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— Et les autres ? »
 
— Et les autres ? »
  
Varran jeta un regard à Bélénor qui haussa à son tour les épaules. Melkiar soupira. Tout juste rentré à Fyre quelques jours plus tôt, après une longue absence, le Fyros avait donné rendez-vous aux thermes à ses camarades. En effet, l’Armée impériale avait été envoyée loin à l’ouest du Désert afin de repousser les tribus fyrosses insoumises, et avait pour l'occasion fait appel à quelques réservistes qualifiés. Si l’Empire Fyros avait de tout temps dû coexister avec ces rebelles, ceux-ci s'étaient montrés particulièrement calmes ces deux dernières décennies. Mais il y a peu, la tribu des Sauvages avait réussi l’exploit d’assujettir plusieurs groupes rivaux, devenant ''de facto'' le principal ennemi de l’Empire à l'intérieur même de ses frontières. Voulant marquer le coup, et rappeler aux tribus insoumises sa puissance, l’Empereur Thesop décida d’envoyer ses troupes « discuter » avec les Sauvages. Melkiar étant issu de la tribu des Larmes du Dragon, la plus puissante tribu assujettie à l’Empire installée à l’ouest du Désert, mais aussi la plus grande rivale des Sauvages, on lui avait demandé de rejoindre l’expédition afin de jouer le rôle d’intermédiaire. Le jeune prodige accepta sans sourciller l’ordre impérial, qui était pour lui une occasion de revoir sa famille.
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Varran jeta un regard à Bélénor qui haussa à son tour les épaules. Melkiar soupira. Tout juste rentré à Fyre quelques jours plus tôt, après une longue absence, le Fyros avait donné rendez-vous aux thermes à ses camarades. En effet, l’Armée impériale avait été envoyée loin à l’ouest du Désert afin de repousser les tribus fyrosses insoumises, et avait pour l'occasion fait appel à quelques réservistes qualifiés. Si l’Empire Fyros avait de tout temps dû coexister avec ces rebelles, ceux-ci s'étaient montrés particulièrement calmes ces deux dernières décennies. Mais il y a peu, la tribu des Sauvages avait réussi l’exploit d’assujettir plusieurs groupes rivaux, devenant ''de facto'' le principal ennemi de l’Empire à l'intérieur même de ses frontières. Voulant marquer le coup, et rappeler aux tribus insoumises sa puissance, l’Empereur Thesop avait décidé d’envoyer ses troupes « discuter » avec les Sauvages. Melkiar étant issu de la tribu des Larmes du Dragon, la plus puissante tribu assujettie à l’Empire installée à l’ouest du Désert, mais aussi la plus grande rivale des Sauvages, on lui avait demandé de rejoindre l’expédition afin de jouer le rôle d’intermédiaire. Le jeune prodige avait accepté sans sourciller l’ordre impérial, qui était pour lui une occasion de revoir sa famille.
  
 
Sa famille… Bélénor, silencieux, fixait son ami, désormais debout et en pleine discussion avec Varran. Tous se connaissaient depuis quelques années déjà, et pourtant, Melkiar s’était toujours montré particulièrement secret. Hormis que son père, le célèbre Tigriron, était le chef des Larmes du Dragon, Bélénor ne savait pas grande chose de sa famille. Certes, son ami avait déjà fait allusion à des frères et sœurs. Pour autant, il ne les avait jamais nommés. Il gardait simplement le vague souvenir de la fois où, un peu trop alcoolisé, Melkiar avait mentionné l’existence d’une amie d’enfance originaire de sa tribu, à laquelle il tenait particulièrement. Et s’il avait donné son nom à ses amis, Bélénor l’avait oublié… Un seul nom, donc… De toute évidence, le Fyros n’aimait pas discuter de son enfance, et bien souvent, Bélénor supposa que son silence cachait quelque chose. Durant quelques secondes, il se demanda s’il était avisé de profiter des récentes retrouvailles familiales de Melkiar pour lui poser quelques questions. Mais au même moment, la voix de Tisse Apoan retentit dans les vestiaires adjacents.
 
