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{{Quotation|''Bélénor Nébius, narrateur''|Lorsque Bélénor ouvrit les paupières, il ne vit que les ténèbres. Où était-il ? Quel jour étions-nous ? Et pourquoi avait-il si mal au crâne ? Si son nez pris le privait d'odorat, le goût du sang tapissant son palais faisait grimacer le Fyros. Que lui était-il arrivé ? Crachant pour soulager ses voies respiratoires, il constata avec quelques secondes de latence que la glaire ensanglantée qu’il venait de rejeter s’était envolée droit vers le ciel obscur, salissant au passage les manches de sa combinaison. Car ses bras ballottaient étrangement au-dessus de sa tête. Reprenant peu à peu ses esprits, Bélénor regarda ses pieds. Ils étaient emmêlés dans un filet racinaire, par delà lequel une lumière brasillante semblait filtrer. Le Fyros se pencha plusieurs fois en avant pour le saisir, en vain. Le sol se refusait à lui. Il soupira et cracha une seconde fois. À nouveau, le glaire fila au-dessus de sa tête. Au-dessus, ou en dessous ? Alors, des souvenirs lui revinrent. Le regard terrifié de Melkiar, l’explosion, le choc contre la paroi de la crevasse, la chute. Transi d’horreur, le Fyros regarda derechef ses pieds emmêlés. Cette lumière brasillante, c’était celle de l’explosion. De la surface. À cette révélation, il fut pris d’un terrible vertige. Car il était effectivement suspendu par les pieds dans le vide. Si son premier réflexe fût de hurler longuement, Bélénor comprit aussitôt que cela ne lui serait d’aucune aide. Alors, il essaya d’attraper le filet racinaire, encore et encore, sans succès. S’il voulait remonter, il fallait qu’il se débarrasse de son barda. De toutes les précieuses provisions et fournitures qu’il contenait. Il n’avait pas le choix… Contraint, le Fyros saisit les sangles de son sac et les détacha précautionneusement. Et au moment où son lest tomba, l’une de ses jambes se décrocha. Hurlant une nouvelle fois, Bélénor réussit dans la panique à se redresser suffisamment pour attraper le filet des deux mains. Il n’eut alors qu'à canaliser la Sève qui l’irriguait pour forcer les minces racines à s’écarter légèrement, assez pour que sa petite carcasse puisse se frayer un passage jusqu’à la surface du maillage. | {{Quotation|''Bélénor Nébius, narrateur''|Lorsque Bélénor ouvrit les paupières, il ne vit que les ténèbres. Où était-il ? Quel jour étions-nous ? Et pourquoi avait-il si mal au crâne ? Si son nez pris le privait d'odorat, le goût du sang tapissant son palais faisait grimacer le Fyros. Que lui était-il arrivé ? Crachant pour soulager ses voies respiratoires, il constata avec quelques secondes de latence que la glaire ensanglantée qu’il venait de rejeter s’était envolée droit vers le ciel obscur, salissant au passage les manches de sa combinaison. Car ses bras ballottaient étrangement au-dessus de sa tête. Reprenant peu à peu ses esprits, Bélénor regarda ses pieds. Ils étaient emmêlés dans un filet racinaire, par delà lequel une lumière brasillante semblait filtrer. Le Fyros se pencha plusieurs fois en avant pour le saisir, en vain. Le sol se refusait à lui. Il soupira et cracha une seconde fois. À nouveau, le glaire fila au-dessus de sa tête. Au-dessus, ou en dessous ? Alors, des souvenirs lui revinrent. Le regard terrifié de Melkiar, l’explosion, le choc contre la paroi de la crevasse, la chute. Transi d’horreur, le Fyros regarda derechef ses pieds emmêlés. Cette lumière brasillante, c’était celle de l’explosion. De la surface. À cette révélation, il fut pris d’un terrible vertige. Car il était effectivement suspendu par les pieds dans le vide. Si son premier réflexe fût de hurler longuement, Bélénor comprit aussitôt que cela ne lui serait d’aucune aide. Alors, il essaya d’attraper le filet racinaire, encore et encore, sans succès. S’il voulait remonter, il fallait qu’il se débarrasse de son barda. De toutes les précieuses provisions et fournitures qu’il contenait. Il n’avait pas le choix… Contraint, le Fyros saisit les sangles de son sac et les détacha précautionneusement. Et au moment où son lest tomba, l’une de ses jambes se décrocha. Hurlant une nouvelle fois, Bélénor réussit dans la panique à se redresser suffisamment pour attraper le filet des deux mains. Il n’eut alors qu'à canaliser la Sève qui l’irriguait pour forcer les minces racines à s’écarter légèrement, assez pour que sa petite carcasse puisse se frayer un passage jusqu’à la surface du maillage. | ||
