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<center><span style="color:purple;font-weight:bold"><big><big>'''An 2475 de Jena'''</big></big></span></center>
 
<center><span style="color:purple;font-weight:bold"><big><big>'''An 2475 de Jena'''</big></big></span></center>
 
{{Quotation|''Bélénor Nébius, narrateur''|
 
{{Quotation|''Bélénor Nébius, narrateur''|
{{Paragraphes FR|Lorsque Bélénor ouvrit les paupières, il ne vit que les ténèbres. Où était-il ? Quel jour étions-nous ? Et pourquoi avait-il si mal au crâne ? Si son nez pris le privait d'odorat, le goût du sang tapissant son palais faisait grimacer le Fyros. Que lui était-il arrivé ? Crachant pour soulager ses voies respiratoires, il constata avec quelques secondes de latence que la glaire ensanglantée qu’il venait de rejeter s’était envolée droit vers le ciel obscur, salissant au passage les manches de sa combinaison. Car ses bras ballottaient étrangement au-dessus de sa tête. Reprenant peu à peu ses esprits, Bélénor regarda ses pieds. Ils étaient emmêlés dans un filet racinaire, par-delà lequel une lumière brasillante semblait filtrer. Le Fyros se pencha plusieurs fois en avant pour le saisir, en vain. Le sol se refusait à lui. Il soupira et cracha une seconde fois. À nouveau, le glaire fila au-dessus de sa tête. Au-dessus, ou en dessous ? Alors, des souvenirs lui revinrent. Le regard terrifié de Melkiar, l’explosion, le choc contre la paroi de la crevasse, la chute. Transi d’horreur, le Fyros regarda derechef ses pieds emmêlés. Cette lumière brasillante, c’était celle de l’explosion. De la surface. À cette révélation, il fut pris d’un terrible vertige. Car il était effectivement suspendu par les pieds dans le vide. Si son premier réflexe fût de hurler longuement, Bélénor comprit aussitôt que cela ne lui serait d’aucune aide. Alors, il essaya d’attraper le filet racinaire, encore et encore, sans succès. S’il voulait remonter, il fallait qu’il se débarrasse de son barda. De toutes les précieuses provisions et fournitures qu’il contenait. Il n’avait pas le choix… Contraint, le Fyros saisit les sangles de son sac et les détacha précautionneusement. Et au moment où son lest tomba, l’une de ses jambes se décrocha. Hurlant une nouvelle fois, Bélénor réussit dans la panique à se redresser suffisamment pour attraper le filet des deux mains. Il n’eut alors qu'à canaliser la Sève qui l’irriguait pour forcer les minces racines à s’écarter légèrement, assez pour que sa petite carcasse puisse se frayer un passage jusqu’à la surface du maillage.
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{{Paragraphes FR|Lorsque Bélénor ouvrit les paupières, il ne vit que les ténèbres. Où était-il ? Quel jour étions-nous ? Et pourquoi avait-il si mal au crâne ? Si son nez pris le privait d'odorat, le goût du sang tapissant son palais faisait grimacer le Fyros. Que lui était-il arrivé ? Crachant pour soulager ses voies respiratoires, il constata avec quelques secondes de latence que la glaire ensanglantée qu’il venait de rejeter s’était envolée droit vers le ciel obscur, salissant au passage les manches de sa combinaison. Car ses bras ballottaient étrangement au-dessus de sa tête. Reprenant peu à peu ses esprits, Bélénor regarda ses pieds. Ils étaient emmêlés dans un filet racinaire, par-delà lequel une lumière brasillante semblait filtrer. Le Fyros se pencha plusieurs fois en avant pour le saisir, en vain. Le sol se refusait à lui. Il soupira et cracha une seconde fois. À nouveau, le glaire fila au-dessus de sa tête. Au-dessus, ou en dessous ? Alors, des souvenirs lui revinrent. Le regard terrifié de Melkiar, l’explosion, le choc contre la paroi de la crevasse, la chute. Transi d’horreur, le Fyros regarda derechef ses pieds emmêlés. Cette lumière brasillante, c’était celle de l’explosion. De la surface. À cette révélation, il fut pris d’un terrible vertige. Car il était effectivement suspendu par les pieds dans le vide. Si son premier réflexe fut de hurler longuement, Bélénor comprit aussitôt que cela ne lui serait d’aucune aide. Alors, il essaya d’attraper le filet racinaire, encore et encore, sans succès. S’il voulait remonter, il fallait qu’il se débarrasse de son barda. De toutes les précieuses provisions et fournitures qu’il contenait. Il n’avait pas le choix… Contraint, le Fyros saisit les sangles de son sac et les détacha précautionneusement. Et au moment où son lest tomba, l’une de ses jambes se décrocha. Hurlant une nouvelle fois, Bélénor réussit dans la panique à se redresser suffisamment pour attraper le filet des deux mains. Il n’eut alors qu'à canaliser la Sève qui l’irriguait pour forcer les minces racines à s’écarter légèrement, assez pour que sa petite carcasse puisse se frayer un passage jusqu’à la surface du maillage.
  
Le premier réflexe de Bélénor fut de vérifier si l’un de ses camarades avait été aussi chanceux que lui. Son cœur se glaça d’effroi lorsqu’il aperçut les quelques morceaux d’armure encore fumants qui l’entouraient. Alors qu’il vérifiait leur provenance, la terreur laissa aussitôt place au soulagement : toutes appartenaient aux Sauvages qui s’étaient fait sauter… Encore tremblant, le rescapé passa sa main droite sur la plaie qui balafrait son front, la referma d’un coup de doigt et leva la tête. À première vue, il devait se trouver à deux cent mètres sous la surface. Par chance, il avait été projeté par l’onde de choc, et avait chuté à flanc de paroi jusqu’aux terminaisons racinaires d’un arbre des profondeurs. En avait-il été de même pour ses camarades ? Bélénor déglutit et s’avança prudemment jusqu’à la limite du filet, à l’endroit où il pliait sous son poids. Désormais habitué à l’obscurité, il devinait la présence de lueurs au fond de la crevasse. La profondeur lui paraissait tout à fait démesurée. Il espérait donc, tout aussi profondément, que ses camarades étaient parvenus, eux, à s’agripper au bord de la crevasse… Puis, s’imaginant être l’unique survivant, le Fyros sentit le rythme de son cœur s’accélérer et ses larmes monter. Et alors que, désorienté, il reculait vers la paroi d'écorce, il trébucha à mi-distance : il s’était pris les pieds dans une étrange racine, qui lui enserrait dorénavant la cheville gauche. Cette même cheville tranchée par un Sauvage embusqué sur le pont racinaire, plus tôt dans la nuit. Cette même racine… constituée de cinq doigts. Alors Bélénor hurla et se débattit comme un fou. Et s’il crut entendre une voix, l’écho de ses cris la masqua totalement. La scène dura de longues secondes, durant lesquelles la main ne lâcha pas prise.
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Le premier réflexe de Bélénor fut de vérifier si l’un de ses camarades avait été aussi chanceux que lui. Son cœur se glaça d’effroi lorsqu’il aperçut les quelques morceaux d’armure encore fumants qui l’entouraient. Alors qu’il vérifiait leur provenance, la terreur laissa aussitôt place au soulagement : toutes appartenaient aux Sauvages qui s’étaient fait sauter… Encore tremblant, le rescapé passa sa main droite sur la plaie qui balafrait son front, la referma d’un coup de doigt et leva la tête. À première vue, il devait se trouver à deux cents mètres sous la surface. Par chance, il avait été projeté par l’onde de choc, et avait chuté à flanc de paroi jusqu’aux terminaisons racinaires d’un arbre des profondeurs. En avait-il été de même pour ses camarades ? Bélénor déglutit et s’avança prudemment jusqu’à la limite du filet, à l’endroit où il pliait sous son poids. Désormais habitué à l’obscurité, il devinait la présence de lueurs au fond de la crevasse. La profondeur lui paraissait tout à fait démesurée. Il espérait donc, tout aussi profondément, que ses camarades étaient parvenus, eux, à s’agripper au bord de la crevasse… Puis, s’imaginant être l’unique survivant, le Fyros sentit le rythme de son cœur s’accélérer et ses larmes monter. Et alors que, désorienté, il reculait vers la paroi d'écorce, il trébucha à mi-distance : il s’était pris les pieds dans une étrange racine, qui lui enserrait dorénavant la cheville gauche. Cette même cheville tranchée par un Sauvage embusqué sur le pont racinaire, plus tôt dans la nuit. Cette même racine… constituée de cinq doigts. Alors Bélénor hurla et se débattit comme un fou. Et s’il crut entendre une voix, l’écho de ses cris la masqua totalement. La scène dura de longues secondes, durant lesquelles la main ne lâcha pas prise.
  
