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{{Quotation|''Bélénor Nébius, narrateur''|Si Bélénor oublia le nombre d’années qui lui fallut pour faire son deuil, il le fit, comme Brandille lui avait annoncé. Il y eut ce jour, où la première image qui lui parvint au réveil ne fut pas la tête coupée de son ami. Puis cette autre fois, où il ne pensa pas à lui de la journée. Mois après mois, le spectre de Garius, jusqu’alors agriffé à ses épaules, gagna en légèreté. Et puis un jour, il se volatilisa, sans même que le Fyros ne s’en rende compte, laissant uniquement derrière lui les souvenirs heureux. Aujourd’hui, en repensant à cette étrange période, seul le souvenir des deux premières années lui paraissait clair. Deux années difficiles, tant sa relation avec Varran s’était dégradée… Car depuis la mort de son jumeau, le colosse n’était plus que l’ombre de lui-même. Une ombre agressive et triste. Ses amis crurent le voir définitivement sombrer lorsque son père, déjà bien affaibli par le travail dans les mines, se suicida quelques mois plus tard. Alors, lorsqu’en 2477, Melkiar obtint le plus haut grade académique, et décida, au grand dam de l’armée, de quitter définitivement Fyre pour rejoindre sa tribu, il prit Varran sous son aile. Aussi tristes qu’aient été alors les au revoir, Bélénor vécut le départ de Varran comme un soulagement. Comme un nouveau départ. Et pour passer à autre chose, il se réfugia dans le travail.
 
{{Quotation|''Bélénor Nébius, narrateur''|Si Bélénor oublia le nombre d’années qui lui fallut pour faire son deuil, il le fit, comme Brandille lui avait annoncé. Il y eut ce jour, où la première image qui lui parvint au réveil ne fut pas la tête coupée de son ami. Puis cette autre fois, où il ne pensa pas à lui de la journée. Mois après mois, le spectre de Garius, jusqu’alors agriffé à ses épaules, gagna en légèreté. Et puis un jour, il se volatilisa, sans même que le Fyros ne s’en rende compte, laissant uniquement derrière lui les souvenirs heureux. Aujourd’hui, en repensant à cette étrange période, seul le souvenir des deux premières années lui paraissait clair. Deux années difficiles, tant sa relation avec Varran s’était dégradée… Car depuis la mort de son jumeau, le colosse n’était plus que l’ombre de lui-même. Une ombre agressive et triste. Ses amis crurent le voir définitivement sombrer lorsque son père, déjà bien affaibli par le travail dans les mines, se suicida quelques mois plus tard. Alors, lorsqu’en 2477, Melkiar obtint le plus haut grade académique, et décida, au grand dam de l’armée, de quitter définitivement Fyre pour rejoindre sa tribu, il prit Varran sous son aile. Aussi tristes qu’aient été alors les au revoir, Bélénor vécut le départ de Varran comme un soulagement. Comme un nouveau départ. Et pour passer à autre chose, il se réfugia dans le travail.
  
C’est ainsi que, en parallèle de la fin de ses études, le Fyros rejoignit le corps enseignant de l’Académie. Si les cours de stratégie militaire qu’il dispensait aux jeunes académiciens occupait beaucoup de son temps, son nouveau statut lui octroyait aussi certains privilèges. Dont notamment l’accès aux sections privées de la Grande Bibliothèque de Fyre. Ainsi, Bélénor eut tout le loisir de se replonger dans un sujet qui l’avait fort intéressé au point culminant de l’écriture de son histoire : l’étude de la Karavan, des Kamis, et des nombreux cultes qu’on leur vouait. En effet, sa rencontre avec le Kami Noir l’avait profondément bouleversé. Était-il le même que celui apparu quelques mois après sa naissance, au-dessus de son berceau, comme lui avaient conté ses parents ? Si oui, quels liens partageait-il avec lui ? Pourquoi l’avait-il sauvé ? Et puis, qu’en était-il de cette voix, qu’il était certain d’avoir entendu, juste avant que le Kami n’attaque les Sauvages ?
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C’est ainsi que, en parallèle de la fin de ses études, le Fyros rejoignit le corps enseignant de l’Académie. Si les cours de stratégie militaire qu’il dispensait aux jeunes académiciens et académiciennes occupait beaucoup de son temps, son nouveau statut lui octroyait aussi certains privilèges. Dont notamment l’accès aux sections privées de la Grande Bibliothèque de Fyre. Ainsi, Bélénor eut tout le loisir de se replonger dans un sujet qui l’avait fort intéressé au point culminant de l’écriture de son histoire : l’étude de la Karavan, des Kamis, et des nombreux cultes qu’on leur vouait. En effet, sa rencontre avec le Kami Noir l’avait profondément bouleversé. Était-il le même que celui apparu quelques mois après sa naissance, au-dessus de son berceau, comme lui avaient conté ses parents ? Si oui, quels liens partageait-il avec lui ? Pourquoi l’avait-il sauvé ? Et puis, qu’en était-il de cette voix, qu’il était certain d’avoir entendu, juste avant que le Kami n’attaque les Sauvages ?
  