− | Le premier réflexe de Bélénor fut de vérifier si l’un de ses camarades avait été aussi chanceux que lui. Son cœur se glaça d’effroi lorsqu’il aperçut les quelques morceaux d’armure encore fumants qui l’entouraient. Alors qu’il vérifiait leur provenance, la terreur laissa aussitôt place au soulagement : toutes appartenaient aux Sauvages qui s’étaient fait sauter… Encore tremblant, le rescapé passa sa main droite sur la plaie qui balafrait son front, la referma d’un coup de doigt et leva la tête. À première vue, il devait se trouver à deux cent mètres sous la surface. Par chance, il avait été projeté par l’onde de choc, et avait chuté à flanc de paroi jusqu’aux terminaisons racinaires d’un arbre des profondeurs. En avait-il été de même pour ses camarades ? Bélénor déglutit et s’avança prudemment jusqu’à la limite du filet, à l’endroit où il pliait sous son poids. Désormais habitué à l’obscurité, il devinait la présence de lueurs au fond de la crevasse. La profondeur lui paraissait tout à fait démesurée. Il espérait donc, tout aussi profondément, que ses camarades étaient parvenus, eux, à s’agripper au bord de la crevasse… Puis, s’imaginant être l’unique survivant, le Fyros sentit le rythme de son cœur s’accélérer et ses larmes monter. | + | Le premier réflexe de Bélénor fut de vérifier si l’un de ses camarades avait été aussi chanceux que lui. Son cœur se glaça d’effroi lorsqu’il aperçut les quelques morceaux d’armure encore fumants qui l’entouraient. Alors qu’il vérifiait leur provenance, la terreur laissa aussitôt place au soulagement : toutes appartenaient aux Sauvages qui s’étaient fait sauter… Encore tremblant, le rescapé passa sa main droite sur la plaie qui balafrait son front, la referma d’un coup de doigt et leva la tête. À première vue, il devait se trouver à deux cent mètres sous la surface. Par chance, il avait été projeté par l’onde de choc, et avait chuté à flanc de paroi jusqu’aux terminaisons racinaires d’un arbre des profondeurs. En avait-il été de même pour ses camarades ? Bélénor déglutit et s’avança prudemment jusqu’à la limite du filet, à l’endroit où il pliait sous son poids. Désormais habitué à l’obscurité, il devinait la présence de lueurs au fond de la crevasse. La profondeur lui paraissait tout à fait démesurée. Il espérait donc, tout aussi profondément, que ses camarades étaient parvenus, eux, à s’agripper au bord de la crevasse… Puis, s’imaginant être l’unique survivant, le Fyros sentit le rythme de son cœur s’accélérer et ses larmes monter. Et alors que, désorienté, il reculait vers la paroi d'écorce, il trébucha à mi-distance : il s’était pris les pieds dans une étrange racine, qui lui enserrait dorénavant la cheville gauche. Cette même cheville tranchée par un Sauvage embusqué sur le pont racinaire, plus tôt dans la nuit. Cette même racine… constituée de cinq doigts. Alors Bélénor hurla et se débattit comme un fou. Et s’il crut entendre une voix, l’écho de ses cris la masqua totalement. La scène dura de longues secondes, durant lesquelles la main ne lâcha pas prise. |
« Bélénor, c’est toi ? | « Bélénor, c’est toi ? | ||
Строка 64: | Строка 64: | ||
« Il reste pourtant un problème de taille, Garius. » | « Il reste pourtant un problème de taille, Garius. » | ||
− | Bras croisés, le colosse se retourna. Et, l'air renfrogné, fixa son ami. | + | Bras croisés, le colosse se retourna. Et, l'air renfrogné, il fixa son ami. |
« Vas-y Bélénor, accouche. | « Vas-y Bélénor, accouche. | ||
Строка 83: | Строка 83: | ||
— Wouah, c’est trop beau Bélénor ! Rrrah, je suis coincé… » | — Wouah, c’est trop beau Bélénor ! Rrrah, je suis coincé… » | ||
[[file:Rotoa-L.jpg|right|400px|alt=Rotoai dans les Primes Racines|Rotoai dans les Primes Racines]] | [[file:Rotoa-L.jpg|right|400px|alt=Rotoai dans les Primes Racines|Rotoai dans les Primes Racines]] | ||