Sa famille… Bélénor, silencieux, fixait son ami, désormais debout et en pleine discussion avec Varran. Tous se connaissaient depuis quelques années déjà, et pourtant, Melkiar s’était toujours montré particulièrement secret. Hormis que son père, le célèbre Tigriron, était le chef des Larmes du Dragon, Bélénor ne savait pas grande chose de sa famille. Certes, son ami avait déjà fait allusion à des frères et sœurs. Pour autant, il ne les avait jamais nommés. Il gardait simplement le vague souvenir de la fois où, un peu trop alcoolisé, Melkiar avait mentionné l’existence d’une amie d’enfance originaire de sa tribu, à laquelle il tenait particulièrement. Et s’il avait donné son nom à ses amis, Bélénor l’avait oublié… Un seul nom, donc… De toute évidence, le Fyros n’aimait pas discuter de son enfance, et bien souvent, Bélénor supposa que son silence cachait quelque chose. Durant quelques secondes, il se demanda s’il était avisé de profiter des récentes retrouvailles familiales de Melkiar pour lui poser quelques questions. Mais au même moment, la voix de Tisse Apoan retentit dans les vestiaires adjacents.
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« Melkiar ! »
 
« Melkiar ! »
  
La rouquine, dans le plus simple appareil, arriva en trombe dans la salle, sauta bras en avant par-dessus Varran et attrapa les épaules de Melkiar au vol. Tous deux chutèrent bruyamment dans l’eau et faillirent noyer un Bélénor perdu dans ses pensées. Les poumons pleins d’eau, le Fyros se retourna et attrapa les bords du bassin, bien décidé à éviter la prochaine vague. Mais au même moment, le plafond s’obscurcit. Son cœur s’arrêta lorsqu’il aperçut Garius, les jambes recroquevillées contre son torse, en lévitation au-dessus de l'eau. Le raz de marée qui suivit fût terrible et vida une bonne partie du bassin. Si des rires fusèrent, Melkiar, de retour sur son îlot, tenta de garder sa contenance.
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La rouquine, dans le plus simple appareil, arriva en trombe dans la salle, sauta bras en avant par-dessus Varran et attrapa les épaules de Melkiar au vol. Tous deux chutèrent bruyamment dans l’eau et faillirent noyer un Bélénor perdu dans ses pensées. Les poumons pleins d’eau, le Fyros se retourna et attrapa les bords du bassin, bien décidé à éviter la prochaine vague. Mais au même moment, le plafond s’obscurcit. Son cœur s’arrêta lorsqu’il aperçut Garius, les jambes recroquevillées contre son torse, en lévitation au-dessus de l'eau. Le raz de marée qui suivit fut terrible et vida une bonne partie du bassin. Si des rires fusèrent, Melkiar, de retour sur son îlot, tenta de garder sa contenance.
  
 
« Vous êtes vraiment des enfants. Vous savez à quel point il est irresponsable de gâcher de l’eau, dit-il en essayant de ne pas sourire.
 
« Vous êtes vraiment des enfants. Vous savez à quel point il est irresponsable de gâcher de l’eau, dit-il en essayant de ne pas sourire.
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Toutes et tous sursautèrent au cri du cœur poussé par Bélénor. Le Fyros regarda ses camarades d’un air hébété, puis rougit.
 
Toutes et tous sursautèrent au cri du cœur poussé par Bélénor. Le Fyros regarda ses camarades d’un air hébété, puis rougit.
  
« Pa… Pardon, je… Je ne sais pas ce qui m’a pris. »
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« Pa… Pardon, je… je ne sais pas ce qui m’a pris. »
  
 
Melkiar sourit et sauta dans le bassin à moitié vidé. Il se rapprocha de Bélénor, le serra dans ses bras et lui donna une petite tape amicale dans le dos.
 
Melkiar sourit et sauta dans le bassin à moitié vidé. Il se rapprocha de Bélénor, le serra dans ses bras et lui donna une petite tape amicale dans le dos.
Строка 86: Строка 86:
 
« Le sharükos Thesop s’est fait assassiner ! »
 
« Le sharükos Thesop s’est fait assassiner ! »
  
Ainsi, ce ne fût plus seulement Bélénor qui poussa un cri du cœur, mais toute la bande.
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Ainsi, ce ne fut plus seulement Bélénor qui poussa un cri du cœur, mais toute la bande.
 