 
« ''J’ai besoin de toi Bélénor… Pense aux Jours Heureux, Bélénor… Je suis toujours à tes côtés, Bélénor. N’oublie jamais.'' »
 
« ''J’ai besoin de toi Bélénor… Pense aux Jours Heureux, Bélénor… Je suis toujours à tes côtés, Bélénor. N’oublie jamais.'' »
Строка 83: Строка 83:
 
— Oui, déglutit Bélénor. C’est bien ça. »
 
— Oui, déglutit Bélénor. C’est bien ça. »
  
Si l’accueil de ses amies lui avait permis d’oublier ses angoisses, au moins durant quelques instants, celles-ci venaient de ressurgir au galop. Car aujourd’hui marquait le retour de Melkiar et Varran dans la capitale fyrosse, après quatre années d’absence. Quatre années durant lesquelles peu de lettres furent échangées. Quatre années de séparation, qui remettaient peut-être en cause la profondeur de leur amitié. Bélénor se souvenait d’il y a dix ans, lorsque pour convaincre Xynala que le chagrin d’amour qu’elle ressentait aller passer, comme toutes les émotions négatives et positives qui traversaient les homins au cours de leur vie, il avait pris pour exemple l’affection que toutes et tous ressentaient les uns pour les autres.
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Si l’accueil de ses amies lui avait permis d’oublier ses angoisses, au moins durant quelques instants, celles-ci venaient de ressurgir au galop. Car aujourd’hui marquait le retour de Melkiar et Varran dans la capitale fyrosse, après quatre années d’absence. Quatre années durant lesquelles peu de lettres furent échangées. Quatre années de séparation, qui remettaient peut-être en cause la profondeur de leur amitié. Bélénor se souvenait d’il y a onze ans, lorsque pour convaincre Xynala que le chagrin d’amour qu’elle ressentait aller passer, comme toutes les émotions négatives et positives qui traversaient les homins au cours de leur vie, il avait pris pour exemple l’affection que toutes et tous ressentaient les uns pour les autres.
  
 
« ''Un jour, nous ne serons plus amis, c’est une certitude. Les potentielles raisons sont nombreuses : divergences idéologiques, lassitude, éloignement physique, ou tout simplement la mort. Tout passe Xynala. Tout…'' »
 
« ''Un jour, nous ne serons plus amis, c’est une certitude. Les potentielles raisons sont nombreuses : divergences idéologiques, lassitude, éloignement physique, ou tout simplement la mort. Tout passe Xynala. Tout…'' »
Строка 95: Строка 95:
 
Aujourd’hui, le rêve de Melkiar était à portée. Car si celui que l’on surnommait Le Prodige, s’était déplacé jusqu’à Fyre, c’était justement pour rencontrer l’Empereur Cerakos II, qui avait succédé à son père Krospas, décédé deux ans auparavant lors d’une traditionnelle chasse aux varinx. Pour discuter avec lui de son désir de fonder une ville qui permettrait d’accueillir convenablement les tribus qu’il fédérait désormais. Une ville qui, bâtie autour de Fort Kronk, deviendrait la grande cité impériale du désert extrême-occidental. Définitivement, Bélénor comprenait pourquoi Xynala, Tisse et lui-même s’étaient enamourés de Melkiar. Sa capacité à rassembler largement autour de lui, et à aller de l’avant – toujours plus loin – était fascinante.
 
