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Pü replaça la perle entre ses doigts, bien décidé à écrouir correctement la bordure du réceptacle. Une fois terminé, il irait finir d’ornementer le diadème sur lequel il travaillait en secret depuis plusieurs semaines, et qu’il destinait à sa mère. Ce bijou était la pièce manquante. Et alors qu’il s’apprêtait à effectuer son geste, ce n’est pas sa main qui trembla, mais son bras : la secousse ne venait pas de lui. Le Zoraï déposa la pièce inachevée avec ses outils et sortit en toute hâte de son atelier. Il fit quelques pas et leva la tête, fixant le plafond d’écorce de l’arbre-ciel duquel filtrait les rayons astraux. Le sol trembla à nouveau légèrement. Jusqu’alors, l’immense souche abattue avait toujours su protéger le village, aussi bien des menaces naturelles que des homins. Elle était le refuge de nombreuses espèces animales, notamment des volatiles qui nichaient dans les plus hautes strates, mais aussi le leur. La tribu s’était installée au niveau du sol, mais avait aussi bâti un certain nombre d’habitations sur les pans d’écorces et les hautes racines, préférant cependant l’archaïsme des techniques ancestrales de construction à l’innovation païenne du magnétisme karavanier. Quoi qu’il en soit, pour Pü, il était impossible d’imaginer que l’arbre-ciel faillisse à son ancestrale mission de protection. Comme pour le faire mentir, le sol trembla plus fortement, et les premiers cris se firent entendre. Inquiet, il se mit à courir en direction de la demeure familiale située à une dizaine de mètres, espérant y retrouver sa mère. Il tenta d’analyser la situation. La première hypothèse qui lui vint à l’esprit fut celle d’une attaque homine. Après tout, leurs ennemis étaient nombreux. Mais les nouvelles secousses, plus violentes, eurent raison de cette idée. À sa connaissance, aucun homin ne possédait le pouvoir de faire trembler l’écorce de cette manière. La menace semblait venir d’en bas. Les Primes Racines, situées sous la Jungle, étaient composées d’immenses cavernes bioluminescentes, véritables écosystèmes habités par de gigantesques herbivores. Peut-être un troupeau de pachydermes était-il en train de passer sous le village ? Son esprit voguait d’hypothèse en hypothèse, essayant tant bien que mal de composer rationnellement avec les faits. Arrivé devant chez lui, il passa les rideaux en hâte, appelant sa mère et son frère à haute voix. Aucune réponse. Sa mère devait probablement être chez Grand-Mère Bä-Bä. Et alors qu’il reprenait sa respiration pour repartir de plus belle vers le sommet du village, ses poumons le brûlèrent. Un agressif voile toxique venait d’empoisonner l’atmosphère. Jamais le jeune Zoraï n’avait senti odeur aussi acerbe. Ce terrible effluve annonçait le pire, il en était certain. Plissant les yeux, il eut le réflexe de saisir une épée au râtelier de son père, et se glissa à l’extérieur de la hutte aussi vite qu’il y était entré.
 
Pü replaça la perle entre ses doigts, bien décidé à écrouir correctement la bordure du réceptacle. Une fois terminé, il irait finir d’ornementer le diadème sur lequel il travaillait en secret depuis plusieurs semaines, et qu’il destinait à sa mère. Ce bijou était la pièce manquante. Et alors qu’il s’apprêtait à effectuer son geste, ce n’est pas sa main qui trembla, mais son bras : la secousse ne venait pas de lui. Le Zoraï déposa la pièce inachevée avec ses outils et sortit en toute hâte de son atelier. Il fit quelques pas et leva la tête, fixant le plafond d’écorce de l’arbre-ciel duquel filtrait les rayons astraux. Le sol trembla à nouveau légèrement. Jusqu’alors, l’immense souche abattue avait toujours su protéger le village, aussi bien des menaces naturelles que des homins. Elle était le refuge de nombreuses espèces animales, notamment des volatiles qui nichaient dans les plus hautes strates, mais aussi le leur. La tribu s’était installée au niveau du sol, mais avait aussi bâti un certain nombre d’habitations sur les pans d’écorces et les hautes racines, préférant cependant l’archaïsme des techniques ancestrales de construction à l’innovation païenne du magnétisme karavanier. Quoi qu’il en soit, pour Pü, il était impossible d’imaginer que l’arbre-ciel faillisse à son ancestrale mission de protection. Comme pour le faire mentir, le sol trembla plus fortement, et les premiers cris se firent entendre. Inquiet, il se mit à courir en direction de la demeure familiale située à une dizaine de mètres, espérant y retrouver sa mère. Il tenta d’analyser la situation. La première hypothèse qui lui vint à l’esprit fut celle d’une attaque homine. Après tout, leurs ennemis étaient nombreux. Mais les nouvelles secousses, plus violentes, eurent raison de cette idée. À sa connaissance, aucun homin ne possédait le pouvoir de faire trembler l’écorce de cette manière. La menace semblait venir d’en bas. Les Primes Racines, situées sous la Jungle, étaient composées d’immenses cavernes bioluminescentes, véritables écosystèmes habités par de gigantesques herbivores. Peut-être un troupeau de pachydermes était-il en train de passer sous le village ? Son esprit voguait d’hypothèse en hypothèse, essayant tant bien que mal de composer rationnellement avec les faits. Arrivé devant chez lui, il passa les rideaux en hâte, appelant sa mère et son frère à haute voix. Aucune réponse. Sa mère devait probablement être chez Grand-Mère Bä-Bä. Et alors qu’il reprenait sa respiration pour repartir de plus belle vers le sommet du village, ses poumons le brûlèrent. Un agressif voile toxique venait d’empoisonner l’atmosphère. Jamais le jeune Zoraï n’avait senti odeur aussi acerbe. Ce terrible effluve annonçait le pire, il en était certain. Plissant les yeux, il eut le réflexe de saisir une épée au râtelier de son père, et se glissa à l’extérieur de la hutte aussi vite qu’il y était entré.
  