 
« Bélénor, c’est toi ?
 
« Bélénor, c’est toi ?
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— Mais oui putain, c’est moi ! Aide-moi, je suis coincé ! »
 
— Mais oui putain, c’est moi ! Aide-moi, je suis coincé ! »
  
Immédiatement, la tristesse et la peur laissèrent place à l’euphorie la plus pure. Il n’était plus seul. Tout. Tout sauf la solitude. Usant de sa force et puisant dans la Sève, Bélénor aida son ami à s’extraire de la masse de racines enchevêtrées qui l'emprisonnait, en commençant par ses bras massifs. Sur Atys, la rapidité de croissance de certaines plantes était telle qu’il était parfois risqué de s’endormir trop longtemps en pleine nature. Lorsque le colosse eut repris le contrôle de ses membres supérieurs, il n'eut aucun mal à arracher les racines qui lui ligotaient les jambes. Fébrile, Bélénor ne put se retenir et sauta dans les bras de son ami. Il était si soulagé. Puis, il l’observa des pieds à la tête. La déflagration avait arraché les plaques d’armures de son torse, son casque, et lui avait causé de profondes brûlures au niveau du cou, du visage et du crâne. Durant quelques minutes, les deux Fyros vérifièrent si d’autres des leurs étaient ensevelis dans le filet racinaire, et constatèrent qu’ils étaient bel et bien seuls. Ils retrouvèrent seulement la gigantesque hache de Garius.
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Immédiatement, la tristesse et la peur laissèrent place à l’euphorie la plus pure. Il n’était plus seul. Tout. Tout sauf la solitude. Usant de sa force et puisant dans la Sève, Bélénor aida son ami à s’extraire de la masse de racines enchevêtrées qui l'emprisonnait, en commençant par ses bras massifs. Sur Atys, la rapidité de croissance de certaines plantes était telle qu’il était parfois risqué de s’endormir trop longtemps en pleine nature. Lorsque le colosse eut repris le contrôle de ses membres supérieurs, il n'eut aucun mal à arracher les racines qui lui ligotaient les jambes. Fébrile, Bélénor ne put se retenir et sauta dans les bras de son ami. Il était si soulagé ! Puis, il l’observa des pieds à la tête. La déflagration avait arraché les plaques d’armures de son torse, son casque, et lui avait causé de profondes brûlures au niveau du cou, du visage et du crâne. Durant quelques minutes, les deux Fyros vérifièrent si d’autres des leurs étaient ensevelis dans le filet racinaire, et constatèrent qu’ils étaient bel et bien seuls. Ils retrouvèrent seulement la gigantesque hache de Garius.
  
 
« Il n’y a personne Garius, ça ne sert à rien. Assieds-toi là, je vais te soigner. »
 
« Il n’y a personne Garius, ça ne sert à rien. Assieds-toi là, je vais te soigner. »
Строка 45: Строка 45:
 
Comprenant l’inquiétude qu’il éprouvait pour son jumeau, Bélénor posa ses deux mains gantées sur les épaules désormais guéries de son ami. Lui-même ne pouvait pas s’empêcher de penser à Brandille.
 
Comprenant l’inquiétude qu’il éprouvait pour son jumeau, Bélénor posa ses deux mains gantées sur les épaules désormais guéries de son ami. Lui-même ne pouvait pas s’empêcher de penser à Brandille.
  
« Garius, nous n’avons aucune idée de ce qu’il est advenu du reste de l’escouade. Mais si nous avons survécu, alors il y a de l’espoir pour eux aussi. Après tout, nous étions plus proches du groupe de kamikazes. Ils ont logiquement été moins impactés par l’explosion.
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« Garius, nous n’avons aucune idée de ce qu’il est advenu du reste de l’escouade. Mais si nous avons survécu, alors il y a de l’espoir pour eux aussi. Après tout, nous étions plus proches de ceux qui se sont fait sauter. Ils ont logiquement été moins impactés par l’explosion.
  
 
— Oui, tu as raison Bélénor, répondit le colosse en hochant la tête d’un air déterminé.
 
— Oui, tu as raison Bélénor, répondit le colosse en hochant la tête d’un air déterminé.
Строка 53: Строка 53:
 
— Euh, oui ?
 
— Euh, oui ?
  
— C’est notre porte de sortie. Ces fines racines sont celles d’un arbre dont le tronc ne se trouve sûrement pas à la surface, mais plutôt dans une caverne voisine. C’est comme si l’arbre essayait d’atteindre l’autre paroi, et de refermer la crevasse, tu vois ? Enfin, bref, Melkiar nous avait dit que les sous-sol de la région étaient particulièrement poreux. D’ailleurs, Fort Kronk est connu pour être connecté à un immense réseau de galeries. Si on a de la chance, il se peut qu’on tombe dessus ! »
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— C’est notre porte de sortie. Ces fines racines sont celles d’un arbre dont le tronc ne se trouve sûrement pas à la surface, mais plutôt dans une caverne voisine. C’est comme si l’arbre essayait d’atteindre l’autre paroi, et de refermer la crevasse, tu vois ? Enfin, bref, Melkiar nous avait dit que les sous-sols de la région étaient particulièrement poreux. D’ailleurs, Fort Kronk est connu pour être connecté à un immense réseau de galeries. Si on a de la chance, il se peut qu’on tombe dessus ! »
  
 
À ces mots, Garius se leva précipitamment. Il débordait d’une nouvelle énergie. D’un pas décidé, il se dirigea vers la paroi de la crevasse.
 
À ces mots, Garius se leva précipitamment. Il débordait d’une nouvelle énergie. D’un pas décidé, il se dirigea vers la paroi de la crevasse.
  
« T’es vraiment trop malin Bélénor ! Vas-y, on fait ça. On rentre dans ta caverne, on trouve les galeries, on rejoint les autres et on casse définitivement la gueule au Sauvages ! »
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« T’es vraiment trop malin Bélénor ! Vas-y, on fait ça. On rentre dans ta caverne, on trouve les galeries, on rejoint les autres et on casse définitivement la gueule aux Sauvages ! »
  
 
Heureux de voir que son ami avait retrouvé sa détermination, Bélénor se dirigea vers lui.
 