Aujourd’hui, le rêve de Melkiar était à portée. Car si celui que l’on surnommait Le Prodige, s’était déplacé jusqu’à Fyre, c’était justement pour rencontrer l’Empereur Cerakos II, qui avait succédé à son père Krospas, décédé deux ans auparavant lors d’une traditionnelle chasse aux varinx. Pour discuter avec lui de son désir de fonder une ville qui permettrait d’accueillir convenablement les tribus qu’il fédérait désormais. Une ville qui, bâtie autour de Fort Kronk, deviendrait la grande cité impériale du désert extrême-occidental. Définitivement, Bélénor comprenait pourquoi Xynala, Tisse et lui-même s’étaient enamourés de Melkiar. Sa capacité à rassembler largement autour de lui, et à aller de l’avant – toujours plus loin – était fascinante.
  
« Énor, tu m’écoutes ? » s’exclama Brandille, le nez toujours pincé. N’observant pas de réponse, l’acrobate bondit devant son rêveur d’ami, puis continua de sa voix nasillarde.
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« Énor, tu m’écoutes ? » s’exclama Brandille, le nez toujours pincé.
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N’observant pas de réponse, l’acrobate bondit devant son rêveur d’ami, puis continua de sa voix nasillarde.
  
 
« Tu réfléchis trop, je le vois dans tes yeux. Dans ces moments-là, c’est comme si le temps se dilatait. Comme si tu mettais les conversations en pause, et prenais le temps d’écrire tes pensées entre les répliques de chacun. Pourquoi utiliser la troisième personne, d’ailleurs ? Enfin, passons… Je vais me répéter, Énor : non, ces quatre années de séparation ne suffisent pas à remettre en cause votre amitié. Oui, la vie de Melkiar a beaucoup changé : il a désormais bien plus de responsabilités qu’autrefois. Mais tu restes son ami, Énor. Sans parler du fait qu’il a lié son destin au tien, ce jour-là. Tu te souviens ? Tu es celui qui racontera son histoire. C’est ce qu’il dit à la fin de son discours. À la fin du premier chapitre de vos aventures. »
 
« Tu réfléchis trop, je le vois dans tes yeux. Dans ces moments-là, c’est comme si le temps se dilatait. Comme si tu mettais les conversations en pause, et prenais le temps d’écrire tes pensées entre les répliques de chacun. Pourquoi utiliser la troisième personne, d’ailleurs ? Enfin, passons… Je vais me répéter, Énor : non, ces quatre années de séparation ne suffisent pas à remettre en cause votre amitié. Oui, la vie de Melkiar a beaucoup changé : il a désormais bien plus de responsabilités qu’autrefois. Mais tu restes son ami, Énor. Sans parler du fait qu’il a lié son destin au tien, ce jour-là. Tu te souviens ? Tu es celui qui racontera son histoire. C’est ce qu’il dit à la fin de son discours. À la fin du premier chapitre de vos aventures. »
Строка 113: Строка 115:
 
— Tu es simplement un véritable livre ouvert, Énor. Et je te connais comme si je t’avais écrit ! »
 
— Tu es simplement un véritable livre ouvert, Énor. Et je te connais comme si je t’avais écrit ! »
  