− | Garius se débattit, donna involontairement un coup de pied dans le nez de son ami, hurla un bon coup, et finit par s’extirper de la faille, moyennant l’arrachage de quelques fines racines. Trop vite, sûrement, puisque Bélénor le vit perdre l’équilibre et dévaler une courte pente. Si le Fyros accueillit sans surprise le juron que poussa alors son ami, son cœur s’emballa lorsque le bruit sourd d’un grand remous lui parvint aux oreilles. De l’eau ? Hâtivement, et avec bien plus d’aisance que Garius, Bélénor s’échappa de la faille. La beauté du panorama qui s’offrait à son regard le pétrifia de stupeur. Il venait de pénétrer dans une immense caverne dont les parois d’écorce et le plafond, situé à une cinquantaine de mètres du sol, étaient constellées de blocs d’ambre. Tantôt diaphanes, tantôt réfléchissant la lumière produite par les nombreuses lucioles et plantes bioluminescentes qui peuplaient les profondeurs, les cloisons iridescentes de ce décor merveilleux rappela à | + | Garius se débattit, donna involontairement un coup de pied dans le nez de son ami, hurla un bon coup, et finit par s’extirper de la faille, moyennant l’arrachage de quelques fines racines. Trop vite, sûrement, puisque Bélénor le vit perdre l’équilibre et dévaler une courte pente. Si le Fyros accueillit sans surprise le juron que poussa alors son ami, son cœur s’emballa lorsque le bruit sourd d’un grand remous lui parvint aux oreilles. De l’eau ? Hâtivement, et avec bien plus d’aisance que Garius, Bélénor s’échappa de la faille. La beauté du panorama qui s’offrait à son regard le pétrifia de stupeur. Il venait de pénétrer dans une immense caverne dont les parois d’écorce et le plafond, situé à une cinquantaine de mètres du sol, étaient constellées de blocs d’ambre. Tantôt diaphanes, tantôt réfléchissant la lumière produite par les nombreuses lucioles et plantes bioluminescentes qui peuplaient les profondeurs, les cloisons iridescentes de ce décor merveilleux rappela à Bélénor certains sites de fouilles qu’il avait pu visiter lors de son passage à Coriolis. En revanche, jamais il n’avait vu de végétaux aussi beaux que la gigantesque rotoa qui trônait au centre du lac dans lequel Garius était tombé. Cette plante endémique des Primes Racines, tant célébrée pour sa beauté, devait mesurer dans les quinze mètres. Un spécimen impressionnant, qui aurait ravi les botanistes matis, dont chacun connaissait l’attrait pour les rotoai. En effet, la rotoa était une plante née de la fusion de racines de différents végétaux, dont l’un d’entre eux s’était spécialisé dans la reproduction de l’espèce chimérique, via la conception de fleurs aux teintes roses, mauves et blanches. Des fleurs qui, vu d’ici, devaient mesurer dans les six mètres de circonférence. Un plante magnifique donc, mais aussi un objet d’étude précieux pour les scientifiques d’Atys, pour qui la rotoa représentait l’incarnation de l’être symbiotique. |
« Bélénor, l’eau est si fraîche ! C’est fou de se dire qu’il fait si bon, alors qu'à seulement quelques kilomètres à l’est, les cavernes sont de véritables fournaises ! Allez, viens te baigner ! » | « Bélénor, l’eau est si fraîche ! C’est fou de se dire qu’il fait si bon, alors qu'à seulement quelques kilomètres à l’est, les cavernes sont de véritables fournaises ! Allez, viens te baigner ! » | ||
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[[file:Vorax.jpg|right|400px|alt=Vorax dans les Primes Racines|Vorax dans les Primes Racines]] | [[file:Vorax.jpg|right|400px|alt=Vorax dans les Primes Racines|Vorax dans les Primes Racines]] | ||
« Garius ! Tu devrais sortir. On ne sait pas quelles créatures peuplent ces cavernes… | « Garius ! Tu devrais sortir. On ne sait pas quelles créatures peuplent ces cavernes… | ||
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— Oh allez, rien qu’une petite brasse ! On l’a bien mérité ! » | — Oh allez, rien qu’une petite brasse ! On l’a bien mérité ! » | ||
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Au même moment, un rugissement terrifiant retentit au loin, et se propagea en écho jusqu’à faire clapoter l'eau du bassin. Aussitôt, le dos épineux des lumpers se hérissa dans un frémissement semblable à celui d’un carillon à vent. Bélénor regarda les animaux quitter le point d’eau en toute hâte, puis porta à nouveau son regard sur Garius. Le colosse paraissait bien moins décontracté. | Au même moment, un rugissement terrifiant retentit au loin, et se propagea en écho jusqu’à faire clapoter l'eau du bassin. Aussitôt, le dos épineux des lumpers se hérissa dans un frémissement semblable à celui d’un carillon à vent. Bélénor regarda les animaux quitter le point d’eau en toute hâte, puis porta à nouveau son regard sur Garius. Le colosse paraissait bien moins décontracté. | ||