Heureux de voir que son ami avait retrouvé sa détermination, Bélénor se dirigea vers lui.
Строка 82: Строка 82:
 
— Waouh, c’est trop beau Bélénor ! Rrrah, je suis coincé… »
 
— Waouh, c’est trop beau Bélénor ! Rrrah, je suis coincé… »
 
[[file:Rotoa-L.jpg|right|400px|alt=Rotoai dans les Primes Racines|Rotoai dans les Primes Racines]]
 
[[file:Rotoa-L.jpg|right|400px|alt=Rotoai dans les Primes Racines|Rotoai dans les Primes Racines]]
Garius se débattit, donna involontairement un coup de pied dans le nez de son ami, hurla un bon coup, et finit par s’extirper de la faille, moyennant l’arrachage de quelques fines racines. Trop vite, sûrement, puisque Bélénor le vit perdre l’équilibre et dévaler une courte pente. Si le Fyros accueillit sans surprise le juron que poussa alors son ami, son cœur s’emballa lorsque le bruit sourd d’un grand remous lui parvint aux oreilles. De l’eau ? Hâtivement, et avec bien plus d’aisance que Garius, Bélénor s’échappa de la faille. La beauté du panorama qui s’offrait à son regard le pétrifia de stupeur. Il venait de pénétrer dans une immense caverne dont les parois d’écorce et le plafond, situé à une cinquantaine de mètres du sol, étaient constellées de blocs d’ambre. Tantôt diaphanes, tantôt réfléchissant la lumière produite par les nombreuses lucioles et plantes bioluminescentes qui peuplaient les profondeurs, les cloisons iridescentes de ce décor merveilleux rappela à Bélénor certains sites de fouilles qu’il avait pu visiter lors de son passage à Coriolis. En revanche, jamais il n’avait vu de végétaux aussi beaux que la gigantesque rotoa qui trônait au centre du lac dans lequel Garius était tombé. Cette plante endémique des Primes Racines, tant célébrée pour sa beauté, devait mesurer dans les quinze mètres. Un spécimen impressionnant, qui aurait ravi les botanistes matis, dont chacun connaissait l’attrait pour les rotoai. En effet, la rotoa était une plante née de la fusion de racines de différents végétaux, dont l’un d’entre eux s’était spécialisé dans la reproduction de l’espèce chimérique, via la conception de fleurs aux teintes roses, mauves et blanches. Des fleurs qui, vu d’ici, devaient mesurer dans les six mètres de circonférence. Une plante magnifique donc, mais aussi un objet d’étude précieux pour les scientifiques d’Atys, pour qui la rotoa représentait l’incarnation de l’être symbiotique.
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Garius se débattit, donna involontairement un coup de pied dans le nez de son ami, hurla un bon coup, et finit par s’extirper de la faille, moyennant l’arrachage de quelques fines racines. Trop vite, sûrement, puisque Bélénor le vit perdre l’équilibre et dévaler une courte pente. Si le Fyros accueillit sans surprise le juron que poussa alors son ami, son cœur s’emballa lorsque le bruit sourd d’un grand remous lui parvint aux oreilles. De l’eau ? Hâtivement, et avec bien plus d’aisance que Garius, Bélénor s’échappa de la faille. La beauté du panorama qui s’offrait à son regard le pétrifia de stupeur. Il venait de pénétrer dans une immense caverne dont les parois d’écorce et le plafond, situé à une cinquantaine de mètres du sol, étaient constellées de blocs d’ambre. Tantôt diaphanes, tantôt réfléchissant la lumière produite par les nombreuses lucioles et plantes bioluminescentes qui peuplaient les profondeurs, les cloisons iridescentes de ce décor merveilleux rappela à Bélénor certains sites de fouilles qu’il avait pu visiter lors de son passage à Coriolis. En revanche, jamais il n’avait vu de végétaux aussi beaux que la gigantesque rotoa qui trônait au centre du lac dans lequel Garius était tombé. Cette plante endémique des Primes Racines, tant célébrée pour sa beauté, devait mesurer dans les quinze mètres. Un spécimen impressionnant, qui aurait ravi les botanistes matis, dont chacun connaissait l’attrait pour les rotoai. En effet, la rotoa était une plante née de la fusion de racines de différents végétaux, dont l’un d’entre eux s’était spécialisé dans la reproduction de l’espèce chimérique, via la conception de fleurs aux teintes roses, mauves et blanches. Des fleurs qui, vues d’ici, devaient mesurer dans les six mètres de circonférence. Une plante magnifique donc, mais aussi un objet d’étude précieux pour les scientifiques d’Atys, pour qui la rotoa représentait l’incarnation de l’être symbiotique.
  
 
« Bélénor, l’eau est si fraîche ! C’est fou de se dire qu’il fait si bon, alors qu'à seulement quelques kilomètres à l’est, les cavernes sont de véritables fournaises ! Allez, viens te baigner ! »
 
« Bélénor, l’eau est si fraîche ! C’est fou de se dire qu’il fait si bon, alors qu'à seulement quelques kilomètres à l’est, les cavernes sont de véritables fournaises ! Allez, viens te baigner ! »
 
[[file:Lumper.jpg|right|400px|alt=Lumper dans les Primes Racines|Lumper dans les Primes Racines]]
 
[[file:Lumper.jpg|right|400px|alt=Lumper dans les Primes Racines|Lumper dans les Primes Racines]]
Le Fyros ferma la bouche et se dirigea vers son ami. C’est en marchant qu’il remarqua la fine pluie de pollen multicolore qui emplissait l’espace, et qui participait à l’effet kaléidoscopique hypnotisant général. C’était donc ça, l’écosystème des Primes Racines ? Lorsqu’il arriva au bord du bassin, il commença à dégrafer sa combinaison. Et puis, remarquant qu’un groupe de quatre lumpers, en tout point identique à ceux qui peuplaient la surface, étaient en train de se désaltérer prudemment non loin de là, il hésita. Ces herbivores au pelage émeraude, au dos recouvert d’épines, et aux quatre longues et puissantes pattes arquées, ne représentaient pas une menace. À bien y regarder, leurs gros yeux rouges et charnus placés sur les deux côtés de leur tête laissaient même deviner la crainte qu’ils ressentaient vis-à-vis des deux homins. Par contre, leur présence témoignait de l’existence d’une faune sauvage dans ces cavernes, dont certaines espèces étaient probablement bien plus dangereuses que les lumpers. Bélénor frissonna en pensant aux vorax, ces lézards endémiques des Primes Racines pourvus d’un dos épineux et d’une gigantesque mâchoire bardée de dents aussi tranchantes qu’un rasoir. Des prédateurs qui pouvaient, lui avait-on dit, atteindre jusqu'à cinq mètres de long. Il n’en n’avait jamais rencontré. Et bien que sa curiosité soit grande, le Fyros voulait éviter de faire la connaissance d’un tel prédateur alors qu’il prenait son bain. Aussi, tout en remplissant sa gourde, il interpella son ami sans tarder :
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Le Fyros ferma la bouche et se dirigea vers son ami. C’est en marchant qu’il remarqua la fine pluie de pollen multicolore qui emplissait l’espace, et qui participait à l’effet kaléidoscopique hypnotisant général. C’était donc ça, l’écosystème des Primes Racines ? Lorsqu’il arriva au bord du bassin, il commença à dégrafer sa combinaison. Et puis, remarquant qu’un groupe de quatre lumpers étaient en train de se désaltérer prudemment non loin de là, il hésita. Ces herbivores au pelage émeraude, au dos recouvert d’épines, et aux quatre longues et puissantes pattes arquées, ne représentaient pas une menace. À bien y regarder, leurs gros yeux rouges et charnus placés sur les deux côtés de leur tête laissaient même deviner la crainte qu’ils ressentaient vis-à-vis des deux homins. Par contre, leur présence témoignait de l’existence d’une faune sauvage dans ces cavernes, dont certaines espèces étaient probablement bien plus dangereuses que les lumpers. Bélénor frissonna en pensant aux vorax, ces lézards endémiques des Primes Racines pourvus d’un dos épineux et d’une gigantesque mâchoire bardée de dents aussi tranchantes qu’un rasoir. Des prédateurs qui pouvaient, lui avait-on dit, atteindre jusqu'à cinq mètres de long. Il n’en avait jamais rencontré. Et bien que sa curiosité soit grande, le Fyros voulait éviter de faire la connaissance d’un tel prédateur alors qu’il prenait son bain. Aussi, tout en remplissant sa gourde, il interpella son ami sans tarder :
 