Le Fyros soupira, Brandille fit le clown avec son nez pincé, puis tous deux suivirent Xynala et Tisse à travers les ruelles, en direction de l'avenue Dyros. Construite dans la plus large faille de la craquelure qui accueillait Fyre, cette artère passante reliait directement le Palais Impérial au mur d’enceinte qui fermait la cité au sud. Comme attendu, l’avenue était particulièrement bondée en ce jour de marché. Arrivés par le haut de celle-ci, les quatre camarades n’étaient plus qu'à une dizaine de minutes de marche du Palais, dont ils pouvaient déjà contempler l’immense tour centrale depuis laquelle l’Empereur avait pour habitude de s’exprimer devant son peuple. À une dizaine de minutes de marche de Melkiar et de Varan, donc, qu’ils retrouveraient certainement devant le Palais, sur la place Hempios. Et si Xynala, Tisse et Brandille semblaient avoir hâte d’y être, Bélénor ralentit quant à lui la cadence, progressivement, jusqu’à s’arrêter complètement. Désormais dos à ses amies, le Fyros regardait en bas de l’avenue, vers le sud, sourcils froncés.
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Le Fyros soupira, Brandille fit le clown avec son nez pincé, puis tous deux suivirent Xynala et Tisse à travers les ruelles, en direction de l'avenue Dyros. Construite dans la plus large faille de la craquelure qui accueillait Fyre, cette artère passante reliait directement le Palais Impérial au mur d’enceinte qui fermait la cité au sud. Comme attendu, l’avenue était particulièrement bondée en ce jour de marché. Arrivés par le haut de celle-ci, les quatre camarades n’étaient plus qu'à une dizaine de minutes de marche du Palais, dont ils pouvaient déjà contempler l’immense tour centrale depuis laquelle l’Empereur avait pour habitude de s’exprimer devant son peuple. À une dizaine de minutes de marche de Melkiar et de Varran, donc, qu’ils retrouveraient certainement devant le Palais, sur la place Hempios. Et si Xynala, Tisse et Brandille semblaient avoir hâte d’y être, Bélénor ralentit quant à lui la cadence, progressivement, jusqu’à s’arrêter complètement. Désormais dos à ses amies, le Fyros regardait en bas de l’avenue, vers le sud, sourcils froncés.
  
 
« Pas la peine de retarder l’inévitable Énor, plaisanta Brandille en se retournant.
 
« Pas la peine de retarder l’inévitable Énor, plaisanta Brandille en se retournant.
Строка 121: Строка 123:
 
Et alors qu’un air singulier se dessinait sur le visage de Brandille, les tuyères de kün-trazen, le grand beffroi au sommet duquel était fixé le cor d’alerte, résonnèrent dans tout Fyre. Instantanément, un silence de mort envahit l'avenue Dyros. La gorge nouée et le cœur serré, Bélénor s’empressa de capter le regard de Xynala et de Tisse, espérant y trouver des réponses. L’exercice annuel de simulation d’invasion avait eu lieu il y a quelques mois à peine, et toutes deux étaient officières. Elles devaient donc sûrement savoir pourquoi kün-trazen venait d’entonner son chant sinistre. Malheureusement, il ne trouva nulle réponse dans les yeux des Fyrosses. Simplement un mélange d’incompréhension et de peur. Mais pire sonorité restait à venir. Celle-là même qui s’éleva presqu'aussitôt des Portes Sud, et dont le souvenir poursuivrait l’hominité à jamais : l’épouvantable bourdonnement du déclin. Rapidement, les premiers cris retentirent au bas de l’avenue, alors que le vrombissement et l’odeur acerbe s’intensifiaient. Et puis Bélénor les aperçut dans le contre-jour : les étranges créatures ailées dont dont la silhouette leur serait à l'avenir si familière. Il n’en fallut pas moins à Xynala pour reprendre son sang-froid et décrocher le porte-voix de sa ceinture.
 
Et alors qu’un air singulier se dessinait sur le visage de Brandille, les tuyères de kün-trazen, le grand beffroi au sommet duquel était fixé le cor d’alerte, résonnèrent dans tout Fyre. Instantanément, un silence de mort envahit l'avenue Dyros. La gorge nouée et le cœur serré, Bélénor s’empressa de capter le regard de Xynala et de Tisse, espérant y trouver des réponses. L’exercice annuel de simulation d’invasion avait eu lieu il y a quelques mois à peine, et toutes deux étaient officières. Elles devaient donc sûrement savoir pourquoi kün-trazen venait d’entonner son chant sinistre. Malheureusement, il ne trouva nulle réponse dans les yeux des Fyrosses. Simplement un mélange d’incompréhension et de peur. Mais pire sonorité restait à venir. Celle-là même qui s’éleva presqu'aussitôt des Portes Sud, et dont le souvenir poursuivrait l’hominité à jamais : l’épouvantable bourdonnement du déclin. Rapidement, les premiers cris retentirent au bas de l’avenue, alors que le vrombissement et l’odeur acerbe s’intensifiaient. Et puis Bélénor les aperçut dans le contre-jour : les étranges créatures ailées dont dont la silhouette leur serait à l'avenir si familière. Il n’en fallut pas moins à Xynala pour reprendre son sang-froid et décrocher le porte-voix de sa ceinture.
  