{{Couillard}}
 
{{Couillard}}
 
Et effectivement, l’Empereur Thesop s’était fait assassiner. Bien que le meurtre ait eu lieu à l’Agora en pleine séance publique, personne ne réussit à se saisir de l’assassin. Nul des présents n'avait su non plus expliquer comment cette personne vêtue de noir était parvenue à passer sans encombre la garde impériale pour trancher la tête du sharükos. Pourtant, pour beaucoup, il ne fallait pas chercher bien loin : tout le monde souhaitait la mort de Thesop. Depuis longtemps déjà, beaucoup suspectaient que le duel héroïque qui avait opposé Thesop le Bâtisseur au tyrannique Empereur Pyto, quarante-deux ans auparavant, n’était qu’une fable. Une propagande visant à cacher que Thesop avait en réalité tué son frère, et peut-être même leur père. Le plus surprenant dans cette histoire restait donc la longueur du règne du tyran. Comment Thesop avait-il pu se maintenir au pouvoir si longtemps, malgré les rumeurs et le sens de la justice exacerbé des Fyros ? Là résidait le principal mystère. Un mystère non résolu qui n'empêcha pas les citoyens de Fyre de jeter la dépouille de Thesop aux gingos. Dans la foulée, son nom fut effacé du Sanctuaire. Ainsi donc s’achevait le règne de Thesop le Fratricide, fils cadet d’Abylus l’Érudit et onzième sharükos du peuple fyros. Thesop n’ayant pas eu de descendance, la couronne revenait à Krospas, le fils unique de Pyto. Âgé de dix ans lorsque son père mourut, Krospas avait passé son existence auprès de son oncle, qui ne voyait en lui qu’un outil de propagande. Aujourd’hui âgé de cinquante ans, l’Empereur légitime allait donc pouvoir reprendre son dû. En attendant son couronnement, qui n’aurait pas lieu avant plusieurs jours, les généraux de l’armée décrétèrent une grande fête nationale. Et quelques heures plus tard, la liqueur de shooki coulait déjà à flots dans les rues de Fyre.
 
Et effectivement, l’Empereur Thesop s’était fait assassiner. Bien que le meurtre ait eu lieu à l’Agora en pleine séance publique, personne ne réussit à se saisir de l’assassin. Nul des présents n'avait su non plus expliquer comment cette personne vêtue de noir était parvenue à passer sans encombre la garde impériale pour trancher la tête du sharükos. Pourtant, pour beaucoup, il ne fallait pas chercher bien loin : tout le monde souhaitait la mort de Thesop. Depuis longtemps déjà, beaucoup suspectaient que le duel héroïque qui avait opposé Thesop le Bâtisseur au tyrannique Empereur Pyto, quarante-deux ans auparavant, n’était qu’une fable. Une propagande visant à cacher que Thesop avait en réalité tué son frère, et peut-être même leur père. Le plus surprenant dans cette histoire restait donc la longueur du règne du tyran. Comment Thesop avait-il pu se maintenir au pouvoir si longtemps, malgré les rumeurs et le sens de la justice exacerbé des Fyros ? Là résidait le principal mystère. Un mystère non résolu qui n'empêcha pas les citoyens de Fyre de jeter la dépouille de Thesop aux gingos. Dans la foulée, son nom fut effacé du Sanctuaire. Ainsi donc s’achevait le règne de Thesop le Fratricide, fils cadet d’Abylus l’Érudit et onzième sharükos du peuple fyros. Thesop n’ayant pas eu de descendance, la couronne revenait à Krospas, le fils unique de Pyto. Âgé de dix ans lorsque son père mourut, Krospas avait passé son existence auprès de son oncle, qui ne voyait en lui qu’un outil de propagande. Aujourd’hui âgé de cinquante ans, l’Empereur légitime allait donc pouvoir reprendre son dû. En attendant son couronnement, qui n’aurait pas lieu avant plusieurs jours, les généraux de l’armée décrétèrent une grande fête nationale. Et quelques heures plus tard, la liqueur de shooki coulait déjà à flots dans les rues de Fyre.
Строка 150: Строка 150:
 
« Melkiar, tu ne peux pas comparer la Karavan aux Kamis ! Les Kamis font partie intégrante d’Atys, ils en sont les gardiens. La Karavan, à l’inverse, veut s’approprier Atys.
 
« Melkiar, tu ne peux pas comparer la Karavan aux Kamis ! Les Kamis font partie intégrante d’Atys, ils en sont les gardiens. La Karavan, à l’inverse, veut s’approprier Atys.
  