[[file:Vorax.jpg|right|400px|alt=Vorax dans les Primes Racines|Vorax dans les Primes Racines]]
 
[[file:Vorax.jpg|right|400px|alt=Vorax dans les Primes Racines|Vorax dans les Primes Racines]]
 
« Garius ! Tu devrais sortir. On ne sait pas quelles créatures peuplent ces cavernes…
 
« Garius ! Tu devrais sortir. On ne sait pas quelles créatures peuplent ces cavernes…
Строка 142: Строка 142:
 
« Bonjour, fiers représentants de la tribu des Sauvages ! Je me présente, Bélénor Nebius, ambassadeur de l’Empire Fyros envoyé dans votre pays pour arbitrer les négociations entre votre tribu et celle des Larmes du Dragon ! »
 
« Bonjour, fiers représentants de la tribu des Sauvages ! Je me présente, Bélénor Nebius, ambassadeur de l’Empire Fyros envoyé dans votre pays pour arbitrer les négociations entre votre tribu et celle des Larmes du Dragon ! »
  
Le mensonge était gros. En témoignait le regard interloqué que lui envoya Garius. De la même manière que les différentes escouades de l’escadron du capitaine Apokillo, avaient été envoyées à différents endroits stratégiques du désert extrême-occidental, l’escouade dirigée par Melkiar était un simple renfort dépêché par l’Empire pour affermir les défenses de Fort Kronk. L’Empire n’avait jamais prévu de négocier. Mais, si ce mensonge passait, l’espoir de négociations ajouté à l’immunité diplomatique dont jouissait, en principe, tout ambassadeur pourrait leur sauver la mise. Instantanément, des murmures se firent entendre dans la pénombre. Son introduction avait fait son petit effet.
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Le mensonge était gros. En témoignait le regard interloqué que lui envoya Garius. De la même manière que les différentes escouades de l’escadron du capitaine Apokillo avaient été envoyées à différents endroits stratégiques du désert extrême-occidental, l’escouade dirigée par Melkiar était un simple renfort dépêché par l’Empire pour affermir les défenses de Fort Kronk. L’Empire n’avait jamais prévu de négocier. Mais, si ce mensonge passait, l’espoir de négociations ajouté à l’immunité diplomatique dont jouissait, en principe, tout ambassadeur, pourrait leur sauver la mise. Instantanément, des murmures se firent entendre dans la pénombre. Son introduction avait fait son petit effet.
  
 
« Un ambassadeur, hein ? répondit sèchement le Sauvage. Je reconnais bien là l’Empire. Détruire puis négocier. On m’avait dit que Thesop était un tyran sans honneur, et qu’avec son assassinat, tout deviendrait plus simple pour nous. Mensonges. Rien n’a changé depuis que Krospas dirige votre empire décadent. Vivre derrière ces murs vous a définitivement transformés en couards serviles. J’ai honte de partager votre sang ! »
 
« Un ambassadeur, hein ? répondit sèchement le Sauvage. Je reconnais bien là l’Empire. Détruire puis négocier. On m’avait dit que Thesop était un tyran sans honneur, et qu’avec son assassinat, tout deviendrait plus simple pour nous. Mensonges. Rien n’a changé depuis que Krospas dirige votre empire décadent. Vivre derrière ces murs vous a définitivement transformés en couards serviles. J’ai honte de partager votre sang ! »
Строка 160: Строка 160:
 
Les coups de pied reprirent aussitôt. Bélénor, qui commençait à paniquer, ne réussit pas à contenir son émotion.
 
Les coups de pied reprirent aussitôt. Bélénor, qui commençait à paniquer, ne réussit pas à contenir son émotion.
  
« Arrêtez ! Et, Garius, laisse-moi parler ! Oui, nous faisons partie de l’escouade du fils de Tigriron. Notre mission était d’atteindre Fort Kronk afin de lancer les négociations avec votre tribu. Mais nous nous sommes fait attaquer par vos soldats sur un pont racinaire et…
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« Arrêtez ! Et, Garius, laisse-moi parler ! Oui, nous faisons partie de l’escouade du fils de Tigriron. Notre mission était d’atteindre Fort Kronk afin de lancer les négociations avec la tribu des Sauvages. Mais nous nous sommes fait attaquer par certains d’entre vous sur un pont racinaire et…
  
 
— Je sais ce qu'il s'est passé. Vous avez été chanceux que seule une partie du pont s’effondre. Moi, ce que je veux savoir, c’est où se trouve le fils de Tigriron. On vous a vu descendre dans nos galeries. »
 
— Je sais ce qu'il s'est passé. Vous avez été chanceux que seule une partie du pont s’effondre. Moi, ce que je veux savoir, c’est où se trouve le fils de Tigriron. On vous a vu descendre dans nos galeries. »
Строка 166: Строка 166:
 
À ces mots, le cœur de Bélénor se souleva. Une seule partie du pont s’était effondrée ? Donc, Melkiar et les autres avaient survécu ! Mieux encore : ils étaient partis à leur recherche en empruntant le réseau de veines asséchées. Ils pouvaient débarquer d’une minute à l’autre pour les libérer. En attendant, il devait gagner du temps.
 
À ces mots, le cœur de Bélénor se souleva. Une seule partie du pont s’était effondrée ? Donc, Melkiar et les autres avaient survécu ! Mieux encore : ils étaient partis à leur recherche en empruntant le réseau de veines asséchées. Ils pouvaient débarquer d’une minute à l’autre pour les libérer. En attendant, il devait gagner du temps.
  
« Vous vous trompez, nous avons été séparés de notre escouade durant l’explosion ! Nous sommes tombés dans la crevasse et avons miraculeusement trouvé un passage pour rejoindre les cavernes. Nous ne savons pas où ils se trouvent. Mais en tant qu’ambassadeur, je suis un prisonnier de valeur ! Si vous les trouvez, vous serez en position avantageuse pour négocier ! »
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« Tu te trompes, nous avons été séparés de notre escouade durant l’explosion ! Nous sommes tombés dans la crevasse et avons miraculeusement trouvé un passage pour rejoindre les cavernes. Nous ne savons pas où ils se trouvent. Mais en tant qu’ambassadeur, je suis un prisonnier de valeur ! Si vous les trouvez, vous serez en position avantageuse pour négocier ! »
  
 
Oui, c’était la seule stratégie viable. D’ici à ce que les Sauvages les ramènent auprès de Melkiar et des autres, il trouverait un moyen de négocier. Voire de les piéger. Il devait consacrer tout le temps qui lui restait à imaginer toutes les solutions possibles.
 