« Alerte générale ! Que les réservistes se dirigent vers la caserne la plus proche ! Quant aux autres, réfugiez-vous dans les tunnels d’évacuation ! Suivez la procédure ! »
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« Alerte générale ! Que les réservistes se dirigent vers la caserne la plus proche ! Quant aux autres, réfugiez-vous dans les abris et les tunnels d’évacuation ! Suivez la procédure ! »
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Et au même moment, alors que les premiers êtres volants filaient à toute vitesse au-dessus de la grande artère, les poumons de Bélénor s’enflammèrent. Un agressif voile toxique venait d’empoisonner l’atmosphère. Comme beaucoup des passants qui l’entouraient, il tomba à genoux. Certains même vomirent ou perdirent connaissance. Le visage grimaçant et yeux plissés, le Fyros observait impuissant l'avenue balayée par un vent de panique. Au loin, on pouvait même deviner des départs d’incendie. Mais qu’était-il donc en train de se passer ? Si on excluait les tentatives de certaines tribus, à l’aube de l’ère impériale, jamais Fyre n’avait été attaquée. Et encore moins envahie. Alors quelles étaient ces étranges créatures ailées, bien plus imposantes que les plus gros volatiles jamais répertoriés jusqu’alors ? Sans nul doute les créations malfaisantes des Matis, à qui la Karavan avait, il y a bien longtemps, révélé les secrets de la manipulation génétique. Après tout, bien qu’en paix avec les Fyros depuis le Traité de Karavia, signé en 2436, le Royaume de Matia restait l’ennemi ancestral de l’Empire Fyros… Comme pour indiquer à Bélénor que l’heure n’était pas aux leçons d’Histoire, un badaud le percuta accidentellement et le fît chuter sur le flanc.
  
Et au même moment, alors que les premiers êtres volants filaient à toute vitesse au-dessus de la grande artère, les poumons de Bélénor s’enflammèrent. Un agressif voile toxique venait d’empoisonner l’atmosphère. Comme beaucoup des passants qui l’entouraient, il tomba à genoux. Certains même vomirent ou perdirent connaissance. Le visage grimaçant et yeux plissés, le Fyros observait impuissant l'avenue balayée par un vent de panique. Au loin, on pouvait même deviner des départs d’incendie. Mais qu’était-il donc en train de se passer ? Si on excluait les tentatives de certaines tribus, à l’aube de l’ère impériale, jamais Fyre n’avait été attaquée. Et encore moins envahie. Alors quelles étaient ces étranges créatures ailés, bien plus imposantes que les plus gros volatiles jamais répertoriés jusqu’alors ? Sans nul doute les créations malfaisantes des Matis, à qui la Karavan avait, il y a bien longtemps, révélé les secrets de la manipulation génétique. Après tout, bien qu’en paix avec les Fyros depuis le Traité de Karavia, signé en 2436, le Royaume de Matia restait l’ennemi ancestral de l’Empire Fyros… Comme pour indiquer à Bélénor que l’heure n’était pas aux leçons d’Histoire, un badaud le percuta accidentellement et le fît chuter sur le flanc.
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« Énor, debout ! » siffla Brandille en l’aidant à se redresser avant que la masse des citoyens affolés ne le piétinent.
  
« Énor, debout ! » siffla Brandille en l’aidant à se redresser avant que la masse des citoyens affolés ne le piétinent. 