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« C’est… C’est incroyable Bélénor, viens voir ! » répondit le colosse, la voix étouffée par l’épaisseur de l’écorce. | « C’est… C’est incroyable Bélénor, viens voir ! » répondit le colosse, la voix étouffée par l’épaisseur de l’écorce. | ||
− | Le cœur du Fyros s’emballa alors qu’il se hâtait en direction de son ami. Qu’avait-il découvert ? Lorsqu’il arriva à son niveau, Garius se décala sur la droite et fit signe à son camarade de passer sa tête dans la faille. Alors, le Fyros se mit sur la pointe des pieds. Et comme Garius, il fut frappé de stupeur par le paysage qui se dessinait devant lui. La caverne dans laquelle se trouvaient les deux Fyros, pourtant large de plusieurs centaines de mètres, n'avait aucune commune mesure avec celle qu’ils observaient désormais depuis leur fenêtre. Elle n’était qu’un grain de poussière collé au plafond d’une caverne aux dimensions continentales. Car c’était un véritable monde qui s’offrait aux yeux des deux Fyros. Un monde enfoui et secret, composé de forêts, de mers et de montagnes, s’étendant sur des kilomètres, au-delà de l’horizon caverneux. À première vue, le ciel de ce monde obscur devait se situer à plusieurs centaines de mètres du sol. Un ciel recouvert d’amoebai, ces étranges plantes translucides en forme d’étoiles, dont les extrémités étaient parfois recouvertes de poils urticants bioluminescents. Des plantes bien moins lumineuses que de vraies étoiles, ce qui ne rendait pas aisé l’observation du continent enfoui. De ce fait, Bélénor ne sut pas si ce qu'il aperçut alors était une ville en ruines nichée entre deux racines montagneuses, ou une simple illusion fantasmée par son imagination… | + | Le cœur du Fyros s’emballa alors qu’il se hâtait en direction de son ami. Qu’avait-il découvert ? Lorsqu’il arriva à son niveau, Garius se décala sur la droite et fit signe à son camarade de passer sa tête dans la faille. Alors, le Fyros se mit sur la pointe des pieds. Et comme Garius, il fut frappé de stupeur par le paysage qui se dessinait devant lui. La caverne dans laquelle se trouvaient les deux Fyros, pourtant large de plusieurs centaines de mètres, n'avait aucune commune mesure avec celle qu’ils observaient désormais depuis leur fenêtre. Elle n’était qu’un grain de poussière collé au plafond d’une caverne aux dimensions continentales. Car c’était un véritable monde qui s’offrait aux yeux des deux Fyros. Un monde enfoui et secret, composé de forêts, de mers et de montagnes racinaires, s’étendant sur des kilomètres, au-delà de l’horizon caverneux. À première vue, le ciel de ce monde obscur devait se situer à plusieurs centaines de mètres du sol. Un ciel recouvert d’amoebai, ces étranges plantes translucides en forme d’étoiles, dont les extrémités étaient parfois recouvertes de poils urticants bioluminescents. Des plantes bien moins lumineuses que de vraies étoiles, ce qui ne rendait pas aisé l’observation du continent enfoui. De ce fait, Bélénor ne sut pas si ce qu'il aperçut alors était une ville en ruines nichée entre deux racines montagneuses, ou une simple illusion fantasmée par son imagination… |
[[file:Dzikus.jpg|right|400px|alt=Amoebai dans les Primes Racines|Amoebai dans les Primes Racines]] | [[file:Dzikus.jpg|right|400px|alt=Amoebai dans les Primes Racines|Amoebai dans les Primes Racines]] | ||
« C’est donc ça les vraies Primes Racines, Bélénor ? C’est fou ! T’imagines tout ce qu’il y a à découvrir dans les profondeurs de l’Écorce ? Ça me dépasse… Tu sais, Bélénor… » | « C’est donc ça les vraies Primes Racines, Bélénor ? C’est fou ! T’imagines tout ce qu’il y a à découvrir dans les profondeurs de l’Écorce ? Ça me dépasse… Tu sais, Bélénor… » | ||
Строка 121: | Строка 123: | ||
« Garius ? » | « Garius ? » | ||