Oui, c’était la seule stratégie viable. D’ici à ce que les Sauvages les ramènent auprès de Melkiar et des autres, il trouverait un moyen de négocier. Voire de les piéger. Il devait consacrer tout le temps qui lui restait à imaginer toutes les solutions possibles.
Строка 172: Строка 172:
 
« Tu voudrais me faire croire que vous avez survécu à une chute de plusieurs centaines de mètres ? Pour qui me prends-tu ? Je connais cette partie du désert mieux que quiconque.
 
« Tu voudrais me faire croire que vous avez survécu à une chute de plusieurs centaines de mètres ? Pour qui me prends-tu ? Je connais cette partie du désert mieux que quiconque.
  
— Alors vous savez sans doute que les parois des crevasses sont souvent tapissées de racines ! Nous sommes tombés dans un espèce de filet, et ce n’est qu’ensuite que nous sommes remontés à la source des racines, à travers la crevasse de la paroi ! Vous devez nous croire. Nous ne savons pas où ils sont !
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— Alors tu sais sans doute que les parois des crevasses sont souvent tapissées de racines ! Nous sommes tombés dans un espèce de filet, et ce n’est qu’ensuite que nous sommes remontés à la source des racines, à travers la crevasse de la paroi. Tu dois nous croire. Nous ne savons pas où ils sont !
  
— Et puis si on savait où ils sont… Kof kof… on vous le dirait pas, renchérit Garius en toussant du sang. On préfère attendre qu’ils nous retrouvent… et vous butent tous.
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— Et puis si on savait où ils sont… Kof kof… on te le dirait pas, renchérit Garius en toussant du sang. On préfère attendre qu’ils nous retrouvent… et vous butent tous.
  
— Garius, ferme-! »
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— Garius, ferme-la ! »
  
 
La bastonnade reprit aussitôt. Mais d’un signe de main de leur supérieur, les sbires cessèrent. Un silence pesant s’installa alors dans le conduit obscur, où seule la respiration sifflante de Garius était perceptible. Et puis, le Sauvage se leva, posa la lanterne qu’il tenait au sol, saisit les bords de son casque, et lentement, le retira. Il était un Fyros d’environ quarante ans, dont les cheveux couleur bois, très abîmés, se confondaient avec son visage bruni et bardé de cicatrices. Délicatement, il posa l’une de ses mains gantées sur le manche de la hache de Garius, dont la lame était encore fichée dans la souche. Bélénor ne réussit pas à déchiffrer le regard qu’il lui envoya.
 
La bastonnade reprit aussitôt. Mais d’un signe de main de leur supérieur, les sbires cessèrent. Un silence pesant s’installa alors dans le conduit obscur, où seule la respiration sifflante de Garius était perceptible. Et puis, le Sauvage se leva, posa la lanterne qu’il tenait au sol, saisit les bords de son casque, et lentement, le retira. Il était un Fyros d’environ quarante ans, dont les cheveux couleur bois, très abîmés, se confondaient avec son visage bruni et bardé de cicatrices. Délicatement, il posa l’une de ses mains gantées sur le manche de la hache de Garius, dont la lame était encore fichée dans la souche. Bélénor ne réussit pas à déchiffrer le regard qu’il lui envoya.
Строка 182: Строка 182:
 
« C’est un piège ? Vous vous croyez plus malins que moi, hein ? dit-il en caressant le pommeau de l’arme.
 
« C’est un piège ? Vous vous croyez plus malins que moi, hein ? dit-il en caressant le pommeau de l’arme.
  
— Non, non, absolument pas ! Ne l’écoutez pas, il n’y a aucun piège ! Nous ne savons pas où se trouvent nos camarades !
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— Non, non, absolument pas ! Ne l’écoute pas, il n’y a aucun piège ! Nous ne savons pas où se trouvent nos camarades !
  
 
— Vous êtes tous pareils, vous, les impériaux. Vous nous prenez pour des cons. Des dégénérés, des primitifs… Oui, nous sommes des  
 
— Vous êtes tous pareils, vous, les impériaux. Vous nous prenez pour des cons. Des dégénérés, des primitifs… Oui, nous sommes des  
 
Sauvages. Mais pas parce que nous ne sommes pas civilisés, non. Parce que nous chérissons notre liberté, et que nous sommes prêts à tout pour la préserver ! Mes camarades, sur le pont, qui se sont fait sauter : ils étaient malades. C’est ce qui arrive lorsqu’on respire trop longtemps les torrents d’air du Désert de Feu. C’est ce qui arrive lorsqu’on ne vit pas derrière des murs. Bien sûr, ils auraient préféré vivre quelques années de plus. Mais encerclés comme ils l’étaient, ils ont décidé de tenter le tout pour le tout. Ils n’avaient plus rien à perdre, ils avaient déjà tout accompli. Et vous savez quoi ? Moi aussi, j’ai déjà beaucoup accompli.
 
Sauvages. Mais pas parce que nous ne sommes pas civilisés, non. Parce que nous chérissons notre liberté, et que nous sommes prêts à tout pour la préserver ! Mes camarades, sur le pont, qui se sont fait sauter : ils étaient malades. C’est ce qui arrive lorsqu’on respire trop longtemps les torrents d’air du Désert de Feu. C’est ce qui arrive lorsqu’on ne vit pas derrière des murs. Bien sûr, ils auraient préféré vivre quelques années de plus. Mais encerclés comme ils l’étaient, ils ont décidé de tenter le tout pour le tout. Ils n’avaient plus rien à perdre, ils avaient déjà tout accompli. Et vous savez quoi ? Moi aussi, j’ai déjà beaucoup accompli.
  
— Je vous en prie, écoutez-moi ! »
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— Je t'en prie, écoute-moi ! »
  
 
D’une main, le Sauvage attrapa Garius par le col de sa combinaison et plaqua sa tête tuméfiée contre la souche. La bouche ébréchée du colosse laissa échapper un chuintement railleur alors que les yeux de Bélénor se remplissaient de larmes.
 
D’une main, le Sauvage attrapa Garius par le col de sa combinaison et plaqua sa tête tuméfiée contre la souche. La bouche ébréchée du colosse laissa échapper un chuintement railleur alors que les yeux de Bélénor se remplissaient de larmes.
Строка 195: Строка 195:
 
— Oui… Je… Je pisse sur tes ancêtres.
 
— Oui… Je… Je pisse sur tes ancêtres.
  
— Mais… Garius, tais-toi ! Écoutez-moi. Pourquoi vous mentirais-je, pourquoi ?! Nous sommes tous les deux des otages précieux, vous… vous avez tout intérêt à nous garder prisonniers et à négocier notre libération avec Melkiar ! Vous avez tout à y gagner, et nous avons beaucoup à offrir !
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— Mais… Garius, tais-toi ! Aekoros, écoute-moi. Pourquoi te mentirais-je, pourquoi ?! Nous sommes tous les deux des otages précieux, tu… tu as tout intérêt à nous garder prisonniers et à négocier notre libération avec Melkiar ! Tu as tout à y gagner, et nous avons beaucoup à offrir !
  
 
— Vous ? Je croyais que c’était toi, l’otage précieux… Des mensonges. Encore des mensonges. Vous ne me prenez définitivement pas au sérieux. Maintenez-le bien ! lança-t-il d’un ton ferme à ses sbires en giflant le crâne de Garius.
 
— Vous ? Je croyais que c’était toi, l’otage précieux… Des mensonges. Encore des mensonges. Vous ne me prenez définitivement pas au sérieux. Maintenez-le bien ! lança-t-il d’un ton ferme à ses sbires en giflant le crâne de Garius.
  