Car autour du petit groupe, des Fyros paniqués se précipitaient à toute allure en direction du Palais Impérial, créant au passage de dangereux mouvements de foule. Il semblaient fuir le sud de l’avenue, obscurci par l’épaisse fumée noire produite par les systèmes anti-incendie, et où depuis quelques secondes déjà, les cris lointains avaient laissé place à de terribles hurlements.
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Car autour du petit groupe, des Fyros paniqués se précipitaient à toute allure en direction du Palais Impérial – le lieu le plus fortifié de la capitale –, créant au passage de dangereux mouvements de foule. Ils semblaient fuir le sud de l’avenue, obscurci par l’épaisse fumée noire produite par les systèmes anti-incendie, et où depuis quelques secondes déjà, les cris lointains avaient laissé place à de terribles hurlements.
  
 
« Ne paniquez pas ! Restez ordonnés ! Suivez la procédure ! » s’écria Xynala à destination de la foule terrorisée.
 
« Ne paniquez pas ! Restez ordonnés ! Suivez la procédure ! » s’écria Xynala à destination de la foule terrorisée.
Строка 145: Строка 149:
 
« Xynala, Tisse, rendez-vous à la caserne voisine et rassemblez chacune un escadron de réservistes ! Vous êtes promues capitaine pour la journée ! Et si vous réussissez, croyez-bien que vous le resterez ! Transmettez mes consignes aux officiers que vous trouverez sur place ! »
 
« Xynala, Tisse, rendez-vous à la caserne voisine et rassemblez chacune un escadron de réservistes ! Vous êtes promues capitaine pour la journée ! Et si vous réussissez, croyez-bien que vous le resterez ! Transmettez mes consignes aux officiers que vous trouverez sur place ! »
  
Montée sur un mektoub cuirassé jusqu'à la trompe, la vénérable Fyrosse venait d’arriver à leur niveau. Elle avait enfilé une armure lourde et tenait en main une longue pique acérée. Au travers de sa visière, elle examina successivement les deux Fyrosses d’un air rageur. Ainsi juchée, armée et vêtue, rien hormis les nombreuses décorations qui bardaient son plastron ne pouvait laisser croire que la guerrière avait plus de soixante-dix ans. Une nouvelle fois, son âge témoignait de la longévité importante des homins, bien supérieure à celle des animaux qui peuplaient l’Écorce. Plaçant la tête de sa monture en direction du sud, la Fyrosse continua.
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Montée sur un mektoub cuirassé jusqu'à la trompe, la vénérable Fyrosse celle-là même qui avait introduit le célèbre duel qui opposa Melkiar et Xynala durant les Jeux de l’Académie, il y a déjà presque quinze ans, venait d’arriver à leur niveau. Elle avait enfilé une armure lourde et tenait en main une longue pique acérée. Au travers de sa visière, elle examina successivement les deux Fyrosses d’un air rageur. Ainsi juchée, armée et vêtue, rien hormis les nombreuses décorations qui bardaient son plastron ne pouvait laisser croire que la guerrière avait plus de soixante-dix ans. Une nouvelle fois, son âge témoignait de la longévité importante des homins, bien supérieure à celle des animaux qui peuplaient l’Écorce. Plaçant la tête de sa monture en direction du sud, la Fyrosse continua.
  
 
« Des armes de tir devront être données à chacun des soldats, et les amplificateurs de magie les plus perfectionnés iront aux mains des mages les plus doués ! Une fois équipés, Vous emprunterez les monte-charges jusqu’au sommet de la Dorsale ! Votre objectif sera d’attirer ces monstres volants en dehors des failles de la cité ! Tout est bien clair ?
 
« Des armes de tir devront être données à chacun des soldats, et les amplificateurs de magie les plus perfectionnés iront aux mains des mages les plus doués ! Une fois équipés, Vous emprunterez les monte-charges jusqu’au sommet de la Dorsale ! Votre objectif sera d’attirer ces monstres volants en dehors des failles de la cité ! Tout est bien clair ?
Строка 203: Строка 207:
 
Ne faisant ni une ni deux, la Fyrosse ramassa le fusil de Tisse et tira au jugé. Le balla fusa et un ignoble couinement retentit au loin. À l’endroit même où une étrange galopade commençait à se faire entendre. Un gigantesque troupeau semblait se rapprocher des homins.
 