Et le sol craqua. L’onde de choc, d’une violence inouïe, projeta Pü au sol. Masque contre écorce, il se releva tant bien que mal. Ce qu’il vit alors l’horrifia. La secousse avait fissuré la souche, arrachant au passage la haute racine située à proximité de celle où trônait la hutte de Grand-Mère Bä-Bä. L’énorme masse de bois emporta dans sa chute plusieurs habitations et s’écrasa dans un fracas assourdissant sur un autre quartier du village. Des hurlements lui parvinrent et un nuage de sciure envahit tout l’espace. Pü connaissait les Zoraïs qui habitaient ces demeures, comme chacun des membres de sa tribu. Priant le Grand Géniteur, il espérait qu’aucun ne se trouvait chez lui au moment du drame. Mais le pire restait à venir. Car il l’entendit. L’épouvantable bourdonnement du déclin, celui qui pourchasserait l’hominité à jamais. Des ombres ailées de plusieurs mètres surgirent alors des niveaux inférieurs du village et les cris s’intensifièrent. Dans l’atmosphère obscurcie par la poussière, il ne put clairement les distinguer, mais à sa connaissance, aucun volatile de cette taille n’avait jamais été répertorié. Le Zoraï essaya de rester concentré sur son objectif et fonça en direction de chez Grand-Mère Bä-Bä. Comme pour l’en empêcher, l’une des apparitions volantes piqua sur lui et une immense gerbe de flammes jaillit. Pü esquiva de peu le jet ardent, choqué par la vision qui venait de lui parvenir. Le flash de lumière lui avait en effet permis de voir le monstre de près. Il était le reflet répugnant des ignobles bêtes qui avaient hanté ses nuits d’enfant. Un corps fuselé et tranchant recouvert d’écailles iridescentes et porté par six longues ailes translucides, quatre excroissances tubulaires et creuses reliées à un crâne ovoïde, un immonde trou bardé de minuscules crochets en guise de gueule, deux pseudo-membres soudés entre eux par une glande tuméfiée, et terminés d’une trompe d’où suintait un liquide jaunâtre fumant et odorant. Cette créature était la caricature abominable d’une libellule, qu’un artiste fou aurait pu cauchemarder durant une nuit fiévreuse.
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Et le sol craqua. L’onde de choc, d’une violence inouïe, projeta Pü au sol. Masque contre écorce, il se releva tant bien que mal. Ce qu’il vit alors l’horrifia : la secousse avait fissuré la souche, arrachant au passage la haute racine située à proximité de celle où trônait la hutte de Grand-Mère Bä-Bä. L’énorme masse de bois emporta dans sa chute plusieurs habitations et s’écrasa dans un fracas assourdissant sur un autre quartier du village. Des hurlements lui parvinrent et un nuage de sciure envahit tout l’espace. Pü connaissait les Zoraïs qui habitaient ces demeures, comme chacun des membres de sa tribu. Priant le Grand Géniteur, il espérait qu’aucun ne se trouvait chez lui au moment du drame. Mais le pire restait à venir. Car il l’entendit. L’épouvantable bourdonnement du déclin, celui qui pourchasserait l’hominité à jamais. Des ombres ailées de plusieurs mètres surgirent alors des niveaux inférieurs du village et les cris s’intensifièrent. Dans l’atmosphère obscurcie par la poussière, il ne put clairement les distinguer, mais à sa connaissance, aucun volatile de cette taille n’avait jamais été répertorié. Le Zoraï essaya de rester concentré sur son objectif et fonça en direction de chez Grand-Mère Bä-Bä. Comme pour l’en empêcher, l’une des apparitions volantes piqua sur lui et une immense gerbe de flammes jaillit. Pü esquiva de peu le jet ardent, choqué par la vision qui venait de lui parvenir. Le flash de lumière lui avait en effet permis de voir le monstre de près. Il était le reflet répugnant des ignobles bêtes qui avaient hanté ses nuits d’enfant. Un corps fuselé et tranchant recouvert d’écailles iridescentes et porté par six longues ailes translucides, quatre excroissances tubulaires et creuses reliées à un crâne ovoïde, un immonde trou bardé de minuscules crochets en guise de gueule, deux pseudo-membres soudés entre eux par une glande tuméfiée, et terminés d’une trompe d’où suintait un liquide jaunâtre fumant et odorant. Cette créature était la caricature abominable d’une libellule, qu’un artiste fou aurait pu cauchemarder durant une nuit fiévreuse.
  