— Je vous en prie, qu’est-ce que vous comptez faire ?! »
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— Je t’en prie, qu’est-ce que tu comptes faire ?! »
  
 
Pour toute réponse, le Sauvage arracha la hache de son socle et se mit à faire les cent pas, manifestement plongé dans ses réflexions. Plusieurs dizaines de secondes passèrent ainsi. Et puis, dans un murmure, Garius tenta de rassurer Bélénor.
 
Pour toute réponse, le Sauvage arracha la hache de son socle et se mit à faire les cent pas, manifestement plongé dans ses réflexions. Plusieurs dizaines de secondes passèrent ainsi. Et puis, dans un murmure, Garius tenta de rassurer Bélénor.
Строка 205: Строка 205:
 
« Ne t’en fais pas Bé… Bélénor. Tout… Tout va bien… Kof kof… Tout va bien se passer.
 
« Ne t’en fais pas Bé… Bélénor. Tout… Tout va bien… Kof kof… Tout va bien se passer.
  
— Ga… garde le silence Garius, je… je t’en prie, bégaya le Fyros, les yeux embués de larmes. U… Utilise la sève et soigne tes blessures. Moi je… Je gère la situation, d'accord ? »
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— Ga… Garde le silence Garius, je… je t’en prie, bégaya le Fyros, les yeux embués de larmes. U… Utilise la sève et soigne tes blessures. Moi je… je gère la situation, d'accord ? »
 
Garius, la tête toujours plaquée contre la souche, improvisa un sourire édenté. Au même moment, le Sauvage stoppa sa marche pensive.
 
Garius, la tête toujours plaquée contre la souche, improvisa un sourire édenté. Au même moment, le Sauvage stoppa sa marche pensive.
  
Строка 212: Строка 212:
 
Le cœur de Bélénor s’emballa à nouveau.
 
Le cœur de Bélénor s’emballa à nouveau.
  
« M… merci ! Vous… venez de prendre la meilleure décision de votre vie ! Vous ne le regretterez pas !
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« M… Merci ! Tu… Tu viens de prendre la meilleure décision de ta vie ! Tu ne le regretteras pas !
  
 
— Je l’espère. De toute façon, si tu as tenté de nous berner, tu finiras comme ton ami.
 
— Je l’espère. De toute façon, si tu as tenté de nous berner, tu finiras comme ton ami.
Строка 252: Строка 252:
 
« Qu’est-ce que vous attendez ? Bâillonnez-le.
 
« Qu’est-ce que vous attendez ? Bâillonnez-le.
  
— Chef… Il y a quelque chose, là. Vous ne les voyez pas ? Deux sphères… »
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— Chef… Il y a quelque chose, là. Tu ne les vois pas ? Deux sphères… »
  
 
Le sbire n'eut pas le temps de terminer sa phrase qu’un tentacule de ténèbres surgit du néant et lui perfora la poitrine au niveau du cœur. Un vent de panique gagna aussitôt le groupe de Sauvages qui dégaina haches et fusils. Mais rien ne pouvait arrêter l’orage qu’ils avaient levé… Car, depuis les ténèbres, une multitude d’autres appendices noirs fondirent sur les malheureux, bien incapables de se défendre. Entendant l’écho lointain des cris d’horreur, Bélénor émergea en partie de son état catatonique. Où était-il ? Qui poussait ces cris ? Et quel était ce liquide chaud et épais qui lui coulait sur le visage et infiltrait les brèches de son armure ? Alors, le Fyros leva la tête. Malgré la faible lueur émise par la lanterne, il reconnut sans mal un Kami de la jungle : la profondeur de ce noir ; la blancheur de ces yeux. Mais celui-ci était différent des Kamis habituels. Car son petit corps était suspendu à six longues pattes noires et velues, semblant jaillir de son échine… Toujours ailleurs, Bélénor observa l’étrange Kami passer par-dessus lui, lentement. Il aurait dû être terrifié par l’apparence sinistre de la créature divine, il le savait. Pourtant, il ne ressentait aucune peur. Il ne ressentait plus rien.
 
Le sbire n'eut pas le temps de terminer sa phrase qu’un tentacule de ténèbres surgit du néant et lui perfora la poitrine au niveau du cœur. Un vent de panique gagna aussitôt le groupe de Sauvages qui dégaina haches et fusils. Mais rien ne pouvait arrêter l’orage qu’ils avaient levé… Car, depuis les ténèbres, une multitude d’autres appendices noirs fondirent sur les malheureux, bien incapables de se défendre. Entendant l’écho lointain des cris d’horreur, Bélénor émergea en partie de son état catatonique. Où était-il ? Qui poussait ces cris ? Et quel était ce liquide chaud et épais qui lui coulait sur le visage et infiltrait les brèches de son armure ? Alors, le Fyros leva la tête. Malgré la faible lueur émise par la lanterne, il reconnut sans mal un Kami de la jungle : la profondeur de ce noir ; la blancheur de ces yeux. Mais celui-ci était différent des Kamis habituels. Car son petit corps était suspendu à six longues pattes noires et velues, semblant jaillir de son échine… Toujours ailleurs, Bélénor observa l’étrange Kami passer par-dessus lui, lentement. Il aurait dû être terrifié par l’apparence sinistre de la créature divine, il le savait. Pourtant, il ne ressentait aucune peur. Il ne ressentait plus rien.
Строка 268: Строка 268:
 
Intrigué, Bélénor porta à nouveau son regard sur la créature spirituelle. Au-dessus de l’amputé, le Kami était en train de changer d’apparence. Son corps, naturellement rebondi, gonflait à vue d'œil. Sa tête s’élargissait de telle sorte que, peu à peu, ses yeux livides migrèrent vers ses tempes. Ses petites pattes se recroquevillèrent, jusqu’à disparaître totalement. Mais le pire restait à venir… Car dans un gargouillement immonde, la masse noire et enflée se déchira. De bas en haut. Ce n’est que lorsque Bélénor aperçut l’ignoble fente bardée de dents qu’il reprit conscience de lui-même : son corps, toujours ligoté à sa chaise, était désormais saisi d’une peur viscérale. Oui, il était paralysé de terreur. Et alors que la gueule cauchemardesque se rapprochait du Sauvage, lui aussi tétanisé, il sombra. Il sombra et rêva. De la tête de Garius, des hurlements de désespoir de Varran, de la toilette prodiguée par Tisse, des caresses de Xynala, et du regard éteint de Melkiar.
 
Intrigué, Bélénor porta à nouveau son regard sur la créature spirituelle. Au-dessus de l’amputé, le Kami était en train de changer d’apparence. Son corps, naturellement rebondi, gonflait à vue d'œil. Sa tête s’élargissait de telle sorte que, peu à peu, ses yeux livides migrèrent vers ses tempes. Ses petites pattes se recroquevillèrent, jusqu’à disparaître totalement. Mais le pire restait à venir… Car dans un gargouillement immonde, la masse noire et enflée se déchira. De bas en haut. Ce n’est que lorsque Bélénor aperçut l’ignoble fente bardée de dents qu’il reprit conscience de lui-même : son corps, toujours ligoté à sa chaise, était désormais saisi d’une peur viscérale. Oui, il était paralysé de terreur. Et alors que la gueule cauchemardesque se rapprochait du Sauvage, lui aussi tétanisé, il sombra. Il sombra et rêva. De la tête de Garius, des hurlements de désespoir de Varran, de la toilette prodiguée par Tisse, des caresses de Xynala, et du regard éteint de Melkiar.
 