— S’ils sont si différents, alors pourquoi les uns comme les autres se disent-ils envoyés de Jena ? Je sais que tu t’es épris des Kamis, Bélénor, mais rends toi à l’évidence : les « Puissances » ne sont que les deux faces d’une même pièce.
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— S’ils sont si différents, alors pourquoi les uns comme les autres se disent-ils envoyés de Jena ? Je sais que tu t’es épris des Kamis, Bélénor, mais rends-toi à l’évidence : les « Puissances » ne sont que les deux faces d’une même pièce.
  
 
— C’est faux Melkiar. Certains érudits s’accordent à dire que la Karavan est étrangère à Atys, et que…
 
— C’est faux Melkiar. Certains érudits s’accordent à dire que la Karavan est étrangère à Atys, et que…
Строка 171: Строка 171:
  
 
« Bonjour, et désolés de vous déranger. Nous ne sommes pas habitués à croiser des Zoraïs, ici à Fyre. Nous étions donc curieux de vous rencontrer. Auriez-vous du temps à nous accorder ? »
 
« Bonjour, et désolés de vous déranger. Nous ne sommes pas habitués à croiser des Zoraïs, ici à Fyre. Nous étions donc curieux de vous rencontrer. Auriez-vous du temps à nous accorder ? »
La Zoraï baissa sa tête en direction des deux jeunes et pencha son masque sur le côté. Face à elle, et bien qu’elle fût assise, Brandille semblait minuscule. Si la Zoraï devait dépasser le mètre quatre-vingt-cinq, Brandille ne mesurait qu’un mètre cinquante, la taille moyenne du peuple Tryker. Bélénor grimaça, certain que son amie avait été trop brusque. Son incapacité à lire les expressions faciales de son interlocutrice au visage osseux ne faisait d’ailleurs qu’accentuer son angoisse. Mais contre toute attente, la Zoraï retira la paille de la fente labiale de son masque et répondit en un fyrk très compréhensible.
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La Zoraï baissa la tête en direction des deux jeunes et pencha son masque sur le côté. Du haut de son mètre quarante, Brandille semblait minuscule face au mètre quatre-vingt-dix de l’étrangère. Bélénor grimaça, certain que son amie avait été trop brusque. Son incapacité à lire les expressions faciales de son interlocutrice au visage osseux ne faisait d’ailleurs qu’accentuer son angoisse. Mais contre toute attente, la Zoraï retira la paille de la fente labiale de son masque et répondit en matéis.
  
 
« Bonjour. Les Fyros et les Trykers sont définitivement bien curieux. Que puis-je faire pour vous ? »
 
« Bonjour. Les Fyros et les Trykers sont définitivement bien curieux. Que puis-je faire pour vous ? »
Строка 179: Строка 180:
 
« Merci beaucoup ! Voyez-vous, mon ami ici présent est en train de finir l’écriture d’une histoire mettant en scène des Zoraïs. Pourtant, il n’a jamais rencontré l’un ou l'une des vôtres. J’imaginais que vous pourriez l’aider à rendre son récit plus crédible. Mais vous êtes certainement très occupée ! D’ailleurs, que faites-vous à Fyre ?
 
« Merci beaucoup ! Voyez-vous, mon ami ici présent est en train de finir l’écriture d’une histoire mettant en scène des Zoraïs. Pourtant, il n’a jamais rencontré l’un ou l'une des vôtres. J’imaginais que vous pourriez l’aider à rendre son récit plus crédible. Mais vous êtes certainement très occupée ! D’ailleurs, que faites-vous à Fyre ?
  
— Je suis en mission commerciale, répondit la Zoraï en rangeant sa paille dans la petite sacoche qui flanquait sa cuisse gauche. J'achète des matières premières nécessaires à la fabrication de bijoux protégeant de la magie. Je suis notamment à la recherche de sabots appartenant à ces rendors particulièrement rares, que l’on dit se cacher dans vos régions désertiques… Mais l’assassinat du sharükos change beaucoup de choses, et malheureusement, je vais devoir repartir d’ici peu. Un récit sur mon peuple, donc ? Intéressant. Je t’écoute, jeune Fyros. Quelles questions souhaites-tu me poser ? »
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— Je suis en mission commerciale, répondit la Zoraï en rangeant sa paille dans la petite sacoche qui flanquait sa cuisse gauche. J'achète des matières premières nécessaires à la fabrication de bijoux protégeant de la magie. Je suis notamment à la recherche de sabots appartenant à ces rendors particulièrement rares, que l’on dit se cacher dans vos régions désertiques… Mais l’assassinat du sharükos change beaucoup de choses, et malheureusement, je vais devoir repartir d’ici peu. Un récit sur mon peuple, donc ? Intéressant. Je vous écoute, jeune Fyros. Quelles questions souhaitez-vous me poser ? »
  
 
Fidèle à lui-même, Bélénor rougit. Il était fasciné par le masque de son interlocutrice, qui semblait doté d’une légère flexibilité au niveau de la mâchoire.
 