Ne faisant ni une ni deux, la Fyrosse ramassa le fusil de Tisse et tira au jugé. Le balla fusa et un ignoble couinement retentit au loin. À l’endroit même où une étrange galopade commençait à se faire entendre. Un gigantesque troupeau semblait se rapprocher des homins.
  
« Brandille, combien sont-ils ? » continua la Fyrosse en accrochant le fusil de Tisse sur son dos et en dégainant ses deux massues courtes.
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« Brandille, combien sont-ils ? continua la Fyrosse en accrochant le fusil de Tisse sur son dos et en dégainant ses deux massues courtes.
  
« Trop Xynala. Beaucoup trop. Et elles sont différentes des autres créatures. »
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Trop Xynala. Beaucoup trop. Et elles sont différentes des autres créatures. »
  
 
Le visage de la Fyrosse, déformé par la haine il y a peu encore, affichait désormais une détermination à toute épreuve. Une détermination semblable à celle que Bélénor avait lu sur le visage de Tisse avant que le bloc d’écorce ne l’écrase.
 
Le visage de la Fyrosse, déformé par la haine il y a peu encore, affichait désormais une détermination à toute épreuve. Une détermination semblable à celle que Bélénor avait lu sur le visage de Tisse avant que le bloc d’écorce ne l’écrase.
  
« Je vais les retenir. Fuyez jusqu’aux tunnels d’évacuation.
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« Je vais les retenir. Fuyez jusqu’aux abris.
  
 
— Qu… Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes, Xynala ?
 
— Qu… Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes, Xynala ?
Строка 243: Строка 247:
 
À moitié inconscient, le Fyros ne sut pas combien de temps il mit à se relever. Fiévreux, nauséeux, la bave aux lèvres et le regard vitreux, il passa une main tremblante sur son visage. Remarquant la couleur rouge de celle-ci, il comprit que du sang avait coulé en grande quantité de son nez, de ses yeux et de ses oreilles. Cela expliquait certainement l’horrible céphalée qui lui martelait le crâne. Totalement désorienté, il regarda autour de lui, profitant de la levée du brouillard pour se repérer. La monstrueuse vague d’insectes géants avait déferlé depuis le bas de l'avenue Dyros en écrasant tout sur son passage. Désormais muée en une mer morte, elle était tout juste agitée de quelques spasmes nerveux. Une mer dans laquelle Xynala s’était noyée. Si lui avait survécu au cri, il ne faisait aucun doute qu’elle aussi. Elle le devait… Titubant dans la direction supposée de la Fyrosse, il jeta un œil au cratère creusé par Brandille, dans lequel son corps avait disparu. S’il craignait pour la vie de Xynala, il savait Brandille toujours en vie, bien que très faible. Il le sentait, sans comprendre comment ni pourquoi.
 
À moitié inconscient, le Fyros ne sut pas combien de temps il mit à se relever. Fiévreux, nauséeux, la bave aux lèvres et le regard vitreux, il passa une main tremblante sur son visage. Remarquant la couleur rouge de celle-ci, il comprit que du sang avait coulé en grande quantité de son nez, de ses yeux et de ses oreilles. Cela expliquait certainement l’horrible céphalée qui lui martelait le crâne. Totalement désorienté, il regarda autour de lui, profitant de la levée du brouillard pour se repérer. La monstrueuse vague d’insectes géants avait déferlé depuis le bas de l'avenue Dyros en écrasant tout sur son passage. Désormais muée en une mer morte, elle était tout juste agitée de quelques spasmes nerveux. Une mer dans laquelle Xynala s’était noyée. Si lui avait survécu au cri, il ne faisait aucun doute qu’elle aussi. Elle le devait… Titubant dans la direction supposée de la Fyrosse, il jeta un œil au cratère creusé par Brandille, dans lequel son corps avait disparu. S’il craignait pour la vie de Xynala, il savait Brandille toujours en vie, bien que très faible. Il le sentait, sans comprendre comment ni pourquoi.
  