− | Sans quitter le paysage des yeux, le Fyros posa à nouveau sa main sur l’épaule de son ami. Malheureusement, il était déjà trop tard. Avant même qu’il ne puisse réagir, le corps du colosse s’effondra en arrière. Par réflexe, Bélénor plongea ses mains dans les gants amplificateurs de magie attachés à sa ceinture. Il comprit bientôt que cela ne lui serait d’aucune utilité : au moment où il retirait sa tête de la faille, il vit neuf homins lui faire face. Tous portaient le mélange bigarré de pièces d’armures repeintes en ocre que les Sauvages arboraient d'ordinaire, et l’un d’entre eux serrait entre ses mains une longue sarbacane. Bélénor déglutit et leva les mains en signe de soumission. Tout allait bien. Garius avait simplement été endormi. Et lui, bien conscient, était plus intelligent que tous ces Sauvages | + | Sans quitter le paysage des yeux, le Fyros posa à nouveau sa main sur l’épaule de son ami. Malheureusement, il était déjà trop tard. Avant même qu’il ne puisse réagir, le corps du colosse s’effondra en arrière. Par réflexe, Bélénor plongea ses mains dans les gants amplificateurs de magie attachés à sa ceinture. Il comprit bientôt que cela ne lui serait d’aucune utilité : au moment où il retirait sa tête de la faille, il vit neuf homins lui faire face. Tous portaient le mélange bigarré de pièces d’armures repeintes en ocre que les Sauvages arboraient d'ordinaire, et l’un d’entre eux serrait entre ses mains une longue sarbacane. Bélénor déglutit et leva les mains en signe de soumission. Tout allait bien. Garius avait simplement été endormi. Et lui, bien conscient, était plus intelligent que tous ces Sauvages réunis. Il réussirait sans peine à négocier. Tout allait bien. Cherchant le chef des yeux, il déglutit une seconde fois. |
« Bon… Bonjour, je me présente, Bé… » | « Bon… Bonjour, je me présente, Bé… » | ||
Строка 127: | Строка 129: | ||
Malheureusement, la massue qui vint lui percuter le crâne ne lui laissa pas l’occasion de se présenter plus longuement. D’autant qu’elle frappa à l’endroit exact où sa tête avait heurté la paroi d’écorce, quelques heures plus tôt. Et avant même qu’il ne réussisse à infuser de la Sève au niveau de sa lésion, il s’effondra sur le corps de son ami. | Malheureusement, la massue qui vint lui percuter le crâne ne lui laissa pas l’occasion de se présenter plus longuement. D’autant qu’elle frappa à l’endroit exact où sa tête avait heurté la paroi d’écorce, quelques heures plus tôt. Et avant même qu’il ne réussisse à infuser de la Sève au niveau de sa lésion, il s’effondra sur le corps de son ami. | ||
{{Couillard}} | {{Couillard}} | ||
− | C’est entravé et bâillonné que Bélénor reprit connaissance. Face à lui, yeux grands ouverts et bouche muselée, Garius grogna. Il tentait probablement de lui dire quelque chose. Balayant rapidement l’espace du regard, le Fyros analysa la situation : tous deux étaient ligotés à une chaise et attablés devant une grosse souche d’arbre qui semblait avoir été placée là pour l’occasion. Car l’endroit dans lequel ils se trouvaient était étrangement vide. Il s’agissait d'une espèce de conduit circulaire d’une vingtaine de mètres de diamètre, dont les extrémités se perdaient dans l’obscurité. Rien à voir, donc, avec les cavernes regorgeant de vie qu’ils avaient parcouru plus tôt dans la nuit. Inspectant plus attentivement les parois, Bélénor eut un déclic : cet étrange conduit était une veine de sève asséchée. Une veine de sève qu’on avait vidée, nettoyée et transformée en un couloir de déplacement. Un couloir qui appartenait sans nul doute au réseau de galeries artificielles dont Melkiar leur avait parlé. Cela signifiait-il que les Sauvages hantaient toujours les sous-sols de la vallée de Fort Kronk, et ce malgré la victoire des Larmes du Dragon ? Probablement. Mais cela indiquait aussi qu’ils étaient proches de la surface, et donc de leurs alliés. Durant quelques minutes, Bélénor tenta de desserrer ses liens, en vain. Et puis, des bruits de bottes résonnèrent dans le conduit impénétrable. Des homins approchaient. Inquiet, le Fyros chercha du réconfort dans les yeux de Garius, qui lui fit clin d'œil. Au même moment, une grosse hache émergea de l’obscurité et se ficha dans la souche d’arbre. La hache de