Fidèle à lui-même, Bélénor rougit. Il était fasciné par le masque de son interlocutrice, qui semblait doté d’une légère flexibilité au niveau de la mâchoire.
Строка 185: Строка 186:
 
« M… Merci de nous accorder un peu de votre temps. À vrai dire, je n’ai pas de questions précises. Je n’avais pas prévu de rencontrer un membre de votre peuple aujourd’hui… Je… Je suis assez pris au dépourvu.
 
« M… Merci de nous accorder un peu de votre temps. À vrai dire, je n’ai pas de questions précises. Je n’avais pas prévu de rencontrer un membre de votre peuple aujourd’hui… Je… Je suis assez pris au dépourvu.
  
— Alors parles-moi de l’histoire que tu écris, répondit calmement la Zoraï. Et je te dirai ce qu’elle m’inspire.
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— Alors parlez-moi de l’histoire que vous écrivez, répondit calmement la Zorai. Et je vous dirai ce qu’elle m’inspire.
  
 
— Ah… Heu… D’accord. C’est l’histoire d’un Zoraï originaire d’une tribu adoratrice des Kamis, mais réfutant l’idée que Jena soit le Kami Suprême. Une tribu farouchement opposée à la Karavan, qui décide un jour de lancer une grande expédition afin de prêcher la bonne parole et combattre les suppôts de la Karavan. C’est ce qu’ils appellent la « Guerre Sacrée ».
 
— Ah… Heu… D’accord. C’est l’histoire d’un Zoraï originaire d’une tribu adoratrice des Kamis, mais réfutant l’idée que Jena soit le Kami Suprême. Une tribu farouchement opposée à la Karavan, qui décide un jour de lancer une grande expédition afin de prêcher la bonne parole et combattre les suppôts de la Karavan. C’est ce qu’ils appellent la « Guerre Sacrée ».
Строка 193: Строка 194:
 
— Le… Le Kami Suprême serait Atys elle-même. Ou plutôt son cœur. Je me suis inspiré d’un rêve que j’ai fait, où chaque Kami était en réalité le fragment d’une entité gigantesque terrée au centre d’Atys. Jena serait… une usurpatrice.
 
— Le… Le Kami Suprême serait Atys elle-même. Ou plutôt son cœur. Je me suis inspiré d’un rêve que j’ai fait, où chaque Kami était en réalité le fragment d’une entité gigantesque terrée au centre d’Atys. Jena serait… une usurpatrice.
  
— Une vision intéressante, quoique très hérétique. Heureusement pour toi, les Sages de Zoran se situent bien loin de Fyre. Je te répondrai simplement qu’il existe dans la Jungle quelques tribus aux croyances païennes, comme cela est probablement le cas dans le Désert. En ça, ton invention est cohérente. »
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— Une vision intéressante, quoique très hérétique. Heureusement pour vous, les Sages de Zoran se situent bien loin de Fyre. Je vous répondrai simplement qu’il existe dans la Jungle quelques tribus aux croyances païennes, comme cela est probablement le cas dans le Désert. En ça, votre invention est cohérente. »
  
 
Le visage de Bélénor s’illumina. Ce simple commentaire revêtait pour lui une grande importance. La Zoraï continua.
 
Le visage de Bélénor s’illumina. Ce simple commentaire revêtait pour lui une grande importance. La Zoraï continua.
  
« Je présume que la tribu que tu as imaginée possède des particularités culturelles, en lien avec cette croyance hérétique ?
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« Je présume que la tribu que vous avez imaginée possède des particularités culturelles, en lien avec cette croyance hérétique ?
  
 
— Oui, tout à fait ! répondit Bélénor, désormais très enthousiaste. J’ai essayé de respecter au mieux ce que je savais de la culture de votre peuple, tout en inventant certaines choses. Par exemple, je sais que les Zoraï peignent parfois leurs masques. J’ai imaginé que cette tribu n’utilisait pas de peinture, mais des tatouages.
 