Puis, le sol trembla. Une énième fois. Regardant vers le bas de l’avenue, Bélénor se laissa tomber à genoux. Les Portes Sud étaient en train de vomir un monstrueux essaim. Un raz-de-marée gigantesque, d’ailes, dards et de crocs. Cette fois-ci, nulle Brandille pour leur sauver la mise, seul un miracle pourrait les préserver du cataclysme à venir. Levant la tête et fermant les yeux, Bélénor dédia alors une pensée à chacun de ses proches. À Varran et à Melkiar, qu’il aurait tant voulu revoir une dernière fois. À Tisse et à Garius, qu’il rejoindrait bientôt. À Xynala et à Brandille, à ses côtés, jusqu’au bout. À Penala, évidement, qu’il espérait s'être trouvée un refuge. Même à son père et à sa mère, qu’il aimait, malgré tout. Finalement, il consacra sa dernière pensée à Messen Dyn, le vieux moine kamiste qu’il avait assidûment côtoyé ces dernières années. Ainsi, les yeux fermés et le visage rivé vers l’Astre du Jour, il se mit à prier les Kamis, et tout particulièrement le Kami Noir. Puis, il pensa au Kami Suprême, quel qu’il ait été. Après tout, qui d’autre que lui pouvait réaliser des miracles ? Plusieurs secondes passèrent ainsi, à attendre la mort en priant. Et alors, contre toute attente, Jena répondit au Fyros. Dans un grincement céleste. Au-dessus de Fyre, désormais baignée dans la pénombre, un gigantesque engin volant de la Karavan venait de faire son apparition. Bouleversé, Bélénor leva les bras vers le ciel et fondit en larmes. Jamais il n’avait oublié ce que Melkiar lui avait dit, ce jour-là, attablé dans la taverne.
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Puis, le sol trembla. Une énième fois. Regardant vers le bas de l’avenue, Bélénor se laissa tomber à genoux. Les Portes Sud étaient en train de vomir un monstrueux essaim. Un raz-de-marée gigantesque, d’ailes, dards et de crocs. Cette fois-ci, point Brandille pour leur sauver la mise, seul un miracle pourrait les préserver du cataclysme à venir. Levant la tête et fermant les yeux, Bélénor dédia alors une pensée à chacun de ses proches. À Varran et à Melkiar, qu’il aurait tant voulu revoir une dernière fois. À Tisse et à Garius, qu’il rejoindrait bientôt. À Xynala et à Brandille, à ses côtés, jusqu’au bout. À Penala, évidement, qu’il espérait s'être trouvée un refuge. Même à son père et à sa mère, qu’il aimait, malgré tout. Finalement, il consacra sa dernière pensée à Messen Dyn, le vieux moine kamiste qu’il avait assidûment côtoyé ces dernières années. Ainsi, les yeux fermés et le visage rivé vers l’Astre du Jour, il se mit à prier les Kamis, et tout particulièrement le Kami Noir. Puis, il pensa au Kami Suprême, quel qu’il ait été. Après tout, qui d’autre que lui pouvait réaliser des miracles ? Plusieurs secondes passèrent ainsi, à attendre la mort en priant. Et alors, contre toute attente, Jena répondit au Fyros. Dans un grincement céleste. Au-dessus de Fyre, désormais baignée dans la pénombre, un gigantesque engin volant de la Karavan venait de faire son apparition. Bouleversé, Bélénor leva les bras vers le ciel et fondit en larmes. Jamais il n’avait oublié ce que Melkiar lui avait dit, ce jour-là, attablé dans la taverne.
  
 
« ''Je déteste la Karavan, autant que les Kamis… Ils se prennent pour nos maîtres... Et cela durera, tant que nous continuerons à les nommer « Puissances » ! Car aussi longtemps que les homins s’enchaîneront à eux, aussi longtemps ils resteront des esclaves à leurs yeux ! Moi, j’ai déjà fait mon choix, ce jour-là : plutôt mourir libre que de vivre asservi !'' »
 
« ''Je déteste la Karavan, autant que les Kamis… Ils se prennent pour nos maîtres... Et cela durera, tant que nous continuerons à les nommer « Puissances » ! Car aussi longtemps que les homins s’enchaîneront à eux, aussi longtemps ils resteront des esclaves à leurs yeux ! Moi, j’ai déjà fait mon choix, ce jour-là : plutôt mourir libre que de vivre asservi !'' »

Версия 20:37, 22 марта 2022

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