Garius. | + | C’est entravé et bâillonné que Bélénor reprit connaissance. Face à lui, yeux grands ouverts et bouche muselée, Garius grogna. Il tentait probablement de lui dire quelque chose. Balayant rapidement l’espace du regard, le Fyros analysa la situation : tous deux étaient ligotés à une chaise de fortune et attablés devant une grosse souche d’arbre qui semblait avoir été placée là pour l’occasion. Car l’endroit dans lequel ils se trouvaient était étrangement vide. Il s’agissait d'une espèce de conduit circulaire d’une vingtaine de mètres de diamètre, dont les extrémités se perdaient dans l’obscurité. Rien à voir, donc, avec les cavernes regorgeant de vie qu’ils avaient parcouru plus tôt dans la nuit. Inspectant plus attentivement les parois, Bélénor eut un déclic : cet étrange conduit était une veine de sève asséchée. Une veine de sève qu’on avait vidée, nettoyée et transformée en un couloir de déplacement. Un couloir qui appartenait sans nul doute au réseau de galeries artificielles dont Melkiar leur avait parlé. Cela signifiait-il que les Sauvages hantaient toujours les sous-sols de la vallée de Fort Kronk, et ce malgré la victoire des Larmes du Dragon ? Probablement. Mais cela indiquait aussi qu’ils étaient proches de la surface, et donc de leurs alliés. Durant quelques minutes, Bélénor tenta de desserrer ses liens, en vain. Et puis, des bruits de bottes résonnèrent dans le conduit impénétrable. Des homins approchaient. Inquiet, le Fyros chercha du réconfort dans les yeux de Garius, qui lui fit clin d'œil. Au même moment, une grosse hache émergea de l’obscurité et se ficha dans la souche d’arbre. La hache de Garius. |
« Jolie hache. T’as tué combien des nôtres avec cette arme ? » | « Jolie hache. T’as tué combien des nôtres avec cette arme ? » | ||
Строка 139: | Строка 141: | ||
Passant à nouveau sa main derrière la nuque du colosse, le Sauvage saisit son crâne lisse et lui écrasa la tête contre la souche. Des rires rauques et étouffés retentirent autour des prisonniers, dans l’obscurité. Bien décidé à ne montrer aucun signe de faiblesse, Garius rit à son tour. De son côté, Bélénor gesticulait comme un dément en baragouinant des propos incompréhensibles. De toute évidence, il voulait prendre la parole. Faussement compatissant, le Sauvage le délivra à son tour de sa muselière. C’est sans perdre une seconde que Bélénor asséna son discours. | Passant à nouveau sa main derrière la nuque du colosse, le Sauvage saisit son crâne lisse et lui écrasa la tête contre la souche. Des rires rauques et étouffés retentirent autour des prisonniers, dans l’obscurité. Bien décidé à ne montrer aucun signe de faiblesse, Garius rit à son tour. De son côté, Bélénor gesticulait comme un dément en baragouinant des propos incompréhensibles. De toute évidence, il voulait prendre la parole. Faussement compatissant, le Sauvage le délivra à son tour de sa muselière. C’est sans perdre une seconde que Bélénor asséna son discours. | ||
− | « Bonjour, fiers représentants de la tribu des Sauvages ! Je me présente, Bélénor Nebius, ambassadeur de l’Empire Fyros envoyé | + | « Bonjour, fiers représentants de la tribu des Sauvages ! Je me présente, Bélénor Nebius, ambassadeur de l’Empire Fyros envoyé dans votre pays pour arbitrer les négociations entre votre tribu et celle des Larmes du Dragon ! » |
Le mensonge était gros. En témoignait le regard interloqué que lui envoya Garius. De la même manière que les différentes escouades de l’escadron du capitaine Apokillo, avaient été envoyées à différents endroits stratégiques du désert extrême-occidental, l’escouade dirigée par Melkiar était un simple renfort dépêché par l’Empire pour affermir les défenses de Fort Kronk. L’Empire n’avait jamais prévu de négocier. Mais, si ce mensonge passait, l’espoir de négociations ajouté à l’immunité diplomatique dont jouissait, en principe, tout ambassadeur pourrait leur sauver la mise. Instantanément, des murmures se firent entendre dans la pénombre. Son introduction avait fait son petit effet. | Le mensonge était gros. En témoignait le regard interloqué que lui envoya Garius. De la même manière que les différentes escouades de l’escadron du capitaine Apokillo, avaient été envoyées à différents endroits stratégiques du désert extrême-occidental, l’escouade dirigée par Melkiar était un simple renfort dépêché par l’Empire pour affermir les défenses de Fort Kronk. L’Empire n’avait jamais prévu de négocier. Mais, si ce mensonge passait, l’espoir de négociations ajouté à l’immunité diplomatique dont jouissait, en principe, tout ambassadeur pourrait leur sauver la mise. Instantanément, des murmures se firent entendre dans la pénombre. Son introduction avait fait son petit effet. | ||