 
Le cœur de Pü se souleva et son cou s’enfonça entre ses épaules. Il sentit chaque muscle de son corps se contracter, sa mâchoire se resserrer et une sueur froide lui parcourir l’échine. Cela faisait bien des années qu’il n’avait pas ressenti la peur. Chaque parcelle de son corps lui hurlait de prendre garde. Pour faire face à cette menace, trois réactions différentes étaient programmées au plus profond de ses cellules, sélectionnées par la vie bien avant sa naissance et celle de ses ancêtres. Réflexes ataviques, préhistoriques, ancrés dans sa chair jusqu’à la mort : l’immobilité, la fuite et l’attaque. Pü était un guerrier né, conditionné depuis sa plus tendre enfance. C’est donc par pur automatisme que son bras dégaina l’épée de son père et frappa l’horrible apparition. La lame d’ambre heurta la cuirasse écailleuse du kipesta sans réussir à la percer, mais ricocha jusqu’à une des ailes filandreuses qu’elle trancha. La créature poussa un couinement repoussant et prit la fuite dans le brouillard de sciure duquel elle avait surgi. À cet instant du moins, la peur avait changé de camp.  
 
Le cœur de Pü se souleva et son cou s’enfonça entre ses épaules. Il sentit chaque muscle de son corps se contracter, sa mâchoire se resserrer et une sueur froide lui parcourir l’échine. Cela faisait bien des années qu’il n’avait pas ressenti la peur. Chaque parcelle de son corps lui hurlait de prendre garde. Pour faire face à cette menace, trois réactions différentes étaient programmées au plus profond de ses cellules, sélectionnées par la vie bien avant sa naissance et celle de ses ancêtres. Réflexes ataviques, préhistoriques, ancrés dans sa chair jusqu’à la mort : l’immobilité, la fuite et l’attaque. Pü était un guerrier né, conditionné depuis sa plus tendre enfance. C’est donc par pur automatisme que son bras dégaina l’épée de son père et frappa l’horrible apparition. La lame d’ambre heurta la cuirasse écailleuse du kipesta sans réussir à la percer, mais ricocha jusqu’à une des ailes filandreuses qu’elle trancha. La créature poussa un couinement repoussant et prit la fuite dans le brouillard de sciure duquel elle avait surgi. À cet instant du moins, la peur avait changé de camp.  
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« Pü, c’est bien toi ? Ton père et ton frère te cherchent partout ! Nous avons besoin de tout le monde, quelque chose d’encore plus terrible est en train d’arriver. Le départ de la brèche se trouve au niveau de la Place du Cérémonial, dépêche-toi ! »
 
« Pü, c’est bien toi ? Ton père et ton frère te cherchent partout ! Nous avons besoin de tout le monde, quelque chose d’encore plus terrible est en train d’arriver. Le départ de la brèche se trouve au niveau de la Place du Cérémonial, dépêche-toi ! »
  
Le vieux Zoraï attrapa une liane et se prépara à sauter.
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Le Zoraï attrapa une liane et se prépara à sauter.
  
 
« Et ne t’en fais pas pour ta mère, elle est bien plus dangereuse que ces créatures ! »
 
« Et ne t’en fais pas pour ta mère, elle est bien plus dangereuse que ces créatures ! »

Версия 15:47, 3 февраля 2022


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Примечания : (Lanstiril, 2022-02-03)


VII - Occire et polir

An 2481 de Jena

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Bélénor Nébius, narrateur

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