— Oui, tout à fait ! répondit Bélénor, désormais très enthousiaste. J’ai essayé de respecter au mieux ce que je savais de la culture de votre peuple, tout en inventant certaines choses. Par exemple, je sais que les Zoraï peignent parfois leurs masques. J’ai imaginé que cette tribu n’utilisait pas de peinture, mais des tatouages.
Строка 209: Строка 210:
 
« Hé ! Mais ça ne va pas ?! Qu’est-ce qui vous prend ? Je…
 
« Hé ! Mais ça ne va pas ?! Qu’est-ce qui vous prend ? Je…
  
— Non Brandille. C’est bon. Laisse-, s’il te plaît », l’interrompit Bélénor en lui attrapant la main.
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— Non Brandille. C’est bon. Laisse-la, s’il te plaît », l’interrompit Bélénor en lui attrapant la main.
  
 
L’équilibriste, qui s’apprêtait à renchérir, jeta un coup d'œil à son ami. Il était livide. Si Bélénor comprenait la colère de Brandille, lui seul avait pu apercevoir le regard de la Zoraï derrière les interstices de son masque. Alors qu’il faisait mention du Masque Noir, ses yeux s’étaient remplis de peur. Et s’il ne comprenait pas le pourquoi d’une telle réaction, sa plus grande interrogation n’était pas là. Car à cet instant précis, la main serrée autour du poignet de Brandille, Bélénor désirait une seule et unique chose : ne pas se confronter davantage à son interlocutrice. Il était pris d’un désir inhabituel et dérangeant. Celui de ne pas vouloir en savoir plus. Celui d’oublier, à tout jamais, cet étrange et angoissant moment, et tout son potentiel de signification. Par chance, ses camarades lui donnèrent l’occasion de passer à autre chose : Xynala venait de se lever brusquement, renversant au passage les pintes que Bélénor et Brandille avaient oubliées, et s’était précipitée vers la sortie tête baissée. Autour de la table, seuls Varran et Garius semblaient se préoccuper du départ brutal de leur amie. Melkiar et Tisse, quant à eux, étaient trop occupés à s’embrasser. Sans attendre, Bélénor s’élança en direction de la porte. Il était suivi de près par Brandille et par l’ombre de ses doutes.
 
L’équilibriste, qui s’apprêtait à renchérir, jeta un coup d'œil à son ami. Il était livide. Si Bélénor comprenait la colère de Brandille, lui seul avait pu apercevoir le regard de la Zoraï derrière les interstices de son masque. Alors qu’il faisait mention du Masque Noir, ses yeux s’étaient remplis de peur. Et s’il ne comprenait pas le pourquoi d’une telle réaction, sa plus grande interrogation n’était pas là. Car à cet instant précis, la main serrée autour du poignet de Brandille, Bélénor désirait une seule et unique chose : ne pas se confronter davantage à son interlocutrice. Il était pris d’un désir inhabituel et dérangeant. Celui de ne pas vouloir en savoir plus. Celui d’oublier, à tout jamais, cet étrange et angoissant moment, et tout son potentiel de signification. Par chance, ses camarades lui donnèrent l’occasion de passer à autre chose : Xynala venait de se lever brusquement, renversant au passage les pintes que Bélénor et Brandille avaient oubliées, et s’était précipitée vers la sortie tête baissée. Autour de la table, seuls Varran et Garius semblaient se préoccuper du départ brutal de leur amie. Melkiar et Tisse, quant à eux, étaient trop occupés à s’embrasser. Sans attendre, Bélénor s’élança en direction de la porte. Il était suivi de près par Brandille et par l’ombre de ses doutes.
Строка 215: Строка 216:
 
Malgré la densité de la foule, Bélénor réussit à ne pas perdre de vue Xynala. Pour autant, il dut attendre qu’ils s’éloignent des lieux de vie pour parvenir à la rattraper. Lorsqu’il arriva finalement à son niveau, à l’intersection d’une petite ruelle calme et isolée, Xynala se retourna instantanément et se jeta dans ses bras. Elle était en pleurs. À l’écart, Brandille s’assit sur un banc creusé dans une paroi d’écorce et observa ses deux amis.
 