Строка 145: | Строка 147: | ||
« Un ambassadeur, hein ? répondit sèchement le Sauvage. Je reconnais bien là l’Empire. Détruire puis négocier. On m’avait dit que Thesop était un tyran sans honneur, et qu’avec son assassinat, tout deviendrait plus simple pour nous. Mensonges. Rien n’a changé depuis que Krospas dirige votre empire décadent. Vivre derrière ces murs vous a définitivement transformés en couards serviles. J’ai honte de partager votre sang ! » | « Un ambassadeur, hein ? répondit sèchement le Sauvage. Je reconnais bien là l’Empire. Détruire puis négocier. On m’avait dit que Thesop était un tyran sans honneur, et qu’avec son assassinat, tout deviendrait plus simple pour nous. Mensonges. Rien n’a changé depuis que Krospas dirige votre empire décadent. Vivre derrière ces murs vous a définitivement transformés en couards serviles. J’ai honte de partager votre sang ! » | ||
− | Plus patriote que quiconque, Garius chercha à se lever, prêt à décrocher la mâchoire de celui qui venait d’insulter son peuple et son Empereur. Malheureusement, les liens qui le maintenaient à la chaise étaient trop nombreux et serrés. Même pour lui. Alors, le Fyros cracha sur l’armure du Sauvage. Aussitôt, des poings surgirent des ténèbres et le passèrent à tabac. La chaise bascula sur le côté et la bastonnade continua. Au sol. | + | Plus patriote que quiconque, Garius chercha à se lever, prêt à décrocher la mâchoire de celui qui venait d’insulter son peuple et son Empereur. Malheureusement, les liens qui le maintenaient à la chaise étaient trop nombreux et serrés. Même pour lui. Alors, le Fyros cracha sur l’armure du Sauvage. Aussitôt, des poings surgirent des ténèbres et le passèrent à tabac. La chaise de fortune bascula sur le côté et la bastonnade continua. Au sol. |
« On vous a bien attachés, vous ne pourrez pas vous libérer. Et puis on a rempli vos combinaisons de fioles d’huile. Si vous tentez d’enflammer vos liens, c’est tout votre corps qui s’embrasera. » | « On vous a bien attachés, vous ne pourrez pas vous libérer. Et puis on a rempli vos combinaisons de fioles d’huile. Si vous tentez d’enflammer vos liens, c’est tout votre corps qui s’embrasera. » | ||
Строка 204: | Строка 206: | ||
« Ne t’en fais pas Bé… Bélénor. Tout… Tout va bien… Kof kof… Tout va bien se passer. | « Ne t’en fais pas Bé… Bélénor. Tout… Tout va bien… Kof kof… Tout va bien se passer. | ||
− | — Ga… garde le silence Garius, je… je t’en prie, bégaya le Fyros, les yeux embués de larmes. | + | — Ga… garde le silence Garius, je… je t’en prie, bégaya le Fyros, les yeux embués de larmes. U… Utilise la sève et soigne tes blessures. Moi je Je gère la situation, d'accord ? » |
Garius, la tête toujours plaquée contre la souche, improvisa un sourire édenté. Au même moment, le Sauvage stoppa sa marche pensive. | Garius, la tête toujours plaquée contre la souche, improvisa un sourire édenté. Au même moment, le Sauvage stoppa sa marche pensive. | ||
Строка 260: | Строка 262: | ||
« Tu… Tu cachais bien ton jeu… Bélénor Nebius… » | « Tu… Tu cachais bien ton jeu… Bélénor Nebius… » | ||
− | Ils se connaissaient ? Lorsque le Kami s’immobilisa au-dessus | + | Ils se connaissaient ? Lorsque le Kami s’immobilisa au-dessus de l’estropié, celui-ci pointa la dague qu’il tenait contre sa gorge. Il semblait déterminé à en finir. Et alors qu’il s’apprêtait à se la trancher, son mouvement stoppa net. Le bras du Fyros tremblait. Comme si une force invisible l’empêchait de continuer. Il balbutia : |
« Vous… Vous n’êtes pas des dieux… Vous êtes… des démons ! » | « Vous… Vous n’êtes pas des dieux… Vous êtes… des démons ! » | ||