{{Couillard}}
 
{{Couillard}}
Pour la troisième fois en quelques heures, Bélénor reprit connaissance. La première chose qu’il vit en ouvrant les yeux fût le visage de Xynala, yeux clos, situé à quelques centimètres du sien. La Fyrosse, allongée contre lui, semblait dormir. Donc, il n’avait pas rêvé : ses camarades l’avaient bien retrouvé. Tout était réel, même la mort de Garius… Observant autour de lui, il remarqua que tous deux se trouvaient dans une petite alcôve creusée dans l’écorce, éclairée par la lueur d’une lanterne pendue au plafond. Puis, Bélénor posa à nouveau son regard sur le visage endormi de son amie. Elle semblait si sereine. Soulagé de la savoir saine et sauve, il l’embrassa sur le front. Bien qu’assoupie, Xynala réagit en passant un bras sous son aisselle et en se serrant contre lui. Le contact de sa peau chaude était si apaisant.
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Pour la troisième fois en quelques heures, Bélénor reprit connaissance. La première chose qu’il vit en ouvrant les yeux fut le visage de Xynala, yeux clos, situé à quelques centimètres du sien. La Fyrosse, allongée contre lui, semblait dormir. Donc, il n’avait pas rêvé : ses camarades l’avaient bien retrouvé. Tout était réel, même la mort de Garius… Observant autour de lui, il remarqua que tous deux se trouvaient dans une petite alcôve creusée dans l’écorce, éclairée par la lueur d’une lanterne pendue au plafond. Puis, Bélénor posa à nouveau son regard sur le visage endormi de son amie. Elle semblait si sereine. Soulagé de la savoir saine et sauve, il l’embrassa sur le front. Bien qu’assoupie, Xynala réagit en passant un bras sous son aisselle et en se serrant contre lui. Le contact de sa peau chaude était si apaisant.
  
« Xynala, tu m’entends ? Je dois voir le corps de Garius. Ou est-il ? »
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« Xynala, tu m’entends ? Je dois voir le corps de Garius. est-il ? »
  
 
D’un sursaut, la Fyrosse se réveilla. Et à peine croisa-t-elle le regard de Bélénor que ses yeux se chargèrent de larmes. Aussitôt, elle enfouit son visage dans le cou de son ami. Le Fyros sentit les muscles puissants de son bras se contracter, contre son dos.
 
D’un sursaut, la Fyrosse se réveilla. Et à peine croisa-t-elle le regard de Bélénor que ses yeux se chargèrent de larmes. Aussitôt, elle enfouit son visage dans le cou de son ami. Le Fyros sentit les muscles puissants de son bras se contracter, contre son dos.
Строка 304: Строка 304:
 
Alors, toujours assis, le Fyros se retourna. À quelques mètres de lui, un Kami noir le fixait de ses grands yeux blancs et vides. D’une démarche pataude, la créature divine s’avança jusqu’à Bélénor, qui, se rappelant de la bouche monstrueuse qui avait dévoré le chef des Sauvages, entama un mouvement de recul. Pour autant, l’homin ne se découragea pas.
 
Alors, toujours assis, le Fyros se retourna. À quelques mètres de lui, un Kami noir le fixait de ses grands yeux blancs et vides. D’une démarche pataude, la créature divine s’avança jusqu’à Bélénor, qui, se rappelant de la bouche monstrueuse qui avait dévoré le chef des Sauvages, entama un mouvement de recul. Pour autant, l’homin ne se découragea pas.
  
« Je… Je vous remercie d’être venu me sauver, ô puissant Kami. Mais je… Je ne peux pas m’empêcher de penser à mon ami… Pourquoi ? Pourquoi n’êtes-vous pas intervenu quelques minutes plus tôt ? »
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« Je… Je te remercie d’être venu me sauver, ô puissant Kami. Mais je… je ne peux pas m’empêcher de penser à mon ami… Pourquoi ? Pourquoi n’es-tu pas intervenu quelques minutes plus tôt ? »
  
 
Le Kami, qui s’était arrêté au niveau du corps de Garius, porta à nouveau son regard sur Bélénor. Le rescapé écarquilla les yeux et déglutit. Car désormais, les yeux de la créature spirituelle étaient chargés de tristesse. Sans savoir pourquoi, Bélénor tendit un bras. Et alors, le Kami réagit d’une manière totalement inattendue : il appuya sa tête contre la main de l’homin et se frotta à elle, comme un animal l’aurait fait. Bélénor n’eut pas le temps d’apprécier la douceur fabuleuse de son pelage qu’une vision le traversa. Une vision à l’allure de souvenir. Lui, en train de caresser le masque d’un Zoraï. Un masque ferme, chaud et noir. Comme s’il venait de se brûler, le Fyros retira brusquement sa main, qu’il observa ensuite longuement. Et puis, Xynala tapota sur son épaule, le libérant des méandres de son esprit.
 
Le Kami, qui s’était arrêté au niveau du corps de Garius, porta à nouveau son regard sur Bélénor. Le rescapé écarquilla les yeux et déglutit. Car désormais, les yeux de la créature spirituelle étaient chargés de tristesse. Sans savoir pourquoi, Bélénor tendit un bras. Et alors, le Kami réagit d’une manière totalement inattendue : il appuya sa tête contre la main de l’homin et se frotta à elle, comme un animal l’aurait fait. Bélénor n’eut pas le temps d’apprécier la douceur fabuleuse de son pelage qu’une vision le traversa. Une vision à l’allure de souvenir. Lui, en train de caresser le masque d’un Zoraï. Un masque ferme, chaud et noir. Comme s’il venait de se brûler, le Fyros retira brusquement sa main, qu’il observa ensuite longuement. Et puis, Xynala tapota sur son épaule, le libérant des méandres de son esprit.
Строка 312: Строка 312:
 
La créature divine, qui s’était penchée sur le corps de Garius, souleva d’un regard le drap mortuaire. À la vue de la tête coupée de son ami, le cœur de Bélénor se souleva. Brusquement, il se mit debout, suivit par Xynala.
 
La créature divine, qui s’était penchée sur le corps de Garius, souleva d’un regard le drap mortuaire. À la vue de la tête coupée de son ami, le cœur de Bélénor se souleva. Brusquement, il se mit debout, suivit par Xynala.
  
« Vous… Vous pouvez le ramener à la vie ? Vous êtes un Kami, vous disposez de pouvoirs incroyables ! Vous… Vous le pouvez, j’en suis certain ! »
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« Tu… Tu peux le ramener à la vie ? Tu es un Kami, tu disposes de pouvoirs incroyables ! Tu… Tu le peux, j’en suis certain ! »
  
 
Sans réagir aux paroles de l’homin, le Kami posa ses trois grandes griffes sur la lèvre supérieure du cadavre, dont deux au niveau des narines. Ce n’est que lorsqu’ils virent la tête de Garius bouger et le sang couler que les deux Fyros comprirent que les griffes du Kami était en train de s’allonger à l’intérieur du crâne de leur ami. Si Xynala fît un pas en avant, Bélénor lui attrapa le bras. Il devait savoir. Était-il capable de le ramener à la vie ? De longues et silencieuses secondes passèrent. Et puis, finalement, le Kami retira sa patte du visage de Garius. Ses longues griffes étaient couvertes de sang. Se tournant vers Bélénor, il tendit sa paume, dans laquelle gisait une petite boule de chair. Doucement, l’homin passa sa main au-dessus de l’étrange amas sanglant. Quelle était cette chose ? Et d’où venait cet imperceptible écho, qu’il arrivait à peine à discerner ? Malheureusement, une voix familière l’interpella et l'empêcha de se concentrer plus longuement sur l’étrange battement…
 