Malgré la densité de la foule, Bélénor réussit à ne pas perdre de vue Xynala. Pour autant, il dut attendre qu’ils s’éloignent des lieux de vie pour parvenir à la rattraper. Lorsqu’il arriva finalement à son niveau, à l’intersection d’une petite ruelle calme et isolée, Xynala se retourna instantanément et se jeta dans ses bras. Elle était en pleurs. À l’écart, Brandille s’assit sur un banc creusé dans une paroi d’écorce et observa ses deux amis.
  
« Bé… Bélénor… comment fais-tu ? Tu… Tu sembles si serein… Alors que moi… Moi, je n’y arrive plus. Je pensais que ces quelques mois d’absence me permettraient de changer ma manière de le regarder, mais… mais non. C’est même l’inverse, je… je l’aime plus que jamais. Et puis Tisse… Je… Je déteste ressentir toute cette animosité, cette… cette jalousie. J'aimerais tellement passer à autre chose Bélénor. Et j’ai si peur de ne jamais y réussir… Aide-moi, je t’en prie ! »
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« Bé… Bélénor… comment fais-tu ? Tu… Tu sembles si serein… Alors que moi… moi, je n’y arrive plus. Je pensais que ces quelques mois d’absence me permettraient de changer ma manière de le regarder, mais… mais non. C’est même l’inverse, je… je l’aime plus que jamais. Et puis Tisse… Je… Je déteste ressentir toute cette animosité, cette… cette jalousie. J'aimerais tellement passer à autre chose Bélénor. Et j’ai si peur de ne jamais y réussir… Aide-moi, je t’en prie ! »
  
 
Bélénor serra fort Xynala contre lui. Il pouvait sentir le contour de ses muscles au travers de ses vêtements. Il n’aurait jamais cru voir un jour son amie dans un tel état de détresse. Elle qui était d’ordinaire si forte. Si déterminée. Si combative. Une bouffée d’émotion le submergea et il sentit les larmes monter. Non. Il ne devait pas laisser ses émotions prendre le dessus. Pas maintenant. Ce n’est pas de ça dont Xynala avait besoin.
 
Bélénor serra fort Xynala contre lui. Il pouvait sentir le contour de ses muscles au travers de ses vêtements. Il n’aurait jamais cru voir un jour son amie dans un tel état de détresse. Elle qui était d’ordinaire si forte. Si déterminée. Si combative. Une bouffée d’émotion le submergea et il sentit les larmes monter. Non. Il ne devait pas laisser ses émotions prendre le dessus. Pas maintenant. Ce n’est pas de ça dont Xynala avait besoin.
  
« Je comprends totalement ce que tu ressens Xynala, crois-moi. Et si je te semble si serein vis-à-vis de Melkiar et Tisse, c’est simplement qu’à l’inverse de toi, j’ai toujours su que je n’avais aucune chance. Melkiar aime les femmes. J’aime les hommes. Aussi cruelle soit cette réalité, elle a eu le mérite de m’empêcher d’espérer.
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« Je comprends totalement ce que tu ressens Xynala, crois-moi. Et si je te semble si serein vis-à-vis de Melkiar et Tisse, c’est simplement qu’à l’inverse de toi, j’ai toujours su que je n’avais aucune chance. Melkiar aime les homines. J’aime les homins. Aussi cruelle soit cette réalité, elle a eu le mérite de m’empêcher d’espérer.
  
— Je suis désolé pour toi Bélénor… Je n’ai pas été assez présente lorsque tu allais mal.
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— Je suis désolée pour toi Bélénor… Je n’ai pas été assez présente lorsque tu allais mal.
  
— Ne t’excuses pas Xynala ! Je vais bien désormais, et notamment grâce à vous. Maintenant, je veux que tu saches que je suis là pour toi. Aussi, je veux que tu comprennes que ce que tu ressens aujourd’hui passera, tôt ou tard.
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— Ne t’excuse pas Xynala ! Je vais bien désormais, et notamment grâce à vous. Maintenant, je veux que tu saches que je suis là pour toi. Aussi, je veux que tu comprennes que ce que tu ressens aujourd’hui passera, tôt ou tard.
  
 
— Comment peux-tu en être certain ? questionna Xynala entre deux sanglots.
 
— Comment peux-tu en être certain ? questionna Xynala entre deux sanglots.

Версия 20:43, 20 апреля 2022

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