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Le Fyros se retourna. Melkiar, tout juste entré dans la pièce, le fixait d’un air sombre. Toutefois, à peine le rescapé eut-t-il ouvert la bouche pour répondre que l’air se chargea en influx d’énergie : derrière lui, le Kami s’était élevé dans les airs et pointait d’une griffe étincelante le nouvel arrivant. De cette même main qui, quelques secondes auparavant, avait dévoilé l’étrange butin sanglant. À la vue du regard chargé de colère de la créature spirituelle, le corps de Bélénor se figea. Pourquoi regardait-elle Melkiar de cette manière ? Qu’avait-il fait pour mériter un tel traitement ? S’il désirait vivement comprendre la scène qui était en train de se dérouler sous ses yeux, l’heure était tout sauf aux questionnements. Car à mesure que la griffe se chargeait en magie, Bélénor sentait les cendres draconiques qui composaient son être entrer en résonance avec celles de la créature divine. Autour de lui, toute la petite pièce s’était mise à vibrer. Alors, n’écoutant que son courage, il se jeta entre le Kami et Melkiar. | Le Fyros se retourna. Melkiar, tout juste entré dans la pièce, le fixait d’un air sombre. Toutefois, à peine le rescapé eut-t-il ouvert la bouche pour répondre que l’air se chargea en influx d’énergie : derrière lui, le Kami s’était élevé dans les airs et pointait d’une griffe étincelante le nouvel arrivant. De cette même main qui, quelques secondes auparavant, avait dévoilé l’étrange butin sanglant. À la vue du regard chargé de colère de la créature spirituelle, le corps de Bélénor se figea. Pourquoi regardait-elle Melkiar de cette manière ? Qu’avait-il fait pour mériter un tel traitement ? S’il désirait vivement comprendre la scène qui était en train de se dérouler sous ses yeux, l’heure était tout sauf aux questionnements. Car à mesure que la griffe se chargeait en magie, Bélénor sentait les cendres draconiques qui composaient son être entrer en résonance avec celles de la créature divine. Autour de lui, toute la petite pièce s’était mise à vibrer. Alors, n’écoutant que son courage, il se jeta entre le Kami et Melkiar. | ||
− | « Non ! Je | + | « Non ! Je vous en prie ! Il est mon ami, ne lui faites pas de mal ! » hurla-t-il en écartant les bras. |
Alors, instantanément, la griffe du Kami reprit sa couleur noire et l’air se déchargea de l’énergie qu’elle venait d’accumuler. La créature spirituelle, qui avait reporté son regard sur Bélénor, flotta jusqu’au sol. Elle flotta jusqu’au sol, puis s’y enfonça, lentement, comme si celui-ci n’avait aucune consistance. L’homin fixa longuement ses deux grands yeux blancs. Que venait-il de se passer ? Il ne comprenait pas. Et si réponse il y avait, elle ne viendrait pas du Kami. Car inexorablement, la créature se fondait dans l’écorce… Lorsque son petit poing disparut, vraisemblablement toujours serré autour de l'étrange globe de chair, Bélénor se questionna à nouveau sur la nature de son contenu. Il se demanda aussi ce que l’absence du Kami allait laisser au moment où ses deux grands yeux blancs s'évanouirent à leur tour. Reverrait-il un jour son sauveur ? Il ne pouvait pas en être certain. Pourtant, il ne ressentit nulle peine. Car la première émotion qui le submergea fût le soulagement. Oui : ils l’avaient échappé belle. | Alors, instantanément, la griffe du Kami reprit sa couleur noire et l’air se déchargea de l’énergie qu’elle venait d’accumuler. La créature spirituelle, qui avait reporté son regard sur Bélénor, flotta jusqu’au sol. Elle flotta jusqu’au sol, puis s’y enfonça, lentement, comme si celui-ci n’avait aucune consistance. L’homin fixa longuement ses deux grands yeux blancs. Que venait-il de se passer ? Il ne comprenait pas. Et si réponse il y avait, elle ne viendrait pas du Kami. Car inexorablement, la créature se fondait dans l’écorce… Lorsque son petit poing disparut, vraisemblablement toujours serré autour de l'étrange globe de chair, Bélénor se questionna à nouveau sur la nature de son contenu. Il se demanda aussi ce que l’absence du Kami allait laisser au moment où ses deux grands yeux blancs s'évanouirent à leur tour. Reverrait-il un jour son sauveur ? Il ne pouvait pas en être certain. Pourtant, il ne ressentit nulle peine. Car la première émotion qui le submergea fût le soulagement. Oui : ils l’avaient échappé belle. |