Sans réagir aux paroles de l’homin, le Kami posa ses trois grandes griffes sur la lèvre supérieure du cadavre, dont deux au niveau des narines. Ce n’est que lorsqu’ils virent la tête de Garius bouger et le sang couler que les deux Fyros comprirent que les griffes du Kami était en train de s’allonger à l’intérieur du crâne de leur ami. Si Xynala fît un pas en avant, Bélénor lui attrapa le bras. Il devait savoir. Était-il capable de le ramener à la vie ? De longues et silencieuses secondes passèrent. Et puis, finalement, le Kami retira sa patte du visage de Garius. Ses longues griffes étaient couvertes de sang. Se tournant vers Bélénor, il tendit sa paume, dans laquelle gisait une petite boule de chair. Doucement, l’homin passa sa main au-dessus de l’étrange amas sanglant. Quelle était cette chose ? Et d’où venait cet imperceptible écho, qu’il arrivait à peine à discerner ? Malheureusement, une voix familière l’interpella et l'empêcha de se concentrer plus longuement sur l’étrange battement…
Строка 320: Строка 320:
 
Le Fyros se retourna. Melkiar, tout juste entré dans la pièce, le fixait d’un air sombre. Toutefois, à peine le rescapé eut-t-il ouvert la bouche pour répondre que l’air se chargea en influx d’énergie : derrière lui, le Kami s’était élevé dans les airs et pointait d’une griffe étincelante le nouvel arrivant. De cette même main qui, quelques secondes auparavant, avait dévoilé l’étrange butin sanglant. À la vue du regard chargé de colère de la créature spirituelle, le corps de Bélénor se figea. Pourquoi regardait-elle Melkiar de cette manière ? Qu’avait-il fait pour mériter un tel traitement ? S’il désirait vivement comprendre la scène qui était en train de se dérouler sous ses yeux, l’heure était tout sauf aux questionnements. Car à mesure que la griffe se chargeait en magie, Bélénor sentait les cendres draconiques qui composaient son être entrer en résonance avec celles de la créature divine. Autour de lui, toute la petite pièce s’était mise à vibrer. Alors, n’écoutant que son courage, il se jeta entre le Kami et Melkiar.
 
Le Fyros se retourna. Melkiar, tout juste entré dans la pièce, le fixait d’un air sombre. Toutefois, à peine le rescapé eut-t-il ouvert la bouche pour répondre que l’air se chargea en influx d’énergie : derrière lui, le Kami s’était élevé dans les airs et pointait d’une griffe étincelante le nouvel arrivant. De cette même main qui, quelques secondes auparavant, avait dévoilé l’étrange butin sanglant. À la vue du regard chargé de colère de la créature spirituelle, le corps de Bélénor se figea. Pourquoi regardait-elle Melkiar de cette manière ? Qu’avait-il fait pour mériter un tel traitement ? S’il désirait vivement comprendre la scène qui était en train de se dérouler sous ses yeux, l’heure était tout sauf aux questionnements. Car à mesure que la griffe se chargeait en magie, Bélénor sentait les cendres draconiques qui composaient son être entrer en résonance avec celles de la créature divine. Autour de lui, toute la petite pièce s’était mise à vibrer. Alors, n’écoutant que son courage, il se jeta entre le Kami et Melkiar.
  
« Non ! Je vous en prie ! Il est mon ami, ne lui faites pas de mal ! » hurla-t-il en écartant les bras.
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« Non ! Je t’en prie ! Il est mon ami, ne lui fais pas de mal ! » hurla-t-il en écartant les bras.
  
Alors, instantanément, la griffe du Kami reprit sa couleur noire et l’air se déchargea de l’énergie qu’elle venait d’accumuler. La créature spirituelle, qui avait reporté son regard sur Bélénor, flotta jusqu’au sol. Elle flotta jusqu’au sol, puis s’y enfonça, lentement, comme si celui-ci n’avait aucune consistance. L’homin fixa longuement ses deux grands yeux blancs. Que venait-il de se passer ? Il ne comprenait pas. Et si réponse il y avait, elle ne viendrait pas du Kami. Car inexorablement, la créature se fondait dans l’écorce… Lorsque son petit poing disparut, vraisemblablement toujours serré autour de l'étrange globe de chair, Bélénor se questionna à nouveau sur la nature de son contenu. Il se demanda aussi ce que l’absence du Kami allait laisser au moment où ses deux grands yeux blancs s'évanouirent à leur tour. Reverrait-il un jour son sauveur ? Il ne pouvait pas en être certain. Pourtant, il ne ressentit nulle peine. Car la première émotion qui le submergea fût le soulagement. Oui : ils l’avaient échappé belle.  
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Alors, instantanément, la griffe du Kami reprit sa couleur noire et l’air se déchargea de l’énergie qu’elle venait d’accumuler. La créature spirituelle, qui avait reporté son regard sur Bélénor, flotta jusqu’au sol. Elle flotta jusqu’au sol, puis s’y enfonça, lentement, comme si celui-ci n’avait aucune consistance. L’homin fixa longuement ses deux grands yeux blancs. Que venait-il de se passer ? Il ne comprenait pas. Et si réponse il y avait, elle ne viendrait pas du Kami. Car inexorablement, la créature se fondait dans l’écorce… Lorsque son petit poing disparut, vraisemblablement toujours serré autour de l'étrange globe de chair, Bélénor se questionna à nouveau sur la nature de son contenu. Il se demanda aussi ce que l’absence du Kami allait laisser au moment où ses deux grands yeux blancs s'évanouirent à leur tour. Reverrait-il un jour son sauveur ? Il ne pouvait pas en être certain. Pourtant, il ne ressentit nulle peine. Car la première émotion qui le submergea fut le soulagement. Oui : ils l’avaient échappé belle.  
  
 
« Bé… Bélénor. Qu’est-ce que ce Kami faisait là ? Il faut vraiment que tu m’expliques tout, s’il te plait. »
 
« Bé… Bélénor. Qu’est-ce que ce Kami faisait là ? Il faut vraiment que tu m’expliques tout, s’il te plait. »
Строка 330: Строка 330:
 
« Énor ! »
 
« Énor ! »
  
Oubliant totalement Melkiar, Bélénor se précipita vers Brandille et se jeta dans ses bras. Et alors, pour la première fois depuis son réveil, il éclata en sanglots. Il hurla et pleura longuement. Il arrivait à exprimer son immense tristesse, enfin. Brandille, qui laissa son désespoir s’exprimer sans intervenir, ne brisa jamais le contact. Et puis, lorsque les hurlements se muèrent en gémissement, son amie approcha sa bouche de son oreille.
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Oubliant totalement Melkiar, Bélénor se précipita vers Brandille et se jeta dans ses bras. Et alors, pour la première fois depuis son réveil, il éclata en sanglots. Il hurla et pleura longuement. Il arrivait à exprimer son immense tristesse, enfin. Brandille, qui laissait son désespoir s’exprimer sans intervenir, ne brisa jamais le contact. Et puis, lorsque les hurlements se muèrent en gémissement, son amie approcha sa bouche de son oreille.
  
 
« N’oublie pas, Énor. Cette peine incommensurable que tu ressens, elle passera. Car tout passe. Ainsi va la vie. Ainsi va le temps. »
 
« N’oublie pas, Énor. Cette peine incommensurable que tu ressens, elle passera. Car tout passe. Ainsi va la vie. Ainsi va le temps. »

Версия 16:25, 28 апреля 2022

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