия 20:25, 24 марта 2022

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